Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

petit palais

  • Les demoiselles des bords de Seine

     

    Courbet

    Gustave Courbet – Les demoiselles des bords de Seine, 1857, musée du Petit Palais, Paris

     

    « Comme un bétail pensif sur le sable couché,

    Elles tournent leurs yeux vers l’horizon des mers,

    Et leurs pieds se cherchant et leurs mains rapprochées

    Ont de douces langueurs et des frissons amers. »

    Charles Baudelaire - Les fleurs du mal, Femmes damnées 

     

    Ce matin, comme chaque jour, nous avions renouvelé la longue et fastidieuse préparation de la pose. Le peintre vérifiait avec précision tous les détails de nos habits. Comme s’il voulait entrer dans notre intimité. Son sourire de jouisseur restait éternellement accroché à son visage. À sa demande, j’avais desserré mon corset, reposé ma tête nue sur mon châle. D'un geste délicat, qui m’énervait parfois lorsqu’il se collait trop près de moi, il avait lui-même relevé le bas de ma robe blanche à motif afin que mes jupons et mes bas apparaissent. « Je veux que l’on voie votre visage, Hélène. Maintenez vos cheveux bruns en arrière, votre oreille doit apparaître ». Il avait rajouté en me fixant : « Gardez les yeux mi-clos, les bras étendus devant vous dans une pose alanguie ».

    Je ressemblais à un mannequin renversé. À mes côtés, mon amie Jeanne, allongée sur le dos, devait coller sa robe rouge-garance près de la mienne. « Pour le contraste », disait le peintre. Son bras gauche soutenait sa tête couverte d’un large chapeau. Des fleurs des champs reposaient sur sa robe. Rester le regard songeur perdu dans le vague, sans bouger le visage, devait être un véritable calvaire pour Jeanne, femme agitée, sans cesse en mouvement. Par instant, elle me regardait en biais. Son visage revêche révélait les pensées sombres de mon amie.