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1/2 - Elisabeth Vigée Le Brun : Souvenirs

 

A cette époque de ma vie, j’étais laide. J’avais un front énorme, les yeux très enfoncés ; mon nez était le seul joli trait de mon visage pâle et amaigri. En outre j’avais grandi si rapidement qu’il m’était impossible de me tenir droite, je pliais comme un roseau.

[…]

Mademoiselle Boquet avait alors quinze ans et j’en avais quatorze. Nous rivalisions de beauté (car j’ai oublié de vous dire, chère amie, qu’il s’était fait en moi, une métamorphose et que j’étais devenue jolie).

 

 

     Depuis le 23 septembre dernier, à travers plus de 150 œuvres, le Grand Palais à Paris rend hommage à Elisabeth Vigée Le Brun en lui consacrant la première rétrospective de ses oeuvres en France.

     Cette femme-peintre exceptionnelle est considérée peinture,vigée le brun,grand palais,portraitscomme un des plus grands portraitistes du 18ème siècle. Née en 1755, fille du peintre pastelliste Louis Vigée, elle commence tôt à peindre. Son père se rendant compte de sa sensibilité artistique lui dira : « Tu seras peintre mon enfant, ou jamais il n’en sera ». A 23 ans, son talent lui permet de devenir le peintre officiel de la reine de France Marie-Antoinette dont elle fait de nombreux portraits. Grâce à l’intervention de celle-ci, en 1783, l’Académie royale de peinture la reçoit et confirme ainsi son appartenance officielle à l’élite artistique française. En 1789, les vents mauvais de la révolution l’obligent à s’exiler. Voyageant à travers toute l’Europe, de cour en cour, célèbre, elle ne cesse de peindre les grands de cette époque. En 1802, revenue en France, elle continue à peindre jusqu’à son décès en 1842, âgée de 87 ans. Ses « Souvenirs », écrits durant les douze dernières années de sa vie, seront ses ultimes mémoires ou autobiographie qui pourrait être son dernier portrait.

 

     Je montre aux lecteurs quelques œuvres parmi celles que j’ai le plus appréciées. Pour la plupart, celles-ci ont été peintes avant l'arrivée à Rome de l'artiste alors âgée de 34 ans, à la toute fin de l’année 1789. 

     Maintenant, laissons la place aux souvenirs…

 

 

 

Nous revînmes en Flandre revoir les chefs-d’œuvre de Rubens. Je trouvai chez un particulier le fameux « Chapeau de paille ». Cet admirable tableau représente une femme de Rubens ; son grand effet réside dans les deux différentes lumières que donnent le simple jour et la lueur du soleil. Ainsi les clairs sont au soleil ; et ce qu’il me faut appeler les ombres, faute d’un autre mot, est le jour. Ce tableau me ravit et m’inspira au point que je fis mon portrait à Bruxelles en cherchant le même effet. Je me peignis portant sur la tête un chapeau de paille, une plume, une guirlande de fleurs des champs, et tenant ma palette à la main. Quand le portrait fut exposé au salon, j’ose vous dire qu’il ajouta beaucoup à ma réputation.

 

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Elisabeth Vigée Le Brun – Autoportrait au chapeau de paille  (copie autographe), 1782, National Gallery, Londres. Je considère cette toile, non présente dans l’exposition du Grand Palais, comme la plus lumineuse et la plus belle de l’artiste, avec celle de la duchesse de Polignac ci-dessous.

 

 

Il n’est point de calomnie, point d’horreurs, que l’envie et la haine n’aient inventées contre la duchesse de Polignac ; tant de libelles ont été écrits pour la perdre, que, joints aux vociférations des révolutionnaires, ils ont dû laisser, dans l’esprit de quelques gens crédules, l’idée que l’amie de Marie-Antoinette était un monstre. Ce monstre je l’ai connu : c’était la plus belle, la plus douce, la plus aimable femme qu’on pût voir. 

 

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Elisabeth Vigée Le Brun – Gabrielle Yolande Claude Martine de Polastron, duchesse de Polignac

 

     Le tableau de la duchesse de Polignac a été peint la même année que « l’autoportrait au chapeau de paille » ci-dessus. Rubens et son tableau d’une femme « Le chapeau de paille » a inspiré les deux toiles qui sont fort ressemblantes dans la technique de l’ombre portée sur des visages aux regards voilés.

 

 

Mon frère, plus jeune que moi de trois ans, était beau comme un peinture,vigée le brun,grand palais,portraitsange. […] J’étais bien loin d’avoir sa vivacité d’esprit et surtout son joli visage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Elisabeth Vigée Le Brun – Jeune garçon au livre, 1773, collection privée

 

  

Mes progrès étaient si rapides, que l’on commençait à parler de moi dans le monde, ce qui me valut la satisfaction de connaître Joseph Vernet. Ce célèbre artiste m’encouragea et me donna les meilleurs conseils. « Mon enfant, me disait-il, ne suivez aucun système d’école. Consultez seulement les œuvres des grands maîtres de l’Italie, ainsi que celles des maîtres flamands : mais surtout faites le plus que vous pourrez d’après nature : la nature est le premier de tous les maîtres. Si vous étudiez avec soin, cela vous empêchera de prendre aucune manière. » 

 

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Elisabeth Vigée Le Brun – Joseph Vernet, 1778, musée du Louvre, Paris

 

 

C’est en l’année 1778, ma chère amie, que j’ai fait pour la première fois le portrait de la Reine, alors dans tout l’éclat de sa jeunesse et de sa beauté. Marie-Antoinette était grande, admirablement bien faite, assez grosse sans l’être trop. Ses bras étaient superbe, ses mains petites, parfaites de formes, et ses pieds charmants. Elle était la femme de France qui marchait le mieux. […] Mais ce qu’il y avait de plus remarquable dans son visage, c’était l’éclat de son teint. Je n’en ai jamais vu d’aussi brillant, et brillant est le mot ; car sa peau était si transparente qu’elle ne prenait point d’ombre. Aussi ne pouvais-je en rendre l’effet à mon gré : les couleurs me manquaient pour peindre cette fraîcheur, ces tons si fins qui n’appartenaient qu’à cette charmante figure et que je n’ai retrouvés chez aucune autre femme.

 

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Elisabeth Vigée Le Brun – Marie-Antoinette en grand habit de cour, 1778, Kunsthistoriches museum, Vienne

 

J’ai fait successivement à diverses époques plusieurs autres portraits de la Reine. Ces portraits étaient donnés à ses amis ou à des ambassadeurs. Un entre autres la représente coiffée d’un chapeau de paille et habillée d’une robe de mousseline blanche dont les manches sont plissées en travers, mais assez ajustées : quand celui-ci fut exposé au salon, les méchants ne manquèrent pas de dire que la reine s’était fait peindre en chemise ; car nous étions en 1796, et déjà la calomnie commençait à s’exercer sur elle.

 

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 Elisabeth Vigée Le Brun – Marie-Antoinette en chemise ou en gaulle, 1783, Hessische Hausstifung, Kronberg

A suivre.....

Commentaires

  • J'ignore si je trouverai le temps d'aller voir l'exposition ...mais en attendant je lis avec beaucoup de plaisir le livre "Souvenirs"que vous connaissez sans doute http://www.citadelles-mazenod.com/home/204-vigee-le-brun-souvenirs.html
    et je vais donc suivre également avec beaucoup d'intérêt "votre sélection" :)
    @bientôt

  • J’ai lu les souvenirs édités par Champion classiques. Comme les « Correspondances », j’apprécie les « Souvenirs » qui, en ce qui concerne Elisabeth Vigée Le Brun présentent souvent une forme épistolière.
    800 pages quand même… Heureusement, je cherchais essentiellement les passages concernant les tableaux de l’artiste et son travail de portraitiste. Dommage qu’elle a très peu fait de paysages.

  • Quel plaisir de retrouver cette grande artiste !
    En 2012, déjà, toi et moi avions laissé un commentaire à son propos sur un article qu'avait publié Louvre-passion. Te souviens-tu ?
    Depuis, j'ai lu nombre de ses souvenirs dans les deux tomes que publie "Gallica" ici sur le Net

    Heureux que Paris lui fasse honneur cet automne.

    A Paris, précisément, nous y serons mon épouse et moi avec notre Petit Prince, pour ses 8 ans, au prochain congé de Toussaint.
    Mais je crains bien que cette visite à Elisabeth Vigée-Lebrun ne sera pas prévue au programme des trois jours, programme que j'estime déjà chargé pour un môme malgré qu'il l'ait souhaité : la Tour Eiffel, la salle des momies animales et celle des sarcophages au Département des Antiquités égyptiennes du Louvre et l'exposition Osiris à l'I.M.A., surtout les petits films relatant les fouilles sous-marines.


    Nonobstant, consolation d'importance, je sais que je puis compter sur toi pour nous en rendre compte puisqu'un autre article est déjà prévu sur ton blog ...

  • Effectivement j’avais revu l’excellent article de Louvre-Passion et nos commentaires de l’époque. Son article complète le mien sur la vie de l’artiste. Tu parles, dans le commentaire, du livre de Geneviève Haroche-Bouzinac qui était une œuvre de fiction s’inspirant des souvenirs. Le livre que j’ai utilisé est une reprise récente par le même auteur des seuls souvenirs, dans une édition complète, petit format et épais, que l’on trouve au Grand Palais.
    Dans mon article (la seconde partie viendra la semaine prochaine) je me suis plus attaché à montrer des tableaux de grande qualité accompagnés de souvenirs.
    Je suis heureux que tu fasses visiter Paris à ton petit-fils, malgré que ce mois de novembre (que je déteste) ne soit pas la meilleure période. Si par hasard tu vas quand même au Grand Palais, un conseil pour éviter d’éventuelles fatigues : peut-être oublier la seconde partie de l’expo, en haut d’un grand escalier, consacrée au grandes toiles de nobles et princesses peintes par l’artiste au cours de son voyage de douze années en exil. Intéressant mais un peu répétitif.

  • Mais elle était très belle cette femme peintre et quel talent!!!!!! un destin qui vaut un certain intérêt, une biographie hors du commun!!Oui, il faut rendre hommage à cette dame pleine d'inattendus! Bisous Fan

  • Beauté et talent. Elle a su tirer parti de ses avantages pour laisser un nom dans l’histoire de la peinture.
    Elle échappa de peu aux révolutionnaires qui auront coupé tant de jolis cous de femmes. En ce qui concerne Elisabeth Vigée Le Brun cela aurait vraiment été dommage…

  • Une remarquable artiste. Je possède une édition de ses mémoires aux éditions "des Femmes", ce qui prouve que bien des femmes admirent son parcours, si rare à cette époque. J'espère que je pourrai voir l'exposition. Je vous remercie en tout cas, une fois encore, de nous montrer tant de belles choses, et de les mettre si finement en relation avec les paroles de l'artiste.

  • Elisabeth Vigée Le Brun occupe une position unique dans l’histoire de la peinture en publiant, de son vivant, des souvenirs intercalés entre mémoires et autobiographie : lettres, poèmes, anecdotes intimes.
    Cette femme exceptionnelle traversera l’ancien régime, la révolution, l’empire, la restauration et s’éteindra non loin de la seconde république. Un exploit ! Les nombreuses éditions qui lui sont consacrées nous permettent de découvrir une vie de femme-artiste utilisant ses atouts personnels de femme et son talent au service d’une ambition.
    Le Grand Palais, comme souvent, nous présente une belle exposition. Je regrette encore que « l’Autoportrait au chapeau de paille » n’y soit pas.

  • 1755 et non 1855,comme année de naissance!Bel article!

  • Quelle grossière faute de frappe ! Je corrige.
    Cela démontre l’acuité visuelle de mes lecteurs qui n’ont rien remarqué.
    Merci pour votre appréciation.
    Bon dimanche.

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