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Gautier, un romantique parnassien

 

peinture, écriture, Théophile Gautier, poésie, art, romantisme

Félix Bracquemond – Théophile Gautier, 1857, d’après une photographie de Nadar

 

 

« Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien. »

 

 

     Figure marquante, gloire de la vie littéraire au 19e siècle, Théophile Gautier est un touche-à-tout dans le domaine des arts. Il aborde tous les genres : critique d’art, conte, poésie, nouvelle, roman, théâtre, et même des livrets de ballets, dont celui du ballet « Gisèle ». Il est un des membres de ce mouvement parnassien qui considère que l’art doit être impersonnel, sans engagement politique et social.

     Gautier est souvent considéré comme celui qui manie le mieux la langue française. Ces poèmes sont des petits bijoux joliment ciselés qu’il faut déguster lentement, mot à mot. Leur unique but est une recherche de beauté et d’exigence esthétique. En 1852, son recueil de poèmes « Émaux et Camées », qui se situe à la croisée du romantisme et de la poésie parnassienne, illustre idéalement les principes esthétiques de l’artiste et son exigence de perfection.

 

     En 1857, Charles Baudelaire dédit ses « Fleurs du mal » à son modèle et ami Théophile Gautier. Son « maître et ami », « poète impeccable, parfait magicien de lettres françaises. » Il lui envoie son recueil accompagné d’une lettre dédicace :

 

« À mon très cher et très vénéré maître et ami Théophile Gautier

Bien que je te prie de servir de parrain aux Fleurs du mal, ne crois pas que je sois assez perdu, assez indigne du nom de poète pour m’imaginer que ces fleurs maladives méritent ton noble patronage. Je sais que dans les régions éthérées de la véritable Poésie, le Mal n’est pas, non plus que le Bien, et que ce misérable dictionnaire de mélancolie et de crime peut légitimer les réactions de la morale comme le blasphémateur confirme la Religion. Mais j’ai voulu, autant qu’il était en moi, en espérant mieux peut-être rendre un hommage profond à l’auteur d’Albertus, de La Comédie de la Mort et d’Espana, au poète impeccable, au magicien ès langue française, dont je me déclare, avec autant d’orgueil que d’humilité, le plus dévoué, le plus respectueux et le plus jaloux des disciples. »

 

 

     Pour terminer l’année j’ai eu envie de vous offrir la beauté des mots de ce grand poète, dans une poésie et deux critiques d’art.

 

 

 

peinture, Ingres

Jean-Auguste-Dominique Ingres – La grande odalisque, 1814, musée du Louvre, Paris

 

« Quelle élégance abandonnée dans ses longs membres qui filent comme des tiges de fleurs au courant de l’eau ! Quelle souplesse dans ces reins moelleux, dont la chair semble avoir des micas de marbre de Paros sous la vapeur rose de la vie qui les colore légèrement ! Et quel soin précieux dans tous les accessoires, les bracelets, le chasse-mouches en plumes de paon, les bijoux, la pipe, les draperies, les coussins, les linges fripés et jetés çà et là ! »  

 

Théophile Gauthier Sur la Grande Odalisque » - le Moniteur Universel, juillet 1885

 

 

 

peinture, Ingres

Jean-Auguste-Dominique Ingres – La baigneuse Valpinçon, 1808, Louvre

 

« La Baigneuse, assise et vue de dos, se modèle dans un clair-obscur argenté, réchauffé de reflets blonds ; un gazillon blanc et rouge se tortille avec coquetterie autour de sa tête, et son beau corps, peint grassement, développe ses riches formes féminines revêtues d’une couleur qui semble prise sur la palette de Titien. Des linges d’un blanc chaud et doré, à franges effilées et pendantes, comparables aux draps sur lesquels s’allongent les Vénus et les maîtresses de prince du grand peintre de Venise, font valoir par leurs beaux tons mats les chairs fermes et superbes de la baigneuse ; un bout de rideau tombant sur le coin du tableau est le seul repoussoir que ce soit permis l’artiste ; tout le reste se maintient dans une gamme claire, puissante et tranquille, sur un jour qui tombe de haut, probablement par une de ces verrues de cristal qui bossuent les coupoles des bains turcs à Constantinople. Ici, tout est réuni, beauté et vérité, dessin et couleur. »

 

Théophile Gauthier, Le moniteur universel, Critique Exposition universelle de 1855

 

 

 

 

Fantaisies d’hiver (Extrait)

Théophile Gautier, Recueil Emaux et camées

 

I

Le nez rouge, la face blême,
Sur un pupitre de glaçons,
L’Hiver exécute son thème
Dans le quatuor des saisons.

Il chante d’une voix peu sûre
Des airs vieillots et chevrotants ;
Son pied glacé bat la mesure
Et la semelle en même temps ;

Et comme Haendel, dont la perruque
Perdait sa farine en tremblant,
Il fait envoler de sa nuque
La neige qui la poudre à blanc.

II

Dans le bassin des Tuileries,
Le cygne s’est pris en nageant,
Et les arbres, comme aux féeries,
Sont en filigrane d’argent.

Les vases ont des fleurs de givre,
Sous la charmille aux blancs réseaux ;
Et sur la neige on voit se suivre
Les pas étoilés des oiseaux.

Au piédestal où, court-vêtue,
Vénus coudoyait Phocion,
L’Hiver a posé pour statue
La Frileuse de Clodion.

 

 

Heureuse fin d'année à tous les lecteurs.

A l'année prochaine.

 

 

Commentaires

  • Merci Alain pour ces belles images, autant picturales que littéraires.
    Je vous souhaite, à toi et ton, épouse, de très belles fêtes de fin décembre, ainsi, bien sûr, qu'une excellente année 2020.
    Très amicalement,
    Richard

  • L’année se termine avec un écrivain de grand talent, sachant parler de peinture avec la même poésie que dans ses poèmes.
    Heureuse fin d’année à toi et tes proches, Richard.

  • Merci Cher Alain de me permettre de retrouver ce romancier, poète, critique d'art, etc.... Une petite révision en fin d'année est un réel plaisir.
    Que les fêtes vous soient douces et agréables.

  • Gautier était le talent à l’état pur. Que ne savait-il pas faire avec cette plume élégante qui le suivait partout. Il avait aussi voulu être peintre dans sa jeunesse.
    Et il adorait les femmes qui le lui rendaient bien.
    Excellente fin d’année, Maryvonne, à vous et vos proches.

  • Merci Alain pour cette pensée d'un des grands écrivains de son époque, admirateur de Victor Hugo et ami , entre autre "Baudelaire"!!! une époque où les littéraires savaient jouer avec les mots de la langue française sans les abîmer mais plutôt en les respectant et leur rendre grâce en piochant dans ce magnifique vocabulaire qui permet tant de variétés dans les propos exprimés!! Il a aimer différentes options où il excellait en maître! Merci Alain et Tous mes bons voeux de fêtes de fin d'année avec surtout une belle santé pour toi et tes proches!!Bisous Fan - A bientôt en 2020
    g

  • Quelle chance avait ce 19e siècle : une explosion d’artistes doués dans tous les domaines. On était particulièrement gâté en matière de littérature avec ces nombreux écrivains que le monde nous enviait : Gautier, Baudelaire, Flaubert, Maupassant, Balzac, Verlaine, Chateaubriand, et de nombreux autres. La France était un phare artistique à l’étranger. Cela a bien changé.
    Cette langue est magnifique pour ceux qui l’aiment et savent sans servir. Il faut, difficilement, tenter de la préserver.
    Je te souhaite, Fan, une très heureuse fin d’année.

  • Merci pour la découverte des mots écrits sur ces tableaux.
    Merci aussi à toi pour le très beau poème.
    Passe de belles fêtes toi aussi.

  • Gautier est un régal pour les amoureux de la belle langue.
    Si ces poèmes te plaisent, tu peux voir en entier le superbe recueil de poèmes "Émaux et Camées :
    https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89maux_et_Cam%C3%A9es
    Excellente fin d'année à toi et ta famille.

  • bonne fin d'année, Alain, et merci pour tout ce que tu as apporté dans celle qui se termine. C'est toujours intéressant de lire les critiques des contemporains, car ils sont partie prenante de leur époque. Tu ne trouves pas que Baudelaire est bien fayot ?

  • Tu as plutôt raison Emma sur Baudelaire qui semble s’aplatir devant Gautier. Il est vrai que Baudelaire était en mal de reconnaissance avec son recueil des Fleurs du mal lequel, c’est le moins que l’on puisse dire, avait été très mal accueilli en 1857. Il était très satisfait d’un article de Gautier à son égard et voulait le prendre comme préface à son recueil. Puis il admirait profondément ce manieur de mots et cela peut se comprendre tellement celui-ci était talentueux.
    Gautier fera d’ailleurs une magnifique dédicace à Baudelaire après la mort de celui-ci.
    Belle fin d’année à toi. Encore bravo pour l’humour qui emplit ton blog.

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