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HYMNE À LA BEAUTÉ

 

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Vincent Van gogh - Nuit étoilée sur le Rhône, septembre 1888, musée d’Orsay, Paris

 

 

« Ci inclus petit croquis d’une toile de 30 carrée, enfin le ciel étoilé peint la nuit même sous un bec de gaz. Le ciel est bleu vert, l’eau est bleue de roi, les terrains sont mauves. La ville est bleue et violette, le gaz est jaune et ses reflets sont or roux et descendent jusqu’au bronze vert. Sur le champ bleu vert du ciel, la Grande Ourse a un scintillement vert et rose, dont la pâleur discrète contraste avec l’or brutal du gaz.

Deux figurines colorées d’amoureux à l’avant plan.

 

Lettre de Vincent à Théo, le 30 septembre 1888

 

 

Hymne à la beauté - Charles Baudelaire

 

 

Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abîme,
O Beauté ? Ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l’on peut pour cela te comparer au vin.

Tu contiens dans ton œil le couchant et l’aurore ;
Tu répands des parfums comme un soir orageux ;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l’enfant courageux.

Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ;
Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.

Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques,
De tes bijoux l’Horreur n’est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.

L’éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !
L’amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l’air d’un moribond caressant son tombeau.

Que tu viennes du ciel ou de l’enfer, qu’importe,
O Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
Si ton œil, ton souris, ton pied, m’ouvrent la porte
D’un Infini que j’aime et n’ai jamais connu ?

De Satan ou de Dieu, qu’importe ? Ange ou Sirène,
Qu’importe, si tu rends, — fée aux yeux de velours, 
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! —
L’univers moins hideux et les instants moins lourds ?

  

Charles BAUDELAIRE - Les Fleurs du mal (1868)

 

 

 

     J’ai écouté une émission de France Culture « Les discussions du soir », discussion entre Leili Anvar et l’historienne de l’art Paule Amblard concernant la remarquable exposition actuellement au musée d’Orsay : AU DELA DES ETOILES – LE PAYSAGE MYSTIQUE de Monet à Kandinsky.

     L’historienne Paule Ablard, avec sensibilité et passion, nous parle remarquablement de quelques toiles présentes dans l’exposition. Le mystère contenu dans ces œuvres d’art nous fait toucher, par le regard, une spiritualité, une réalité invisible qui devient sacrée et nous ramène vers notre propre intérieur.

     La toile de Van Gogh ci-dessus "Nuit étoilée sur le Rhône" figure à la fin de l'exposition.

     J’ai beaucoup aimé.

 

     A écouter, Sur les sentiers des « paysages mystiques » du Musée d’Orsay... https://www.franceculture.fr/emissions/les-discussions-du-soir-avec-leili-anvar/paysages-mystiques

 

Pour que la « Beauté » selon Baudelaire « Rende l’univers moins hideux et les instants moins lourds », il faudrait que, enfin, elle soit enseignée, montrée, comprise, afin que tous les enfants du monde voient les autres avec un regard d’amour et non de haine…

 

 

Commentaires

  • Un des très grand parmi d'autres.
    Que la poésie fait du bien quand les forces du mal nous agressent.

  • Il me semble que votre article de ce jour sur la beauté est aussi, en quelque sorte, la conclusion de votre série sur Vermeer.
    J'ai eu la chance de voir cette exposition (à son tout dernier jour !). La comparaison des oeuvres de Vermeer avec celle de ses contemporains exposés près de lui montre bien la nature baudelairienne de sa quête. La beauté, et non la virtuosité pour elle-même, l'a guidé un peu plus loin que les autres.

  • Je dirai même, Carole, que la beauté a guidé Vermeer BEAUCOUP plus loin que les autres. Mon premier regard, il y a une vingtaine d'année, en découvrant La Dentellière et L'Astronome me fit comprendre que j'avais affaire à une autre peinture, quelque chose qui dépassait la peinture pour nous emmener dans une autre monde, celui qui est dans nous QUELQUE PART... Baudelaire aussi nous emmène si loin...
    Quand comprendra-t-on en France et dans le monde que l'étude de l'art est une matière de base, et non accessoire.

  • ah la beauté ... à chacun sa perception de la beauté, comme à chacun sa vérité... selon qu'on juge avec son cortex ou le cerveau des émotions... la recherche de la beauté est si souvent douloureuse chez les artistes...
    "La mort et la beauté sont deux choses profondes
    Qui contiennent tant d'ombre et d'azur qu'on dirait
    Deux soeurs également terribles et fécondes
    Ayant la même énigme et le même secret".V.Hugo (cité par U Eco, histoire de la beauté)

  • Cortex ou cerveau émotionnel… Je ne me pose pas de questions d’où vient ma propre perception de la beauté. Chacun trouve la sienne naturellement. Et il est heureux lorsqu’il la rencontre.
    Je voulais parler, par l’intermédiaire d’une toile de Van Gogh et d’un poème de Baudelaire, de cette belle exposition qui se tient au musée d’Orsay dont j’avais apprécié les commentaires de l’historienne de l’art sur le beau dans l’art et les liens entre l’artiste et la sensibilité de nos regards créant une ouverture du cœur sur le monde.
    Une belle philosophie de l’art et de la vie.

  • je n'ai pas encore trouvé le temps d'écouter ta référence audio, c’est pour cela que je n'en ai pas parlé ; cependant je crois qu'on peut et on doit éduquer à la culture, en effet, afin que tous aient accès au patrimoine artistique ; mais on ne peut pas enseigner la beauté.

  • Quand dérivent et bouillonnent nos pensées, das l'athanor de la nuit...
    De la voracité des monstres, de la rage et de la soif de sang peuvent naître des feux qui donneront, bien malgré eux, naissance à des étincelles de vie.
    Le meilleur de l'humain se manifeste aussi lorsque l'Humanité succombe sous l'abjection...
    Superbe ode à la beauté, j'y souscris pleinement, merci Alain, amitiés
    Cendrine

  • Je suis totalement athée mais la présentation symbolique des toiles par cette « historienne de la symbolique chrétienne » m’a beaucoup intéressé.
    Au delà de la perception de la beauté, elle montrait l'apport spirituel de chaque toile de l’exposition : « l’air, la chaleur, la lumière qui baisse le soir » dans « Les Meules » de Monet. « Tout éclate de vie » selon Octave Mirbeau. En parlant de la « Nuit étoilée » de Van Gogh : « il voit la nuit plus richement colorée que le jour » ; « sa touche ondulatoire nous emporte comme un vent avec lui ».
    Cette façon de parler de l’art m’a séduit.
    Belle journée.

  • Deux hymnes à la beauté qui reflètent évidemment, la manière de l'aborder de chacun des auteurs! deux personnages qui perçoivent souvent la beauté comme une agression et qui l'a transpose dans une écriture souvent angoissée, une forme d'auto défense! je ne sais s'ils se sentaient mieux après avoir eu cet éclat de génie qui nous laisse muet d'admiration mais c'est cela qui faut expliquer à cette génération qui pense souvent refaire le monde!!!Bisous Fan

  • Il est certain que les deux hommes se sentaient mal dans leur peau, surtout Van Vogh, comme beaucoup d’artistes. Le résultat de leur quête est du beau, celui qui fait du bien à la première vision, qui nous prend intérieurement et permet d’aller plus loin.
    C’est pour cela que j’ai aimé la vision portée par les deux femmes de l’émission de France Culture sur les œuvres d’art. La spiritualité religieuse est présente, mais tout le monde n’est pas capable de parler d’art de cette façon, simplement, avec une ouverture sur la vie, le monde, et les mystères qui nous entourent.
    Beau week-end Fan. Attention au soleil.

  • Oui Emma, on ne peut effectivement pas enseigner la beauté, mais il y aurait de nombreuses façons dans présenter les divers aspects, de montrer les œuvres, d’expliquer simplement sans se perdre dans des analyses alambiquées ou trop techniques. Je pense toujours qu’un de ces moyens est de conter l’art comme je tente souvent de le faire, et toi aussi Emma.
    Je crois que des progrès ont été faits pour montrer la richesse du patrimoine artistique (visites de musées, lectures, vidéo, meilleures qualités des reproductions photographiques). Néanmoins, l’art n’est pas suffisamment enseigné, surtout auprès de ceux qui n’ont pas la chance de vivre dans un milieu ouvert culturellement.

    "Que tu viennes du ciel ou de l’enfer, qu’importe,
    O Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
    Si ton œil, ton souris, ton pied, m’ouvrent la porte
    D’un Infini que j’aime et n’ai jamais connu ?"

    Bonne journée Emma.

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