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Lautrec et les femmes

 

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Toulouse-Lautrec - Affiche La revue blanche, Portrait de Misia Natanson, 1895

 

     Durant une bonne dizaine d’années, de 1889 à 1903, la « Revue Blanche » fondée par Thadée Natanson et ses frères fut un haut lieu de l'intelligentsia culturelle et artistique de l'époque. Les plus grands noms y collaborèrent : Mirbeau, Proust, Apollinaire, Verlaine, Bonnard, Vuillard, Vallotton, Toulouse-Lautrec...

     Henri de Toulouse-Lautrec venait régulièrement faire de long séjour au « Relais » chez Thadée et sa femme Misia, la reine de Paris. Ce nabot génial se plaisait chez ce couple qui l’admirait profondément. Ses nombreux amis, habitués de la « Revue blanche » dirigée par Thadée, l’adoraient et le subissaient. « Quelques-uns de tous ceux-là savaient que Lautrec eût donné tous ses dons et son nom pour n’être qu’un cavalier hardi, maîtrisant un cheval entre ses cuisses, les cuisses qu’il avait, enfant, brisées l’une après l’autre… » Une maladie des os et des chutes de cheval l’avaient laissé estropié. De plus, il zézayait avec un accent languedocien.

Malgré ses handicaps, ou à cause d'eux, les femmes ne cesseront d’inspirer sa peinture.

 

 

     À Paris, la fête est le domaine de prédilection de Lautrec qui est toujours environné d’une bande de buveurs comme lui. Il s’amuse à secouer des cocktails et boire toute la journée. Les boissons mettront peu d’années à le dévorer. L’alcool le faisait hoqueter de rire, il riait aux larmes. Mais il ne peignait jamais ivre, il s’enivrait par besoin, après son travail. « Non, je vous assure, chère  madame, que j’bois sans danger… j’suis si près de la terre, hein ? »

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Toulouse-Lautrec - Bal au Moulin de la Galette, 1889, Art Institute of Chicago

 

     Les bordels rendent le petit homme heureux. Il aime l’intimité familiale et les repas
peinture,toulouse-lautrecpris en commun avec ses modèles. Les femmes l’appellent « Monsieur Henri » et il apprécie leur tendre familiarité. Elles le dorlotent et aiment sa gentillesse, son rire et ses puérilités.

     « … Bordel… ben quoi bordel ? T’est (c’est) des maisons du bord de l’eau… Il y faut tellement d’eau, hein ? Tek-nik des ablutions. » Il utilise sans cesse le mot « technique » pour terminer ses phrases avec son accent provincial inimitable.

 

 

 

 

Toulouse-Lautrec - Femme au boa noir, 1892, musée d'Orsay, Paris

 

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Toulouse-Lautrec - Au Salon, le divan, 1893, São Paulo Museum of Art, Brésil

 

     Lautrec jouit du théâtre par tous ses sens, tout comme l’opéra, les beuglants, lespeinture,toulouse-lautrec, vélodromes, les salles de spectacle, tous les sports malgré sa difformité. Le cirque l’intéresse tout particulièrement : clowns, écuyères, acrobates, danseuses sur fil de fer. Il y trouve tous les motifs et modèles dont il a besoin. Il adorait le couple célèbre de clowns Footit et Chocolat. Il ne cesse de dessiner l’enfariné Pierrot blanc et le Scapin nègre toujours maltraité et ahuri sous les coups de son comparse.

 

 

 

 

 

 

Toulouse-Lautrec - Yvette Guilbert chantant, 1894, musée Pouchkine, Moscou

 

     Régulièrement, au Moulin Rouge, au Jardin de Paris, Lautrec se plante au premier rang du cercle entourant les chahuteuses et garde son lorgnon à hauteur des dessous de lingerie qu’elles agitent. Il se repait des danseuses : Grille d’Égout, la Goulue, Demi-Siphon, Jeanne Avril… « Une danseuse, énonce Lautrec, ses muscles… au Moulin, ils n’arrivent à les durcir qu’à force de travail… sans arrêt… C’est pus des femmes. C’est pus des jambes qu’elles ont. Les jambes, les cuisses ont pris tout le dur… C’est des animaux de luxe, quoi ?... Hors commerce… Tek-nik de l’entraînement… »

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Toulouse-Lautrec - Au cirque Fernando, écuyères, 1888, The Art Institute of Chicago

 

     Il reste une profusion d’estampes ou de tableaux des modèles de femmes dont il s’éprenait. Il s’est trouvé des femmes que la misère de son corps et son appétit jamais rassasié de tendresse attendrissait, mais aucune jusqu’à la fin n’eut le courage de s’éprendre du petit homme, où la charité de lui faire vraiment croire. « Le corps des femmes, explique-t-il, un beau corps de femme voyez-vous… c’est pas fait pour l’amour… c’est trop chouette, hein ? » Il avait besoin de leurs câlineries mais aussi de leurs larmes, pour les essuyer. « Henri, vous êtes un enjôleur » arrive à prononcer, parmi ses soupirs, une grosse tête blonde que font tressauter ses sanglots.

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Toulouse-Lautrec - Femme nue étendue sur un divan, 1897, Barnes Fondation, Philadelphie

 

     Lautrec va être surpris et attiré par Vincent Van Gogh qu’il rencontre à l’atelier Cormon. Celui-ci ne souriait jamais des proportions de son camarade. Il fait un beau portrait au pastel de son ami attablé devant un verre d’absinthe. Van Gogh lui présente l’exemple de ce qu’un homme peut oser en ayant la volonté de n’exprimer que soi. Lautrec pouvait-il savoir qu’ils mourraient tous les deux à 37 ans ?

 

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Toulouse-Lautrec - Portrait de Vincent van Gogh, 1887, Van Gogh Museum, Amsterdam

 

     Au cours des années 1890, avec près de 400 lithographies, Lautrec va marquer de sa griffe l’histoire de l’affiche : « Jeanne Avril », « La Goulue et Valentin le Désossé », « May Milton », la « Troupe de Mademoiselle Églantine » « Aristide Bruant », « Le Moulin-Rouge ».

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Toulouse-Lautrec - La troupe de mademoiselle Eglantine, 1895, The Metropolitan Museum of Art, Washington

     Il sait tirer une image unique qui en immortalisera l’instant. En 1895, la danseuse « La Goulue » se retire du « Moulin Rouge » pour s’installer dans une baraque à la Foire du Trône à Paris et demande à son ami Lautrec de la décorer. Deux panneaux, que l’on peut voir aujourd’hui au musée d’Orsay, le consacrent comme maître de l’affiche peinte sur panneaux.

« Un rien de ruban de velours sépare du décolleté le profil célèbre du visage trop blanc aux lèvres cramoisies, coiffé du casque presque orange des cheveux dont une large frange sur les yeux retombe. »

 

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Toulouse-Lautrec - La Goulue et Valentin le désossé (panneau), 1895, musée d’Orsay

 

     Une attaque de paralysie terrasse Lautrec au coeur de l’été 1901. Sa « pauv’sainte femme de mère » accourt et l’emmène chez elle, au château de Malromé. Ses yeux fatigués qui l’ont si ardemment fait vivre ne se donnent plus la peine de regarder. Lautrec que ses désirs asservissaient, n’en éprouve plus. Aucun !

Tout enfant, il joua au pied de la magnifique cathédrale d’Albi, proche de la maison familiale, formidable cube de briques rouges ou roses, au gré du soleil, sans savoir que, plus tard, son musée s’y installerait dans l’ancien palais épiscopal.

 

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Loin de tout confinement, je vous souhaite à tous d'excellentes vacances.

 

 

Commentaires

  • Il ne manque que la musique joyeuse d'Offenbach, ce "Cancan" que tout le monde connaît, pour accompagner ta dernière intervention avant les vacances, Alain et partiellement masquer par son exubérance ce triste trimestre que nous venons de vivre ...
    Bonnes vacances à toi, également ... à moins que comme souvent pour ce qui te concerne, tu ne les prennes qu'en septembre ...

  • J’aime parler de cette période artistique où les peintres, poètes, écrivains, musiciens, apportaient un air nouveau. En matière de peinture ce fut une révolution.
    Cette ambiance de fêtes fait effectivement du bien après ce terrible confinement qui a marqué les populations mondiales.
    Dans les nombreux cabarets les petites femmes de Paris attiraient une clientèle bigarrée. Lautrec mourra jeune après en avoir bien profité, malgré ses nombreux handicaps.
    Nous avons tous besoin de changer d’air. Pour moi, ce sera sûrement, comme toujours, en septembre même si je n’ai rien prévu encore.
    Excellentes vacances à toi et ta famille.
    Amitiés.

  • Bonnes vacances à toi Alain!!!Merci de nous avoir mis le résumé du reportage que j'ai visionné sur ARTE!! J'ai adoré!!! Bisous Fan

  • Je ne sais pas de quel reportage du parles, Fan ? Je n’ai pas eu connaissance de ceci sur Arte. Il va falloir que je me renseigne car je regarde peu la télé.
    Tu es en vacances toute l’année dans ta belle région. Profite un maximum de la liberté retrouvée.
    Amicalement.

  • ton article est passionnant, comme toujours - tragique et flamboyant destin que celui de cet artiste victime de la dangereuse consanguinité de ses parents. Bel été, Alain !

  • Ce petit homme était un grand pour tous ses amis. L’un de nos plus grands peintres français qui, avec son ami Van Gogh, attire toujours autant de monde à Orsay.
    Belle saison estivale, Emma.

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