Il était temps ! L'exposition se termine samedi prochain, 15 août.
L'ancien Musée d'Art Américain n'a pas changé de look mais de nom en 2009. Il est devenu le Musée des impressionnismes et veut s'intéresser à l'histoire de l'impressionnisme et à ses conséquences sur l'art du 20ème siècle.
Blotti dans un jardin découpé à l'ancienne en carrés fleuris éclatants de couleurs, il est toujours aussi agréable de se rendre dans ce musée proche de quelques centaines de mètres de la maison et des jardins de Claude Monet à Giverny. L'artiste y vivra de 1883 à sa mort en 1926, soit 43 ans.
Comme souvent, le ciel normand bleu diaphane, presque délavé, est morcelé de nuages moutonneux qui laissent filtrer quelques rayons de soleil au gré de leurs humeurs. Pour une fois, la chaleur est présente.
- Is that parking free ?
Je ne suis pas encore sorti de la voiture que déjà un touriste japonais s'inquiète de savoir si son budget vacances résistera durablement aux prix exorbitants des places de parkings en France.
Je lui souris béatement pour le rassurer.
- Oh ! Yes, it is free !
J'accompagne ma réponse d'un geste significatif en arrondissant les doigts de ma main droite : « Zero !... Free ! ».
Rassuré l'homme s'éloigne rejoindre sa compagne qui semble s'impatienter.
Il fait toujours frais dans ce musée. J'inspecte les lieux. Je constate que les tableaux des excellents artistes américains que je voyais souvent exposés dans ce lieu semblent avoir disparu.
« Ce n'est qu'un œil, mais bon dieu, quel œil ! » s'exclamait Paul Cézanne en parlant de Claude Monet.
Je savais avant de venir que l'expo était entièrement consacrée à Claude Monet et à son travail dans la région de Giverny. Effectivement, il n'y a pratiquement que des toiles de l'artiste. Une bonne vingtaine de tableaux du peintre semblent un peu perdus dans les grandes salles du musée. Ils représentent son jardin, quelques vues des bords de la Seine ou de l'Epte et, surtout, son fameux étang aux nymphéas.
Claude Monet – En norvégienne ou La barque à Giverny, 1887, Musée d’Orsay, Paris
Faute de la quantité, je vais me contenter de la qualité ! Sur ce plan, aucun souci à se faire. Avec Claude Monet, nous sommes dans le meilleur de l'impressionnisme. Un régal !
Le Musée d'Orsay s'est délesté, à regret certainement, de sept de ses toiles. J'en reconnais certaines d'entrée : Le bassin au nymphéas avec son pont japonais et, mon préféré, le jardin de l'artiste aux iris bleu mauve vibrants dans la lumière.
Claude Monet - Le bassin aux nymphéas, harmonie rose, 1900, Musée d’Orsay, Paris
Claude Monet – Le jardin de l’artiste à Giverny, 1900, Musée d’Orsay, Paris
Photo de Claude Monet, vers 1888-1890
Photo de Claude Monet près du bassin aux nymphéas, 1905
Sur une photo, la famille Hoschedé Monet est installée au grand complet dans le jardin. Ils sont nombreux car Claude Monet, veuf de sa première femme Camille décédée à 32 ans, a épousé en 1892 Alice Hoschedé, veuve également. Ils ont déjà 8 enfants à eux deux de leur premier mariage. Cela fait du monde. Je reconnais Blanche au premier plan, beaucoup plus jeune que la Blanche vieillissante aux cheveux blancs que l'on voit sur les photos de la fin de vie de l'artiste. La belle-fille de Monet fut la compagne attentive et dévouée de ses dernières années. Elle peignait souvent avec lui dans la campagne environnante et une de ses toiles est exposée.
Théodore Robinson – photo des Monet et des Hoschedé, 1892, Musée Marmottan, Paris
Evidemment, de nombreuses études de nymphéas sont exposées. La plupart ont été retrouvées dans l'atelier du maître après son décès. Elles servaient d'études préparatoires pour les « Grandes Décorations » données à l'Etat par Monet, celles qui enthousiasment les visiteurs du musée de l'Orangerie à Paris depuis 1927.
Claude Monet – Nymphéas bleu, 1916/19, Musée d’Orsay, Paris
Claude Monet – Nymphéas, 1904, Musée des Beaux-Arts, Le Havre
Etrange ! Mes yeux se sont posés par hasard sur les signatures en noir « Claude Monet » apposées au bas des études. Je ne reconnais pas le jambage minutieux des signatures habituelles du peintre ? Serait-ce des signatures rajoutées par Michel Monet, son fils, qui donna nombre de ces études au Musée Marmottan Monet à Paris ?
Bof ! L'essentiel est que la peinture soit bien du maître. On ne peut s'y méprendre. L'harmonie picturale des fameux Nymphéas est bien présente : la symphonie des couleurs, les saules pleureurs trempant dans l'onde, les reflets des nuages et les éclats du soleil primesautier, les vibrations des feuillages dans l'eau troublée par le vent, la lumière volage. Seul Monet était capable de rendre ce fouillis aquatique de façon aussi réaliste, souvent proche de l'abstraction.
Claude Monet – Nymphéas, 1908, Musée municipal de Vernon
Je vois un beau paysage du musée d'Orsay ne se rapportant pas à la région de Giverny : Champ de tulipe en Hollande. L'artiste aimait le pays des moulins et des canaux.
Claude Monet – Champ de tulipe en Hollande, 1886, Musée d’Orsay, Paris
Je reconnais deux des nombreux nymphéas que possède le Musée Marmottan Monet. Les courbes gracieuses de l'agapanthe et de l'hémérocalle ne pouvaient qu'inspirer l'artiste.
Claude Monet – Les hémérocalles, 1914, Musée Marmottan Monet, Paris
Claude Monet – Nymphéas et agapanthes, 1914, Musée Marmottan Monet, Paris
Finalement, la visite a été trop rapide. Je m'assois un long moment, pensif, au milieu des grandes toiles, immense jardin d'eau qui m'entoure.
Cet homme âgé avait fait un travail colossal, pensai-je. Monet n'avait plus besoin de se déplacer sur le motif, il lui suffisait de piocher dans la « palette » de son jardin. Son style de peinture en fin de vie, peut-être dû à ses problèmes visuels, était proche de l'art moderne...
Claude Monet – Saule pleureur, 1920/22, Musée d’Orsay, Paris
En sortant du musée, je ne suis pas retourné visiter la maison rose de Monet et son jardin. Je les connais si bien.
J'aperçois le couple de japonais qui m'a accosté en arrivant se diriger d'un pas allègre en direction de la maison rose. Je leur fais un signe de la main. L'homme sifflote, heureux.
Alain
J'indique ci-dessous, deux récits que j'ai déjà publiés se rapportant au jardin et à l'étang aux nymphéas de Claude Monet :
Le Clos Normand, un jardin à Giverny - Claude Monet, 1900
Les Nymphéas - Claude Monet, 1922
Commentaires
Bonjour Alain,
Un récit toujours aussi agréable. Comme vous j'aime infiniment Monet, ses peintures, sa maison et son si beau jardin. Et je comprends que vous n'ayez pas eu envie de revoir tout cela au milieu de la foule estival.
Amicalement
Bonjour Colette
Effectivement, la foule partait plus vers la maison rose qu’au musée.
Monet, on ne s’en lasse pas !
Cézanne était un peu réducteur en disant que Monet n’était qu’un œil, car c’était aussi un coloriste génial et une sensibilité hors du commun.
Sans oublier la poésie…
Bon dimanche
quel plaisir d'être restée au frais en attendant que les touristes quittent doucement les bords de l'océan ; ah, s'ils pouvaient nous rendre visite chacun leur tout.................. mais leur présence amène la visite de nos enfants et petits enfants ; donc c'est le POSITIF et soyons généreux ; laissons profiter les touristes de notre belle région et de son climat "non légendaire" mais tellement agréable. BON TOUT CE LAÏUS pour dire qu'un petit moment sur mon blog me fait découvrir le votre qui m'enchante !!! merci de nous offrir ces merveilles. Lors de notre dernier séjour à Paris, notre petit fils de 19 ans nous a rejoint et quel bonheur de le voir ébloui devant ces merveilles au musée de l'Orangerie !!!
Quelles souffrances endurées par cet homme âgé pour faire ces immenses toiles de l’Orangerie qui enchantent les visiteurs de nos jours !
Merci monsieur Monet. Dommage qu’il n’ait pu assister à l’entrée de ses tableaux dans le musée en 1927. Il était décédé l’année précédente…
Je suis heureux que mes récits vous plaisent.
Bonne journée
merci de votre passage ; je vais garder précieusement les coordonnés de votre blog car il pourrait devenir "ma madeleine de Proust". bien amicalement
Proust est un sommet et la description de « la madeleine » est dans la continuité de son style d’écriture. Un peu long parfois pour moi qui aime les phrases courtes… Mais quelle poésie !
Mes récits cherchent effectivement, en montrant des œuvres et en parlant des peintres tels que je les ressens, à ce que leur art restent comme un souvenir, simple et qui fait du bien.
J’aime bien aussi « le petit pan de mur jaune de Proust » sur « La vue de Delft » de Vermeer. Voir la catégorie : « Johannes Vermeer de Delft ».
Amicalement
Bonjour Alain
tres bel article, trés bien illustré
tu as découpé un morceau de Giverny bravo !
jacky http://poemesalacarte.unblog.fr/
Des tranches de Giverny peintes pas Monet, cela met en appétit.
Le peintre a transformé son jardin en une immense palette colorée dans laquelle les nombreux touristes peuvent se servir visuellement à volonté.
Quel curieux hasard, nous sommes aussi allés à Giverny quelques jours avant la fermeture de l'exposition pour revoir le fameux jardin et visiter le nouveau musée des impressionismes qui a pris la suite du musée d'art américain.
Les grands esprits se rencontrent toujours un jour ou l’autre…
La ballade à Giverny, c’est immanquablement du plaisir à chaque visite. Ne pas oublier la tombe du peintre et de sa famille qui est toujours fleurie.
Bon retour de vacances car il me semble que c’est pour bientôt.
Encore un très bel article qui donne envie de te suivre; ici, à Giverny.
Je ne reviendrai pas sur l'émotion de ma découverte des Nymphéas à l'Orangerie et que je t'avais racontée en commentaire de ton article d'avril 2008 dont tu as judicieusement rappelé le lien. Et comme je l'ai écrit à Vincent, ne connaissant absolument pas cet endroit aux portes de la Normandie, nous songeons, mon épouse et moi, à y faire un petit séjour.
Ceci étant, à te lire, y compris les précédents articles sur Giverny, je suis un peu "refroidi" : une file d'attente aussi importante nous perturberait grandement.
Mais bon, nous prendrions notre mal en patience car il semble bien que la magie des lieux mérite bien un petit "sacrifice" ...
J'oubliais : bravo pour cet article passionnant ! J'ai ainsi virtuellement visité l'exposition en ta compagnie.
Bon retour de vacances Richard.
Effectivement, le jardin du peintre et sa maison valent un petit sacrifice.
A la belle saison les touristes sont nombreux car Monet et ses nymphéas sont connus dans le monde entier.
Beaucoup d’américains de passage en France venaient visiter l’ancien Musée d’Art Américain devenu Musée des Impressionnismes. Mais aujourd’hui il n’y a pratiquement plus de tableaux des nombreux artistes qui fréquentaient la région du temps de Monet. Dommage car ils étaient excellents.
Pour moi, la plus belle période de l’année pour le jardin est mai/juin, mais ce jardin foisonnant, naturel, est coloré toute l’année. L’univers du peintre, un peu laissé à l’abandon après sa mort, a été bien reconstitué. Et son grand atelier raisonne encore de sa présence.
Je suis allé au dernier moment voir l’expo terminée trop vite. J’ai fait de mon mieux pour la montrer.
Très bel article, très coloré: j'ai visité le nouveau musée l'année dernière et j'ai découvert ce lieu insolite...avec foule vers la maison de Monet...
J'ai écrit une chronique illustrés par mes clichés photographiques sur mon site.
A bientôt et bonne continuation
Jocelyne ARTIGUE
Ce petit coin de Normandie regroupant la maison de Monet, ses jardins et le nouveau Musée des Impressionnismes est toujours un régal à voir. Evidemment, les visiteurs étrangers s’y pressent mais aussi tous ceux pour qui les « impressionnistes »donnent de la joie au cœur. Et ils sont nombreux !
Il faut aller à Orsay, à l’Orangerie et à Marmottan à Paris pour en savoir plus sur eux.
Merci monsieur Monet.
Bonne journée