Vincent Van Gogh – Marguerite Gachet au piano, 1890, Kunstmuseum, Bâle, Suisse
Furtivement, la jeune fille se tourna vers moi. Ses yeux azur pétillèrent un instant. Elle m’offrit à nouveau son profil.
Je changeai de brosse pour accentuer la pâleur du visage. Les mains furent allongées. Esquissées à peine, elles paraissaient plus légères sur le clavier. La qualité des mains dans mes portraits était essentielle. « Elles sont aussi importantes que l’ovale du visage ou l’expression d’un regard, elles causent, disais-je souvent à Théo ».
Mon travail avançait. Je peignais avec l’entrain d’un Marseillais mangeant de la bouillabaisse. Goulûment…
Le pinceau imbibé de laque géranium borda le haut du vêtement, puis rosit ensuite les plis de la robe dans le frais de la couleur blanche. J’en profitai pour accentuer le rouge de la ceinture avec cette laque déposée pure.
Chaque détail était important. Je ne cessais de tourner autour de Marguerite. « Arrêtez Vincent, cria-t-elle en riant, vous me donnez mal au cœur ! »
Le tableau me satisfaisait. Les contrastes étaient puissants, les couleurs s’équilibraient. Des teintes séparées posées librement sur la robe lui donnaient de la souplesse.
Quelques touches finales achevèrent mon travail.
Extrait du roman « Que les blés sont beaux – L’ultime voyage de Vincent Van Gogh », publié sur Bookelis