Je souhaite aux lecteurs qui me font l'amitié de me lire régulièrement, à ceux qui sont de passage, ou à ceux qui s'égarent sur ce blog, un heureux Noël et une GRANDE ANNEE 2009.
Alain
En cette période de Noël, j'offre cette histoire aux enfants et aux adultes qui ont gardé leur âme d'enfant.
Le Sud
Paul avait 10 ans. C’était un grand. Il vivait sa vie…
Depuis quelque temps déjà, une chose le turlupinait. La couleur de la peau…
Rien de grave, mais il s’interrogeait. Il ne comprenait pas bien pourquoi ses camarades ou des grandes personnes qu’il croisait dans la rue, et même quelques professeurs de l’école, avaient des couleurs de peau si différentes de la sienne.
Dans la classe de Paul, le blanc, ou plutôt le blanc rosé, cassé, l’emportait. C’était la couleur commune des gamins de son âge.
Certains élèves, rares, tiraient sur le jaune plus ou moins doré, avec des cheveux raides très noirs. Dans sa classe, il y en avait deux. Toujours ensemble, ceux-là ! On les appelait « les chinois » ou « chinetoques ». Discrets, on ne les remarquait guère.
C’était les teintes de peau foncées qui tracassaient Paul. Pour s’amuser, il avait recensé dans son environnement proche une gamme étonnante de coloris : des beiges clairs, des bruns plus ou moins foncés, des chocolats, des caramels, des cuivrés, puis des franchement noirs, de jolis noirs presque purs.
Son voisin de table en classe faisait partie de cette dernière catégorie. Sa peau ressemblait aux morceaux de charbon que sa mère lançait dans le poêle l’hiver, et ses cheveux étaient frisés. Très intelligent, il pigeait tout, très vite. Trop vite pour Paul qui lui enviait cette rapidité d’esprit même s’il en profitait souvent pour se faire aider lorsqu’il séchait devant une règle grammaticale ou une table de multiplication. Lorsque son ami souriait on ne voyait que ses yeux et ses dents. Certains élèves l’appelaient « black ». Paul n’aimait pas.
Comment peut-on avoir une peau aussi sombre, pensait Paul ?
La réponse lui vint par hasard…
Récemment, Paul s’était aperçu que sa propre peau changeait de teinte facilement. Elle était blanche comme la plupart de ses camarades, peut-être légèrement plus teintée, mais, dès qu’il s’exposait au soleil, elle fonçait très rapidement et devenait franchement foncée après plusieurs couches d’astre solaire. Cela l’intriguait. Il complexait.
Un jour, un copain qui l’avait vu deux jours auparavant le teint triste et palot, le croisa portant une mine épanouie couleur caramel brun et lui envoya d’un air ébahi : « Mais qu’est ce qui t’arrive ? ». Il fut incapable de lui donner une explication et continua son chemin, embarrassé et honteux.
Pourtant, ce soleil faisait partie des amis de Paul. Il ne connaissait jamais ces terribles coups de soleil, hantise des peaux délicates. Malheureux rouquins ! Il avait remarqué que, tous les ans au retour de vacances à la mer, un jeune voisin d’immeuble de son âge, aux cheveux roux, présentait une peau craquelée virant au rouge écrevisse bien cuite qu’il tentait de cacher comme il pouvait. Le soleil l’avait brûlé. Paul compatissait à sa souffrance…
Lui, il se sentait bien au soleil. Il était heureux, gai, lorsque les chauds rayons le pénétraient. Il avait le sentiment étrange de retrouver une ambiance qui lui correspondait. Il était chez lui… Il ne comprenait pas bien pourquoi, lui, habitant d'une grande ville, ne connaissant que les immeubles, les bruits, les odeurs des voitures et la grisaille persistante, pourquoi ce soleil, dès qu’il l’effleurait, le réchauffait, lui donnait un tel sentiment de bien-être…
Pour Paul, cette étoile brillante qui brûlait les yeux quand on la regardait était devenue, synonyme de Sud, celui dont on parlait dans les bouquins. Il voyait ce Sud très loin, bien plus loin que le sud de la France qu’il étudiait en géographie. Il ne savait pas bien où était le sud de la France car il n’avait pas encore dépassé les limites de la grande banlieue de sa ville où sa mère l’envoyait pendant les grandes vacances.
Sur la carte du monde, il avait repéré que l’Espagne était située juste en dessous de la France. Mais le Sud, c’était encore plus bas… Il pensait qu’il ne pouvait vraiment débuter qu’à partir des côtes africaines. C’était là le Sud ! Cela ne pouvait être ailleurs. Il avait lu dans un livre : « Tchinda la petite sœur de Moudaïna », qu’en Afrique le soleil brûlait la peau et que les gens étaient colorés naturellement. Ce livre racontait les aventures d’une petite fille noire de la tribu des Massas en plein cœur de l’Afrique. Dans le pays de Tchinda, il faisait toujours chaud, les arbres étaient immenses, les fleuves très larges et les habitants se promenaient à moitié nus. Des animaux extraordinaires, que Paul avait vu au zoo de Vincennes : lions, girafes, éléphants, rhinocéros, y vivaient en liberté. Il paraissait même que, dans les régions où le soleil tapait très fort, il y avait des déserts où plus rien ne poussait. Rien que du sable…
Le Sud… Il irait un jour…
Un dimanche d’hiver, Paul sut enfin pourquoi sa peau changeait aussi facilement de couleur.
Il finissait de déjeuner sur la grande table en plexiglas jaune paille qui occupait la moitié de la cuisine du petit studio où il vivait avec sa mère. Ils s’apprêtaient à entamer la crème aux œufs qu’elle réussissait superbement, quand elle dit soudainement: « Ton père venait d’Algérie quand je l’ai connu. »
Elle sortit cette phrase laconique, comme ça, sans prévenir. C’était la première fois qu’elle le disait à Paul. Elle ne lui parlait jamais de ce père qu’il n’avait pas connu. Parfois, elle l’évoquait à mots décousus, peu clairs, au détour d’une interrogation de son fils. Elle n’osait pas lui en parler. C’était déjà si loin. Et puis, cela lui faisait du mal…
Ces paroles raisonnèrent dans le cerveau de Paul. Il avait donc un père qui venait de ce lointain continent où le soleil brille constamment ? Le pays de Tchinda...
Cette interrogation entraîna évidemment un flot de questions de sa part. Sa mère lui expliqua que toute la famille de son père était d’origine espagnole et habitait l’Algérie, qui avait été une colonie française tout au nord de l’Afrique, au bord de la méditerranée, depuis plusieurs générations. Elle abrégea la conversation sur ce sujet, prétextant qu’elle n’en savait pas plus. « Approche ton assiette si tu veux de la crème ! », lui dit-elle, afin de bien montrer qu’elle ne dirait rien de plus.
Le sud… Paul possédait donc en lui un petit bout du Sud… Son père lui avait transmis un peu de son soleil méditerranéen. Il se dit que c’était le seul présent que ce père absent lui avait laissé.
Paul comprit que c’était cet héritage lointain qui lui permettait de se transformer en caméléon et de noircir dès qu’il exposait sa peau blanche au feu solaire.
Il sourit.
Tchinda, la petite africaine, était donc sa petite soeur !
Alain
Commentaires
Bonjour Alain,
Quelle jolie histoire ! Elle nous fait du bien. Celà me fait penser à notre petite Sénégalaise que nous recevons chez nous pour les fêtes de Noël. Elle n'aime pas sa peau et ne comprend pas toujours pourquoi elle est si noire et brillante et nous si pâles. Nous lui expliquons qu'elle aime son pays mais qu'elle ne pourrais pas y vivre si elle avait la même peau que nous. Nous aimons son pays mais notre peau est trop fragile pour y rester. Elle comprend que la nature a bien fait les choses finalement !
Bon et doux Noël
Marie Claude
Bonjour Marie Claude
Quelle importance la couleur de notre peau ! Dire que des hommes ont été massacrés et humiliés à cause de cela !
Faites lire cette histoire à votre amie. Elle comprendra que nous sommes tous fait pareil et que nos différences diverses font notre force.
Beaucoup de cadeaux à vous et vos proches pour Noël.
Bonjour à votre amie. C’est Tchinda la petite Sénégalaise…
JOYEUX NOËL ALAIN!!!! Une belle histoire à raconter à nos petits-enfants!!!!!!!! BISOUS FAN
Même si je n'ai plus le courage de lire tout, car mes yeux fatiguent.
Je pense quand même à vous et vous souhaite un :
JOYEUX NOËL
COLETTE
PS : Je ne peux plus vous imprimer car mon nouvel ordinateur n'est pas relier à l'imprimante et mon mari ne veut plus que je me serve de la sienne....!
Pas sympa votre mari Colette ! Ces hommes...
Heureux Noël plein de cadeaux à vous deux, Fan et Colette.
Merci pour cette jolie histoire, Alain et très bonnes fêtes de fin d'année !
(Je reviendrai lire les deux chapitres de Van Gogh que j'ai manqués ... veuillez excuser cette défection temporaire ...)
Bonjour Lady
Heureux de vous retrouver ! Dommage que votre petite fille n’est pas encore l’âge de lire mon histoire ainsi que les vôtres si poétiques.
Van Gogh se repose tranquillement à Auvers. Il peint des arbres et des fleurs. Il est bien…
J’attends avec impatience la fin de cette période de l’année qui me pose toujours problème. Je vous souhaite une excellente année nouvelle à vous et votre famille.
Très bonne année 2009, Alain !
Bonne Année aussi pour vous, Alain.
Vos devez penser que je ne m'interesse plus à vous. Non, pas du tout. Mais la fin de l'année fut très lourde pour moi. Maladie autour de moi, beaucoup de travail ménagé (dont j'ai horreur), et quelques événement matériels innatendus. Bo, une bonnes fin d'année insuportable. J'espère que 2009 sera meilleur pour tout le monde
Amicalement
Colette
Que voilà une bien belle histoire à raconter, un peu plus tard, à mon petit-fils ...
Qu'avec 2009 commence pour toi, et ceux qui te sont chers, une belle, fructueuse et très créatrice année.
Amicalement.
Richard
Embrasse ton petit-fils pour moi. Garde lui cette histoire au chaud.
Excellente année 2009, pharaonienne et picturale !
De retour après mon périple Californien je viens de lire cette belle histoire et je me rends compte que nous avons tous les deux évoqués des "âmes d'enfants" durant cette période autour de Noël.
Tous mes voeux pour cette nouvelle année.
Noël est, à mes yeux, une fête pour les enfants. Et ils aiment les histoires...
Encore une fois, excellente année pour toi et tes proches. Les prochaines expos du Louvre vont la remplir agréablement.
J'ai vu "Mantegna". Superbe !