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Botticelli - La grâce

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Sandro Botticelli – Printemps, 1485, Galerie des offices, Florence

 

Les gros yeux clairs de Sandro Botticelli nous regardent fixement. Il a déposé sa signature sur la toile « L’Adoration des mages » :  à l’extrémité droite du tableau, un jeune homme en manteau orange, beau, front puissant, visage énergique, chevelure bouclée.

 

Quelle incroyable période que celle de la première Renaissance, moment de bouillonnement artistique nouveau dans l’art européen du 15e siècle ! L’art pictural est à la croisée des chemins. Botticelli, doué d’une grâce aristocratique dans sa personne comme dans son art, va devenir l’orgueil de la ville de Florence.

 

Une nouvelle technique voit le jour… Jusqu’à la fin du Moyen Âge, les peintres peignent à la détrempe à l’eau, la tempera, une préparation plus grasse à la colle de peau ou à base d’œufs comme médiums pour les pigments. L’inconvénient : elle sèche trop rapidement et ne permet pas les retouches.

Seulement un demi-siècle, au 15e, sépare les toiles de Jan Van Eyck en Flandres de celles de Sandro Botticelli en Italie. Van Eyck, après de nombreuses expériences de vernis, est le premier grand maître à peindre avec des couleurs à l’huile. Il met en valeur une technique basée sur le « glacis » superposant de fines couches de couleurs à base d’huile de lin. Celles-ci acquièrent solidité, souplesse, et deviennent brillantes. Botticelli utilisera les deux techniques. Le plus souvent, il gardera la tempera, avec laquelle il produira ses plus beaux chefs-d’œuvre.

 

Né en 1445 à Florence, Botticelli fait son apprentissage, à 15 ans, chez le maître Filippo Lippi, un fieffé coureur de nonne. Il s’inspire de celui-ci en peignant des jeunes femmes que les peintres aimaient représenter sous la forme de Madones.

La plupart de ses tableaux de la première période montrent des Vierges à l’enfant à la maternité attentive, couverte d’un voile aérien, le regard tendrement incliné vers l’enfant.

 

Je me souviens, lors d’une visite à Avignon, être resté longtemps devant sa magnifique « Vierge à l'Enfant » ou « Madone Campana », peinte en 1467 à l’huile : la Vierge, vêtue de ses traditionnelles couleurs rouge et bleue, tient l'Enfant sur les genoux. D’une main, elle caresse sa joue, avec l’autre elle s'apprête à lui donner le sein. Les formes apparaissent déjà plus douces, avec des attitudes plus complexes que dans les œuvres de Lippi.

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Sandro Botticelli - La Vierge à l'enfant, 1467, petit palais, Avignon

 

 

À la cour des Médicis à Florence, sous le principat de Laurent et Julien de Médicis, Sandro vient à la renaissance de toute son âme et de son génie. L’idéal de la beauté féminine est de plus en plus sa marque personnelle.

Une femme est illustre par sa beauté dans Florence, la bien-aimée de Julien de Médicis : Simonetta Vespucci. J’ai rendu visite au portrait de Simonetta qui se trouve au château de Chantilly. Piero di Cosimo la peignit quelques années après sa mort en 1476 à seulement 23 ans, dans toute la grâce de son éternelle jeunesse. À ce sujet, je conseille fortement le livre de mon amie belge Christiana Moreau « La Dame d’argile » qui montre ce tableau en couverture et parle longuement de Simonetta dans son récit. J’en ai fait une critique sur Babelio.

 

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Piero di Cosimo - Portrait-de-Simonetta-Vespucci, 1480, Musée Condé, Chantilly

 

Sandro, amoureux virtuel, va faire vivre la jeune femme. En 1485, il peint à la tempera grasse cette reine de Florence, sa muse, dans deux toiles qui sont les plus célèbres du maître. Il est au sommet de son art. Laquelle est Simonetta dans cette superbe allégorie poétique du « Printemps » réunissant plusieurs femmes qui, toutes, pourraient lui ressembler ?

Après 1480, toutes les représentations de femmes peintes par Botticelli laisseront la sensation de se trouver devant Simonetta qui est restée la femme de sa vie. Elle est éblouissante dans sa « Naissance de Vénus », dressée dans une conque marine, nue, la chevelure désordonnée.

Les madones se multiplient dans l’œuvre du peintre. Il ne peut s’empêcher de faire preuve d’imagination en semant quelques fleurs sous les pieds de ses vierges et anges.

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Sandro Botticelli - La naissance de Vénus, 1485, Galerie des offices, Florence

 

J’ai fait une découverte dans ce livre. Je ne connaissais des fresques peintes pour décorer la chapelle Sixtine à Rome que celles, admirables, de Michel-Ange. J’ai appris que le pape commanda plusieurs autres scènes à divers peintres italiens dont Botticelli qui en peignit plusieurs tirées de l’ancien et nouveau testament. Mais ce travail ne joua qu’un rôle secondaire dans l’œuvre du peintre qui retourna vite à ses chères peintures de madones.

 

La période finale du peintre est marquée par des dessins dantesques, noirs, inquiets, évoquant le purgatoire et l’enfer. Il s’est jeté dans la secte de Savonarole, troublé par une conversion à un christianisme sombre de ce moine qui crut à une mission divine, jusqu’au martyre. L’art de Botticelli s’altère et perd le charme qui faisait son génie. On peut le constater dans ses dernières œuvres dans lesquelles il renonce à la grâce sensuelle. Après sa mort miséreuse, en 1510, de nouveaux maîtres arrivent : Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël.

 

Cette biographie sur Botticelli est somptueuse en qualité, autant par ses textes ciselés, bien documentés, cultivés, et son iconographie montrant sur papier glacé les œuvres majeures du maître. Il ne peut que tenir une place de choix dans une bibliothèque.

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Je reste persuadé que sur son lit de mort, la dernière pensée de Sandro fut pour celle avançant vers lui, debout dans une coquille, inclinant un visage un peu triste, ses beaux yeux semblant dire : « pourquoi m’avez-vous ravie à la paix de l’abîme, à la fraîcheur divine de l’Océan ? »

 

 

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