« La poésie est la petite personne inaperçue dans la foule des éloquences qui se pavanent.
Elle touche ceux qui peuvent écouter en silence l’écho d’une fontaine et le chant d’un oiseau. »
Lorraine, le 12 septembre 2014
Je n’ai pas oublié la superbe poétesse que j’ai eu l’honneur de connaître par nos blogs respectifs. Son livre de poème commandé chez TheBookEdition.com « Le cahier du soir » m’avait enchanté.
J’ai envie de la faire revivre un instant. Elle en serait heureuse.
Elle avait certainement, autrefois, dansé à Bougival.
Auguste Renoir – Danse à Bougival, 1883, Museum of Fine Arts, Boston
BAL À BOUGIVAL
Tu descends du tableau, je suis figée d’émoi
Ta jupe balancée empoussière mes yeux
A l’instant tu dansais dans ce cadre de bois
Puis tu t’es envolée d’un petit saut gracieux
Belle de Bougival, captive de Renoir
Ta beauté le troubla en ce soir bienheureux
Il t’immortalisa en gardant la mémoire
De ton corps alangui entre des bras fougueux
Tableau qui m’ensorcelle jusqu’à la déraison
D’une infime musique j’entends encor la voix
Le bal de Bougival me donne l’illusion
D’entrer dans la guinguette où jadis on t’aima
Le temps s’est arrêté. Du bout de son pinceau
Renoir a esquissé l’ébauche d’un roman
D’un léger coup de reins la belle en son tableau
A retrouvé la pose, le rythme et le galant
Et sur ma rêverie tombe comme un rideau
Qu’il était beau le temps des cannes à pommeau !
Peut-être était-ce à Bougival qu’elle avait connu l’homme qui avait fait vibrer son cœur et partagé son existence, au point de lui faire cet aveu :
AVEU
Je ne vous dirai pas ce que j’aurais du dire
En ce soir de gaîté où vous vîntes vers moi
Vous m’avez invitée, la danse en son délire
M’a plus que de raison enserrée dans vos bras
En ce soir de gaîté où vous vîntes vers moi
Vous étiez un ami avec qui j’aimais rire
L’imperceptible émoi, le son de votre voix
M’ont soudain alertée. En vos yeux je pus lire…
Vous étiez un ami avec qui j’aimais rire
Mais c’était un amour qui enlaçait sa proie
La valse m’emportait. Avant qu’elle n’expire
L’étrange envoûtement m’enveloppait, sournois
C’était donc un amour qui enlaçait sa proie
Je m’enfuis de la valse avant qu’elle n’expire
L’étrange envoûtement s’évaporait, sournois
Vous ne saurez jamais ce que j’aurais pu dire…
J’espère qu’un jour le talent de cette poétesse et amie lui permettra d’accéder à une plus grande reconnaissance encore auprès des éditeurs et lecteurs passionnés de poésie.
Merci Lorraine
Commentaires
Que voilà une dame, poétesse dans l'âme, qui semble avoir grandement fait vibrer les fibres littéraires qui composent ta palette d'artiste. Ce n'est en effet pas la première fois que tu l'évoques pour nous : et c'est bien ainsi car, pour ce qui me concerne, je viens de retourner lire les articles que, précédemment, tu lui avais consacrés, partant, certains de ses poèmes que tu avais choisi d'épingler ici ...
Oui, Richard, je viens de ressortir son recueil et le relire. Je considère toujours Lorraine comme une grande poétesse.
Les deux que je publie dans l’article sont superbes. Mon préféré est La Danseuse que j’avais mis dans un précédent article et que, pour le plaisir, je remets, ci-dessous :
LA DANSEUSE
La ligne de son casaquin
Soulignait le reflet moiré
De son torse enrubanné
Pour la danse des dix sequins
Elle toisait le baronnet
Prompt à remplir son escarcelle
Et dont le regard qui harcèle
Avide la déshabillait
Fière et battant du tambourin
Elle allait, de désirs casquée
Effleurant d'un jupon cloqué
Gentilshommes et muscadins
Un peintre dessina la danse
Le pied menu et balancé
Sous l'envol d'un rythme endiablé
Semble encore compter la cadence…
C’est vraiment beau.
elle avait déposé chez moi les mots que tu cites en exergue, car ses commentaires étaient à son image : généreux, attentifs, élégants, cette grande dame grandissait ses interlocuteurs
J’ai connu Lorraine peu de temps. Suffisamment pour échanger des paroles amicales qui élevaient nos courtes conversations.
C’est une chance pour la poésie que ses vers aient pu être publiés et qu’elle ait eu le temps de voir la première publication de son recueil.
Ces poèmes sont un régal de délicatesse.
Ohh comme ces rimes sont jolies, à la fois timides et envoûtantes!!Bravo à Lorraine et merci à toi de partager son talent!!! Bisous Fan
Tu sais, Fan, que j’avais annoncé dans un article que Lorraine était décédé l’année dernière. En relisant son recueil, qu’elle eut le temps de relire avant publication, j’ai pensé qu’il fallait montrer à nouveau quelques poèmes afin qu’ils vivent à nouveau.
Un talent tout en finesse et en observation.
Merci Alain
Regarder un tableau en imaginant les mots de Lorraine sera pour moi ma façon de lui rendre hommage
Difficile de trouver des mots aussi élégants pour accompagner un tableau que ceux de Lorraine.
De temps à autre je reprends son recueil et me laisse bercer par la qualité des poèmes.
Merci Maryvonne
Que d'émotions Alain, en lisant ces poèmes!
Poèmes de votre amie qui sûrement, je le pense, danse à contre-ciel, éternelle en son amour des mots...
Elle n'est plus sur cette terre mais elle est là, toujours, dans ses mots, ses expressions, son talent qui brille...
Juste magique!
Deux mots qui pour moi caractérisent ce que je viens de lire, juste magique...
Merci à vous pour ce partage qui fait vivre et revivre une âme de poétesse...
Amitiés Alain et merci pour votre message et pour le poème que vous m'avez déposé, je l'ai beaucoup aimé...
Cendrine
Je me suis fait un petit plaisir, Cendrine, en donnant, un instant, une nouvelle vie à quelques poèmes de Lorraine.
J’ai beaucoup aimé le recueil qu’elle nous a laissé en héritage. Elle avait un grand talent et savait associer la peinture à ses mots, comme « Bal à Bougival ».
Il me semble que vous l’avez connu à travers la plume de Quichottine qui semble un peu dépressive en ce moment. Une mauvaise année… Vous pourriez mettre quelques poèmes de Lorraine sur votre blog, vos amis apprécieraient.
L’humour était également présent chez Lorraine, même dans les derniers moments. Avant de rejoindre ce paradis des poètes qui l’attendait, elle laissa un poème dont je donne l’extrait ci-dessous :
« Mais je reste debout. Si je vais à pas lents
L'âge et moi nous marchons sans nulle défaillance
Il sait qu'il gagnera mais il ignore quand
Et je ne suis pas prête à faire allégeance !
Et puis un jour viendra. Ce sera le dernier
Un jour comme aujourd'hui sans craintes ni reproches
Je fermerai les yeux. Et mon coeur allégé
Suivra sans hésiter l'appel vibrant des cloches... »
Que dire de plus…
J’espère que vous allez bien, Cendrine.
Amicalement
Je n'ai connu Lorraine que par ses écrits... par ses lettres.
Travailler avec elle dans les derniers mois de sa vie et avec sa fille ensuite a été un grand bonheur.
J'aurais aimé qu'elle soit plus connue, mais il n'est guère facile de publier des œuvres posthumes quand on n'est pas d'une famille célèbre, hélas !
Merci de parler si bien d'elle...
Tu m'as émue.
Je suis content, Quichottine, que tu aies vu mon article.
Lorraine était une femme exceptionnelle et son talent était impressionnant. Fréquentant, depuis cette année, le réseau littéraire Babelio, j’ai publié l’article que tu viens de lire sur ce réseau. Cela a permis de la faire découvrir à plusieurs personnes dont certaines ont commandé son livre.
Ainsi, comme tous les poètes, elle ne sera pas oubliée.
Merci à toi pour tout, Alain.
J'aurais aimé pouvoir la faire éditer autrement... elle aurait sans doute eu plus de lecteurs.
Mais ceux qu'elle a eus s'en souviendront, c'est certain.
Passe une douce journée.