Johannes vermeer – Vue de Delft, 1660, Mauritshuis, La Haye
La grande exposition Vermeer a ouvert ses portes cette semaine au Rijksmuseum à Amsterdam. Elle réunit les trois-quarts des œuvres connues du maître. On parle d’exposition du siècle…
Passionné d’art hollandais de cette période, je place Vermeer en premier dans ma hiérarchie personnelle de l’histoire de l’art. J’ai eu la chance, en 1996, d’assister à la précédente exposition du Sphinx de Delft qui se tint au musée du Mauritshuis à La Haye. Elle rassemblait la presque totalité des œuvres peu nombreuses de Johannes Vermeer et était qualifiée, elle aussi, d’exposition du siècle.
Lors de ma visite, accompagné par Flo, de cette grande exposition de 1996, Vermeer m'a inspiré un court récit sur le superbe tableau de la « Vue de Delft ».
« La clarté rase qui enveloppe la « Vue de Delft » est incroyablement lumineuse. Coincée entre l’immensité du ciel et l’eau sombre du canal, cette ville toute en longueur, comme une frise, aimantait le regard. Au premier plan du tableau, des petits personnages bavardaient sur la bande de sable rosée.
— Tu sens la respiration de la ville, dis-je à Flo ? Imprègne-toi de cette présence physique étonnante… Regarde bien les maisons, la muraille, les portes de la ville et le pont au centre.
Elle m’écoute, attentionnée.
— La matière des murs en briques et des vieilles pierres déformées est exprimée par des empâtements rugueux de différentes tonalités dispersés un peu partout… Tu distingues l’ondulation des tuiles sur les toits rouges dans l’ombre, sur la gauche ? Du sable a été mélangé exprès à la peinture pour donner du relief... Remarque ces bateaux très sombres à droite. L’aspect granuleux de leurs coques s’oppose fortement à la transparence lisse de l’eau. Le peintre les a bombardées de petits points lumineux clairs et de rehauts bleutés. N’est-ce pas que cette ville respire ?
Flo tentait de comprendre, soucieuse. Au bout d’un moment, elle se hasarda : « Tu as raison, elle vit… Cette lumière éparpillée un peu partout… C’est quoi le petit pan de mur jaune de Proust dont tu m’as parlé ? »
On ne sait pas bien... C’est peut-être la fin du mur d’enceinte qui longe le canal, là, devant toi, à côté de la porte de Rotterdam sur la droite. À moins que ce ne soit tout simplement un de ces toits dorés, juste au-dessus, en pleine lumière.
Quelques instants encore, je contemplai la Delft du 17e siècle qui n’existe plus aujourd’hui. Vermeer n’avait peint qu’un seul grand paysage comme celui-ci, mais c’était un coup de maître unique. Aucun paysage de ses contemporains n’approchait cette luminosité exceptionnelle.
J’entraîne Flo dans les petites salles suivantes. Rien que des chefs-d’œuvre sur tous les murs. »
La « Vue de Delft » appartient au Mauritshuis à La Haye. Elle est la toile la plus recherchée du musée avec « La jeune fille à la perle » qui se trouve face à elle dans la même pièce. On pourrait rester des heures en immersion en ce lieu devant ces deux toiles du grand Johannes.
Pour les amoureux de Vermeer, j’ai remarqué que le magnifique catalogue de cette première exposition « Johannes Vermeer » consacrée uniquement à l'œuvre de mon peintre préféré, accompagné d'une superbe iconographie en couleur, pouvait se trouver aujourd’hui d’occasion pour 4 €… Incroyable !
Commentaires
Si dans mes rêves fou je pouvais acquérir
Un seul tableau de maitre assurément l'envie
D'admirer un Vermeer le reste de ma vie
Me comblerait demain vraiment sans coup férir !
Bonsoir cher Alain,
Ce peintre assurément me trouble infiniment et je serais bien incapable d'expliquer au delà de son immense talent ce quelquechose en plus parmi tous les autres grands Maîtres qui me fait l'aimer davantage.
Bises et Bonne nuit
Tu te demandes, Marlène, ce qui pourrait te faire aimer Vermeer davantage que d’autres peintres.
Je te conte brièvement ma première rencontre, histoire vraie, avec lui au Louvre devant La Dentellière. C’est un extrait de la première nouvelle de mon dernier recueil « Deux petits tableaux » :
« Une harmonie en bleu et jaune. La dentellière est penchée, attentive sur son ouvrage. Une délicate vibration lumineuse irrigue la toile dans ses moindres détails et fait chanter les couleurs. Des teintes complémentaires judicieusement juxtaposées se répondent entre elles et égayent l’œil : le bleu du coussin contre le jaune du corsage ; des fils blancs et rouges s’échappent du sac à couture et se déversent sur le tapis vert de la table. Les contours du visage et des mains du personnage sont peu marqués. Une impression de pas fini, peu courante dans la peinture de cette époque. Flou… Pareil que « L’Astronome », son voisin ? Des gouttelettes de peinture essaiment les fils colorés ainsi que le col du corsage.
La Dentellière médite. Le temps s’est arrêté. Le silence… Cette peinture est lumineuse, limpide, d’une simplicité grandiose.
À quelques mètres des deux Vermeer, je les examine intensément. Ils me paraissent encore plus beaux à distance. Je n’ai jamais ressenti une telle émotion. J’ai la sensation qu’il ne s’agit plus de peinture. Je suis devant quelque chose d’autre, d’indéfinissable… Comment deux minuscules tableaux pouvaient-ils provoquer un tel émoi ?
Bon dimanche.