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Rechercher : un pastelliste heureux

  • Un pastelliste heureux

      

       Comme promis à certains d’entre vous, je montre des toiles de ma période de pratique du pastel. J'utilisais la touche divisionniste des impressionnistes, ce qui n’était pas évident avec la technique du pastel.

     

         Ces pastels ont été réalisés à l'aide de photos prises au cours de mes promenades.

     

     

     

     

     

    Cliché pris lors d'une balade sur les bords du Loing 

     

     

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    Alain Yvars – La Seine à Moret-sur-Loing, 2004

     

    (Alfred Sisley est décédé dans cette ville en 1899)

     

     

         En cette saison de Toussaint et d'Halloween, pourvu que la vision de ces modestes tableaux ne vienne pas irriter les âmes des grands artistes qui dorment tranquillement dans les cimetières…

     

    Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
    Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
    Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres,
    Certes, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,
    A dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,
    Tandis que, dévorés de noires songeries,
    Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,
    Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,
    Ils sentent s'égoutter les neiges de l'hiver
    Et le siècle couler, sans qu'amis ni famille
    Remplacent les lambeaux qui pendent à leur grille.

     

    La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse (extrait) - Les Fleurs du Mal 

    Charles Baudelaire

     

     

     

     

    Cliché pris en cachette au jardin du Luxembourg

     

     

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    Alain Yvars – Mère et sa fille au jardin du Luxembourg à Paris, 2004

     

     

     

     

         Un petit dernier pour la route. 

     

     

     

    Cliché pris sur la cote d'azur. Ma photo du tableau n’est pas excellente.

     

     

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    Alain Yvars – Paysage sur la cote varoise, 2007

     

     

          Ma galerie est bien plus importante, mais sans photos...

         J'ai tenu ma parole. 

         A bientôt.

     

     

  • 3. Autres grands pastellistes de l'exposition du Louvre

     

         Je continue ma visite de l’exposition « PASTELS du Musée du Louvre 17e et 18e siècles » qui s’est terminée le 10 septembre dernier.

         Les deux premiers articles étaient consacrés aux célèbres pastellistes Rosalba Carriera et Maurice Quentin de La Tour. Dans ce troisième article et un quatrième article prochain, je montre un aperçu de mes préférés parmi les autres pastellistes exposés.

     

     

    Jean-Marc NATTIER

     

        Jean-Marc Nattier consacra une grande partie de sa vie professionnelle aux portraits, en particulier ceux des dames de la cour de Louis XV qui appréciaient ces charmantes représentations qui les embellissaient.

       Qui peut être cette jolie jeune femme ? Il s’agit du seul pastel de Nattier possédé par le Louvre. L’heureux contraste entre la carnation rosé et les rubans bleutés du visage légèrement incliné, le regard tourné vers nous, en font un des superbes portraits du musée.

     

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    Jean-Marc Nattier – Buste de jeune femme, vue de trois quarts, 1744, musée du Louvre

     

     

     

    Élisabeth Louise VIGÉE LE BRUN

     

         J’admire le travail d’Élisabeth Louise Vigée Le Brun. A 23 ans, son talent de portraitiste lui avait permis de devenir le peintre officiel de la reine de France Marie-Antoinette dont elle fit de nombreux portraits. Grâce à l’intervention de celle-ci, en 1783, l’Académie royale de peinture la recevra ce qui confirmera son appartenance officielle à l’élite artistique française.

         L’exposition du Louvre comporte peu de pastels de l’artiste. Le musée vient d’acquérir en 2015 deux portraits pastellés peints en 1779 qui comprenaient plusieurs versions faites au pastel et à l’huile. Les deux pastels ci-dessous sont des répliques des deux portraits originaux qui avaient été peints au pastel.

         Ces deux pastels commandés par le duc d’Orléans, petit-fils du Régent, le « gros duc » comme on l’appelait en raison de son embonpoint, voulait diffuser l’image officielle du couple qu’il formait depuis son mariage en 1772 avec sa maitresse la marquise de Montesson. Celle-ci, devenue l’épouse du premier prince de sang, n’obtint pas de Louis XV la possibilité d’obtenir le titre et le rang de princesse.

         Les plus beaux pastels d’Elisabeth Vigée Le Brun sont pour la plupart présents dans des musées français autres que le Louvre, ou à l’étranger. Les deux magnifiques Autoportraits de l’artiste avec sa fille que tout le monde peut admirer au Louvre sont des peintures à l’huile et ne sont donc pas dans l’exposition qui nous intéresse.

     

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    Élisabeth Louise Vigée Le Brun – Duc Louis-Philippe d’Orléans, 1779, musée du Louvre

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    Élisabeth Louise Vigée Le Brun – Marquise de Montesson, 1779, musée du Louvre

     

    Adélaïde LABILLE-GUIARD

     

         Cette femme peintre fut étonnamment reçue à l’Académie royale de peinture le 31 mai 1783, le même jour que sa grande rivale Élisabeth Louise Vigée Le Brun. Le comte d’Angiviller, directeur des bâtiments, écrivait au roi Louis XVI :

    « Admission de dames à l’Académie. L’Académie royale de peinture s’est empressée à témoigner sa soumission aux désirs de la Reine en recevant tout de suite madame Le Brun, sans la soumettre aux épreuves ordinaires, attendu la connaissance qu’elle avait de son talent. Dans la même Assemblée, l’Académie a examiné les ouvrages d’une autre femme, madame Guyard, qui a beaucoup de talent ; elle l’a d’abord agréée et sur le vue d’un nouveau tableau, elle l’a admise, sauf l’approbation de Votre Majesté, au nombre des Académiciens, ce qui remplit le nombre de quatre auquel Votre Majesté a jugé à propos de fixer celui des femmes dans l’Académie. »

         Le 7 juin 1783, Adélaïde prenait place pour la première fois parmi l’assemblée de l’Académie et était officiellement reçue après confirmation du roi. Le portrait du sculpteur Pajou avait été choisi comme son premier morceau de réception. 

     

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    Adélaïde Labille-Guiard – Augustin Pajou modelant le buste de Jean-Baptiste Lemoine, 1783, musée du Louvre

     

    Louis VIGÉE

     

        Très admirative de son père, Elisabeth Louise Vigée Le Brun écrivait dans ses mémoires qu’il peignait fort bien au pastel et qu’il y avait même des œuvres de lui qui seraient dignes du « fameux Latour ».

         Dans le pastel ci-dessous Louis Vigée a été inspiré par le fameux tableau de Rosalba Carriera Nymphe de la suite d’Apollon qu’elle envoya comme morceau de réception à l’Académie Royale de Peinture (je l’ai montré dans mon premier article se rapportant à Rosalba Carriera). Il reprend l’ovale du visage, le bras et la main droite. Ce pastel est l’un des plus réussi du peintre dans lequel il représente la petite fille de Jean Racine.

     

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    Louis Vigée – Anne Mirleau de Neuville des Radrets, née Racine, 1746, musée du Louvre

     

     

    Joseph DUCREUX

     

         Joseph Ducreux, pastelliste de talent formé par Maurice Quentin La Tour, présente la particularité de s’être rendu à Vienne pour faire un portrait de Marie-Antoinette à l’occasion du mariage du dauphin, futur Louis XVI, avec la plus jeune des filles de Marie-Thérèse d’Autriche. Louis XV ayant été très satisfait de la beauté de la jeune fille, ce portrait aida le peintre dans sa carrière à venir.

         Il a peint au pastel, ci-dessous, un magnifique portrait d’une dame âgée. Le bas de la toile est resté esquissé mais le peintre a superbement saisi le regard d’une grande humanité de la personne.

     

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    Joseph Ducreux – Dame âgée, coiffée d’un bonnet de dentelle, musée du Louvre

     

     

  • Un portraitiste de génie

     

    « On voit un portrait en pastel, par un jeune homme nommé M. Perronneau qui est plein d’esprit et de vie, et qui est d’une touche si vigoureuse et si hardie qu’on le prendrait pour être d’un Maître consommé dans son Art. Que ne doit-on pas espérer de quelqu’un qui marque tant de talents dans ses premiers ouvrages ? ».

     

         Jean-Baptiste Perronneau, est encore méconnu en 1747, lorsqu’il expose au côté de Maurice Quentin de La Tour qu’il admire. 

         Afin de remercier son maître Gabriel Huquier qui vient de l'embaucher dans son atelier à Paris, il fixe ses traits au pastel. Ce « Portrait de Gabriel Huquier » traité dans une gamme chromatique presque monochrome est absolument éblouissant dans son exécution. Lorsque l’on regarde le pastel de près on peut remarquer la juxtaposition des tons posés par touches audacieuses qui donnent une belle harmonie à l’ensemble.

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    Jean-Baptiste Perronneau - Portrait de Gabriel Huquier, 1747, musée du Louvre, Paris

     

         Les frères Goncourt dans « L’art du dix-huitième siècle » en 1873 considèreront que Perronneau était un coloriste supérieur à La Tour. Ces gris souris… dans les fonds il font valoir les couleurs. Il faut reconnaître que, lorsque l’on voit ce superbe portrait de Gabriel Huquier, il est facile d’acquiescer avec les Goncourt car la main de Jean-Baptiste Perronneau est celle d’un virtuose. 

     

         Le 18ème siècle est le grand siècle du pastel. Les pastellistes étaient nombreux, surtout depuis la visite à Paris de la vénitienne Rosalba Carriera en 1720. Cette italienne avait révolutionné le petit monde de la peinture parisienne.

    Les deux plus grands pastellistes de l’époque sont incontestablement Jean-Baptiste Perronneau et Maurice Quentin de La Tour. Ils resteront rivaux durant de nombreuses années.

    Au Salon de 1750, selon Diderot, le pastelliste Maurice Quentin de La Tour aurait commandé son portrait à son jeune rival Perronneau, afin de le comparer avec un autoportrait exposé peint par lui-même, espérant ainsi battre son rival et prouver sa supériorité au public. Diderot critique sévèrement la vanité de La Tour et s’exclame : « Eh ! ami La Tour, n’était-ce pas assez que Perronneau te dît, tu es le plus fort ? ne pouvais-tu être content à moins que le public ne le dît aussi ? » Et pourtant la duperie ne fit résonner qu’avec plus de vigueur les qualités du pastel de Perronneau saisissant superbement l’âme du modèle.

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    Jean-Baptiste Perronneau - Portrait de Maurice Quentin de la Tour, 1750, musée Antoine-Lécuyer, Saint-Quentin

     

        Durant toute sa carrière, Perronneau représente la société du monde des lumières et portraiture les personnalités de l’aristocratie, du monde des arts ou de la bourgeoisie. L’harmonie des couleurs et la vivacité de la touche vont rapidement le distinguer, essentiellement dans la ressemblance et la vie qu’il donne aux personnages.

         De son côté, Maurice Quentin de la Tour, de par sa réputation ayant un quasi-monopole sur la représentation de la cour et de la haute-noblesse, ne permet guère à Perronneau de s’exprimer dans ce milieu. Celui-ci va donc, comme beaucoup des grands pastellistes de cette époque : Rosalba Carriera, Elisabeth Vigée-Lebrun, et d’autres, voyager dans toute l’Europe au gré des opportunités. Il finira d’ailleurs sa vie à Amsterdam.

     

         Le musée de Beaux-Arts d’Orléans a récemment acquis un chef-d'œuvre, l'effigie de Aignan Thomas Desfriches, ami et mécène de Perronneau. L'homme, saisi de trois-quarts, nous regarde d'un œil vif, avec ironie. La robe de chambre bleue damassée fait écho au regard non moins bleu réchauffé par le jaune du foulard entourant le cou. Superbe portrait de cet homme peint sans pose, avec un grand naturel.

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    Jean-Baptiste Perronneau - Portrait de Aignan Thomas Desfriches, 1752, musée des Beaux-Arts d’Orleans

     

         Essentiellement pastelliste, Perronneau peint également à l’huile. Son public a ses exigences : il désire être représenté tel que, sans flatterie, sans ces arrangement avec la vérité dans lesquels sombrent beaucoup de portraitistes de l'époque. Dans cette technique une de ses productions les plus admirables est le « Portrait de Madame de Sorquainville », exposée au Louvre, une œuvre majeure qui témoigne de sa virtuosité. Je vous la décris :

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    Jean-Baptiste Perronneau - Portrait de Mme de Sorquainville, 1749, musée du Louvre, Paris

     

         Etonnant portrait ! Cette dame ressemble à Voltaire… Le peintre a parfaitement rendu l’apparence malicieuse, insouciante de cette quadragénaire. Elle n’est pas belle et paraît faite pour le bavardage avec des mains effilées aussi spirituelles que ses yeux noirs et pétillants. Vêtue élégamment dans des bleus juxtaposés aux ocres, gris ardoise du fond, son sourire indéfinissable et ses lèvres nous dévisage ironiquement. On peut parler de chef-d’œuvre devant la virtuosité d’ensemble du tableau.

     

         Je vais me permettre de vous faire une recommandation : savourer le superbe portrait de la fille de Gabriel Huquier peinte deux années après son père « Marie-Anne Huquier tenant un petit chat » :

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    Jean-Baptiste Perronneau - Marie-Anne Huquier tenant un petit chat , 1749, musée du Louvre, Paris

     

        Il s’agit de l’œuvre la plus populaire de l’artiste. La délicieuse demoiselle est peinte en train de caresser son chat avec sensibilité et grâce. Je reconnais que la jeune fille est très jolie, mais l’attitude, la fraîcheur du coloris lui confère une beauté qui touche dès le premier regard. Comment ne pas remarquer la légèreté et la finesse de la touche dans les détails : rehauts de lumière dans l’ombre du cou, sur les lèvres, le nez, les cheveux, intensité des couleurs, agilité des doigts caressant le chat. La liberté de traitement dans les reflets et zigzags verts sur le cou et la joue, la beauté de la chair, le sang circulant sur la joue, sont remarquables de préciosité et de raffinement.

        La jeune fille dut apprécier son portrait lorsqu’elle le vit pour la première fois en 1749.

        Du grand art.

     

     

  • Un brin de bonheur

     

     

          muguet.jpgIl est enfin arrivé ! Je veux parler du muguet annonciateur de douceur et d'escapade aérée.

          Je suis heureux de vous offrir quelques clochettes du jardin. Ce n'est que du muguet virtuel mais je pense que ces petits brins graciles vous feront plaisir.

          Un bon mois est passé depuis que j'ai quitté, à regret, Vincent Van Gogh le long d'un champ de blé. Il me manque... Ces deux mois passés en sa compagnie à Auvers-sur-Oise m'ont mangé pas mal d'énergie visuelle et cela m'incite à souffler un peu.

          Ce problème de santé oculaire va me contraindre durant ce l'on appelle « la belle saison » à me faire plus rare sur le blog.

          Néanmoins, pas d'inquiétude, mon cerveau fonctionne parfaitement et j'ai des idées. Mon grand ami Johannes Vermeer, et aussi beaucoup d'autres peintres, taquinent mes pensées. J'attendrai donc de pouvoir les côtoyer à nouveau dans une condition physique optimale.

          Je ne vous oublie pas et je continuerai à fréquenter assidûment vos blogs.

          A bientôt

     

     

                                                                               Alain

     

  • Un sourire coquin

     

    HALS FransLa bohémienne, 1630, musée du Louvre, Paris

     

     

         C’est bien moi « La bohémienne » ! Je suis une des oeuvres vedettes de la peinture hollandaise du Siècle d’or, magnifique période de ce 17ème siècle hollandais qui rayonnait sur le reste de l’Europe.

     

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    Frans Hals, La bohémienne, 1630, Musée du Louvre, Paris

     

         A l’intérieur des salles du département des peintures hollandaises du musée du Louvre, seules les toiles du grand Rembrandt ou du mystérieux Vermeer réussissent à me faire de l’ombre. Je suis moins connue que « La Joconde » qui attire tous les visiteurs du musée. Je me demande bien pourquoi… Néanmoins, je pense - non sans une pointe d’orgueil ! - que je suis l’œuvre la plus recherchée de cette aile Richelieu où je suis accrochée, si j’en juge au nombre de personnes qui passent et s’arrêtent longuement pour reluquer mon portrait…

        Un peu gênés parfois, les regards appuyés des visiteurs m’amusent… Suis-je responsable du fait que mes rondeurs provocantes, mon sourire entendu, un peu narquois, attirent plus particulièrement la gente masculine ? Je pense que ceux-ci voient en moi une jolie bohémienne aux joues roses, à la bouche gourmande. Rien d’autre… Ma tenue légère, mes cheveux indisciplinés serrés par un ruban rouge, mon regard railleur, doivent leur apparaître comme l’expression d’une certaine jovialité… ma propre joie de vivre.

         Lorsque Frans Hals, mon concepteur, m’a peinte dans les années 1630, je passais pour une femme de mauvaise vie, aux mœurs légères. Je ne ressemblais pas aux dames respectables de l’époque cachant leurs cheveux sous des bonnets ou une coiffe, aux corsages boutonnés très haut, le cou ceinturé d’une énorme fraise. Peu m’importait : l’allure débraillée que Frans m’avait donnée me plaisait et l’opinion des gens m’indifférait !

       Sale réputation que celle de notre peuple de bohémiens dont les origines étaient mal connues ! La couleur foncée de notre peau inquiétait. Gens du voyage, nous n’avions pas de domicile fixe et nous nous déplacions constamment. Les populations se méfiaient de nous, nous dérangions : les hommes nous désiraient pour notre gaieté, notre légèreté ; les femmes nous détestaient. Nous étions souvent confondus avec les mendiants, les errants, les vagabonds qui cheminaient le long des routes, ou les pèlerins se rendant à Saint-Jacques-de-Compostelle.

        Nos pires ennemis étaient les services de police : surveillance, intolérance, condamnations pour vagabondage ou mendicité étaient notre sort habituel. Gare aux voleurs, les sanctions étaient lourdes : torture, conduite aux galères, pendaison pour les hommes ; humiliations, fouet en public pour les femmes. Certaines de mes amies avaient été tondues, menacées de bannissement si elles continuaient à « mener la vie de bohémienne », et leurs enfants avaient été conduits dans des hôpitaux.

        Je ne m’expliquais pas cette haine envers nous ! Heureux, nous chantions, dansions, aimions, riions. On ne faisait pas grand mal… à part… bien peu de choses… quelques menus larcins par-ci par-là… La mémoire de mes friponneries passées me hante toujours. Combien de fois avais-je détroussé des passants… Cela se terminait mal parfois…

        Les bons chrétiens n’appréciaient guère les pratiques habituelles de nos femmes consistant à lire dans les cartes et les lignes de la main. Nous étions étranges. Etrangers…

     

         Que se passe-t-il ? Aujourd’hui, les gens passent devant moi rapidement en me jetant un regard distrait… Même les hommes, mes clients privilégiés habituellement, ne paraissent guère intéressés par mon décolleté aguicheur ? Pourtant, je fais des efforts pour me mettre en valeur : œil enjôleur, sourire espiègle… Ton pouvoir de séduction s’étiole ma fille, me dis-je, dépitée !

         « Chérie, viens voir cette jeune bohémienne. Elle est bien gironde ! »

         Un homme, attardé devant mon portrait, appelait sa femme qui continuait sa visite.

       Je me redresse subitement, bombe le torse et envoie un sourire coquin en direction de l’homme.

     

     

     

  • Paul Durand-Ruel : Un marchand visionnaire

     

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    Auguste Renoir – Paul Durand-Ruel, 1910, collection particulière

     

     

    « Ce n’est pas un marchand de tableaux c’est un apôtre, un prophète »

     

                                Théodore Duret

     Lettre à Claude Monet du 29 novembre 1884

     

     

     

         Chamboulé !... Non, plutôt… impressionné !

         « Puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l’impression là-dedans », disait en 1874, lors de la première exposition des futurs impressionnistes, un critique du Charivari pour se moquer du tableau de Claude Monet « Impression, soleil levant ». Moi-même, tout comme ce journaliste, je reste impressionné par ce que j’ai vu. Mais, contrairement à lui, mes impressions sont positives, débordantes, enthousiastes…

         Le musée parisien du Luxembourg a frappé un grand coup pour son ouverture, le 9 octobre dernier, de sa saison automnale : l’exposition « Paul Durand-Ruel – Le pari de l’impressionnisme ».

         Cette année 2014 a été somptueuse pour les peintres impressionnistes ! Après la superbe exposition au musée Marmottan « Les impressionnistes en privé » pour laquelle j’ai publié un article le 13 mai dernier, je viens, à nouveau, dans ce beau musée longeant le jardin du Luxembourg de mon enfance, de retrouver l’univers pictural que j’aime : léger, vaporeux, couleurs fragmentées tremblotantes dans la lumière,  fugitivité des choses.

         Pour la première fois, une exposition est consacrée à celui qui fut l’un des plus grands marchands d’art du monde, au tournant du 19e et du 20e siècle : Paul Durand-Ruel, visionnaire, amateur éclairé, collectionneur lui-même, mécène et ami des peintres modernes qui voulaient chambouler l’art académique. Durant des dizaines d’années, il va se battre, jusqu’à risquer sa fortune personnelle, pour faire connaître et apprécier la peinture impressionniste. « Missionnaire de la peinture » l’appelait Renoir. « Sans Durand nous serions morts de faim, nous tous les impressionnistes. Nous lui devons tout ! » s’exclamait encore Claude Monet au soir de sa vie. 

         Au début du 20e siècle, la galerie du marchand sera saluée comme un « second Louvre ». Librement ouvert à la visite, son appartement de collectionneur se transformait en un magnifique musée d’art contemporain.

         Grâce à la donation Caillebotte, le Musée du Luxembourg fut, en 1896, le premier musée français à accueillir des œuvres impressionnistes. Aujourd’hui, une centaine d’œuvres y sont réunies afin de rendre hommage à Paul Durand-Ruel et retracer ainsi cette période exceptionnelle qui permettra aux avant-gardistes d’accéder à une reconnaissance internationale. La plupart des œuvres exposées sont impressionnistes, mais pas seulement car Durand-Ruel s’intéressait également aux peintres des débuts du 19: Delacroix, Courbet, Boudin, Corot, Rousseau, Millet, Manet.

         Ceux qui viendront voir l’exposition auront le plaisir de voir ou revoir de nombreuses toiles des musées français : Orsay, Marmottan, ou autres, qui sont des chefs-d’œuvres universellement admirés : la série des peupliers de Claude Monet ou l’exceptionnelle série des « Danses » d’Auguste Renoir. 

         Pour le plaisir de nos yeux, le temps de l’exposition, les trois danseuses peintes au

    peinture,impressionnisme,durand-ruel,renoir,monet,sisley,morisotcours de la même année 1883 par l’artiste sont réunies côte à côte sur un même pan de mur. Elles sont le point d’orgue de l’exposition.

     

     

     

     

     

      

          Je montre, ci-dessous, une courte sélection des toiles accrochées. Je n’ai choisi que les oeuvres impressionnistes qui demeurent dans des musées étrangers ou des collections particulières, dont plusieurs m’étaient inconnues. 

      

         Peint à Dieppe, en août, on sent dans ce portrait l’amitié qui unit le marchand et le peintre. En cette belle journée ensoleillée, des taches lumineuses éclaboussent les deux fillettes.

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     Auguste Renoir - Les filles de Paul Durand-Ruel, Marie-Thérèse et Jeanne, 1882, Chrysler Museum of Art, Norfolk 

            

     

         J’ai déjà montré cette toile lors de mon article sur la venue à Paris de la collection peinture,impressionnisme,durand-ruel,renoir,monet,sisley,morisotClark en 2011. Je ne peux résister à vous la présenter à nouveau.

         Il s’agit d’Angèle, une jeune fille habituée du Moulin de la Galette à Montmartre.

         Heureux Durand-Ruel ! Cette « Jeune fille endormie » était l’un des fleurons de sa collection privée. Il ne s’en sépara jamais. 

     

     

     

     

     

     

     Auguste Renoir – Jeune fille endormie, ou La jeune fille au chat, 1880 The Sterling and Francine Clark Art Institute, Wiliamstown 

     

     

         Argenteuil. La période heureuse de Monet dans cette banlieue parisienne où il habita plusieurs années avec son premier amour : Camille, qui devint son épouse. Le pont de chemin de fer enjambait la Seine. 

     

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    Claude Monet – Le pont de chemin de fer à Argenteuil, 1873, Philadelphia Museum of Art, Philadelphie

       

      

         Durand-Ruel fit graver cette toile lumineuse pour la mettre dans le « Recueil d’estampes » où il réunissait les plus belles œuvres de son stock, celles qu’il appréciait le plus.

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    Alfred Sisley – Le pont à Villeneuve-la-Garenne, 1872, The Metropolitan Museum of Art, New York

         

     

         Elle monte, elle monte, miss Lala, par la seule force… de la mâchoire. La célèbre acrobate attirait de nombreux visiteurs au cirque Fernando boulevard de peinture,impressionnisme,durand-ruel,renoir,monet,sisley,morisotRochechouart à Paris. Toulouse-Lautrec, Seurat, Renoir, aimait également venir croquer les clowns, écuyères et trapézistes. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

      Edgar Degas – Mademoiselle Lala au cirque Fernando, 1879, The National Gallery, Londres

     

     

         Pissarro a installé son chevalet sur la rive de de l’Oise, en face des maisons de Saint-Ouen-l’Aumône. Des touches nerveuses éclaboussent de lumière argentée le triste déversoir de l’écluse servant à réguler les importantes variations de l’Oise.

     

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     Camille Pissarro – Le Déversoir de Pontoise, 1872, The Cleveland Museum of Art, Cleveland

      

     

         Voici le Renoir de la pleine maturité artistique de la fin des années 1870, Le Moulin de la Galette a été peint à la même période. Le peintre lui-même garda ce tableau 20peinture,impressionnisme,durand-ruel,renoir,monet,sisley,morisot ans chez lui. Finalement il le vendra à Durand-Ruel qui lui donnera une place essentielle dans sa collection. Seul la mort du collectionneur permettra de la vendre en 1937.

     

     

     

      

     

     

     

     

      

       Auguste Renoir – La tasse de thé, 1878, collection particulière

      

     

         Une danseuse de ballet, motif rare dans l’œuvre de Renoir. Celle-ci figura à la peinture,écriture,impressionnisme,durand-ruel,renoir,monet,sisley,morisotpremière exposition impressionniste de 1874 au milieu des gracieuses danseuses de Degas.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     Auguste Renoir – Danseuse, 1874, National Gallery of Art, Washington

     

     

         En Normandie, Monet découvre cette petite église de marins du 12e siècle, perchée, à marée basse, en haut d’une falaise rocheuse dont la perspective est audacieuse. « Certaines falaises scintillent comme des amas de pierreries » s’émerveilla le critique d’art Gustave Geffroy, comparant Monet à un « géologue ».

      

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     Claude Monet – Eglise de Varengeville, 1882, collection particulière

     

     

         Monet peindra très souvent sa jeune femme Camille, surtout durant la période où le couple vivait  à Argenteuil. A mes yeux, aucun doute, cette Liseuse est un chef-d’œuvre. Il s’agit de la plus belle représentation par l’artiste de Camille. Lors de sa critique d’une exposition où figurait la toile, Emile Zola écrit : « Il ne faudra pas oublier […] le portrait d’une femme habillée de blanc, assise à l’ombre du feuillage, sa robe parsemée de paillettes lumineuses, telles de grosses gouttes. »

     

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  • Un musée des impressionnismes à Giverny - Le jardin de MONET

     

      

     

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          Il était temps ! L'exposition se termine samedi prochain, 15 août.

          L'ancien Musée d'Art Américain n'a pas changé de look mais de nom en 2009. Il est devenu le Musée des impressionnismes et veut s'intéresser à l'histoire de l'impressionnisme et à ses conséquences sur l'art du 20ème siècle.

          Blotti dans un jardin découpé à l'ancienne en carrés fleuris éclatants de couleurs, il est toujours aussi agréable de se rendre dans ce musée proche de quelques centaines de mètres de la maison et des jardins de Claude Monet à Giverny. L'artiste y vivra de 1883 à sa mort en 1926, soit 43 ans.

          Comme souvent, le ciel normand bleu diaphane, presque délavé, est morcelé de nuages moutonneux qui laissent filtrer quelques rayons de soleil au gré de leurs humeurs. Pour une fois, la chaleur est présente.

          - Is that parking free ?

          Je ne suis pas encore sorti de la voiture que déjà un touriste japonais s'inquiète de savoir si son budget vacances résistera durablement aux prix exorbitants des places de parkings en France.             

          Je lui souris béatement pour le rassurer.

          - Oh ! Yes, it is free !

          J'accompagne ma réponse d'un geste significatif en arrondissant les doigts de ma main droite : « Zero !... Free ! ».

          Rassuré l'homme s'éloigne rejoindre sa compagne qui semble s'impatienter.

     

          Il fait toujours frais dans ce musée. J'inspecte les lieux. Je constate que les tableaux des excellents artistes américains que je voyais souvent exposés dans ce lieu semblent avoir disparu.

          « Ce n'est qu'un œil, mais bon dieu, quel œil ! » s'exclamait Paul Cézanne en parlant de Claude Monet.

          Je savais avant de venir que l'expo était entièrement consacrée à Claude Monet et à son travail dans la région de Giverny. Effectivement, il n'y a pratiquement que des toiles de l'artiste. Une bonne vingtaine de tableaux du peintre semblent un peu perdus dans les grandes salles du musée. Ils représentent son jardin, quelques vues des bords de la Seine ou de l'Epte et, surtout, son fameux étang aux nymphéas.

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    Claude Monet – En norvégienne ou La barque à Giverny, 1887, Musée d’Orsay, Paris

     
     

         

          Faute de la quantité, je vais me contenter de la qualité ! Sur ce plan, aucun souci à se faire. Avec Claude Monet, nous sommes dans le meilleur de l'impressionnisme. Un régal !

          Le Musée d'Orsay s'est délesté, à regret certainement, de sept de ses toiles. J'en reconnais certaines d'entrée : Le bassin au nymphéas avec son pont japonais et, mon préféré, le jardin de l'artiste aux iris bleu mauve vibrants dans la lumière.

     
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    Claude Monet - Le bassin aux nymphéas, harmonie rose, 1900, Musée d’Orsay, Paris

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    Claude Monet – Le jardin de l’artiste à Giverny, 1900, Musée d’Orsay, Paris

     

     

     

          La visite est entrecoupée de documents historiques divers se rapportant à la vie de l'artiste : courriers autographes signés, livres sur le jardin et beaucoup de photos d'époque dont plusieurs de Théodore Robinson, peintre faisant partie de l'importante colonie d'artistes américains venus s'installer à Giverny autrefois, attirés par la présence de Monet.
     
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        Photo de Claude Monet, vers 1888-1890                                  

                                                                                                             Photo de Claude Monet près du bassin aux nymphéas, 1905

     
     

          Sur une photo, la famille Hoschedé Monet est installée au grand complet dans le jardin. Ils sont nombreux car Claude Monet, veuf de sa première femme Camille décédée à 32 ans, a épousé en 1892 Alice Hoschedé, veuve également. Ils ont déjà 8 enfants à eux deux de leur premier mariage. Cela fait du monde. Je reconnais Blanche au premier plan, beaucoup plus jeune que la Blanche vieillissante aux cheveux blancs que l'on voit sur les photos de la fin de vie de l'artiste. La belle-fille de Monet fut la compagne attentive et dévouée de ses dernières années. Elle peignait souvent avec lui dans la campagne environnante et une de ses toiles est exposée.

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    Théodore Robinson – photo des Monet et des Hoschedé, 1892, Musée Marmottan, Paris

     

         

          Evidemment, de nombreuses études de nymphéas sont exposées. La plupart ont été retrouvées dans l'atelier du maître après son décès. Elles servaient d'études préparatoires pour les « Grandes Décorations » données à l'Etat par Monet, celles qui enthousiasment les visiteurs du musée de l'Orangerie à Paris depuis 1927.   

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    Claude Monet – Nymphéas bleu, 1916/19, Musée d’Orsay, Paris

                                                                                            Claude Monet – Nymphéas, 1904, Musée des Beaux-Arts, Le Havre

          

          Etrange ! Mes yeux se sont posés par hasard sur les signatures en noir  « Claude Monet » apposées au bas des études. Je ne reconnais pas le jambage minutieux des signatures habituelles du peintre ? Serait-ce des signatures rajoutées par Michel Monet, son fils, qui donna nombre de ces études au Musée Marmottan Monet à Paris ?

           Bof ! L'essentiel est que la peinture soit bien du maître. On ne peut s'y méprendre. L'harmonie picturale des fameux Nymphéas est bien présente : la symphonie des couleurs, les saules pleureurs trempant dans l'onde, les reflets des nuages et les éclats du soleil primesautier, les vibrations des feuillages dans l'eau troublée par le vent, la lumière volage. Seul Monet était capable de rendre ce fouillis aquatique de façon aussi réaliste, souvent proche de l'abstraction.

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    Claude Monet – Nymphéas, 1908, Musée municipal de Vernon

          Je vois un beau paysage du musée d'Orsay ne se rapportant pas à la région de Giverny : Champ de tulipe en Hollande. L'artiste aimait le pays des moulins et des canaux.

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    Claude Monet – Champ de tulipe en Hollande, 1886, Musée d’Orsay, Paris

     
     

          Je reconnais deux des nombreux nymphéas que possède le Musée Marmottan Monet. Les courbes gracieuses de l'agapanthe et de l'hémérocalle ne pouvaient qu'inspirer l'artiste.

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    Claude Monet – Les hémérocalles, 1914, Musée Marmottan Monet, Paris

                                                                     Claude Monet – Nymphéas et agapanthes, 1914, Musée Marmottan Monet, Paris

     

     

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          Finalement, la visite a été trop rapide. Je m'assois un long moment, pensif, au milieu des grandes toiles, immense jardin d'eau qui m'entoure.

          Cet homme âgé avait fait un travail colossal, pensai-je. Monet n'avait plus besoin de se déplacer sur le motif, il lui suffisait de piocher dans la « palette » de son jardin. Son style de peinture en fin de vie, peut-être dû à ses problèmes visuels, était proche de l'art moderne...

         

         

     

     

    Claude Monet – Saule pleureur, 1920/22, Musée d’Orsay, Paris

     

          En sortant du musée, je ne suis pas retourné visiter la maison rose de Monet et son jardin. Je les connais si bien.

          J'aperçois le couple de japonais qui m'a accosté en arrivant se diriger d'un pas allègre en direction de la maison rose. Je leur fais un signe de la main. L'homme sifflote, heureux.

                                                                          

                                      

  • Un an déjà...

     
     
     
     
     
    BON ANNIVERSAIRE  ALAIN

     

     
     
     

     

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         Ben oui, je viens de m'apercevoir que c'était mon anniversaire ! J'ai hésité un moment... puis, allez... exceptionnellement, je me le souhaite !

          

        Il ne s’agit pas de mon anniversaire en âge. Celui-là, j’évite de le fêter. Je ne trouve pas cela drôle de prendre un an dans la face. En général, j’accepte les fleurs (je les adore) mais pas les gros gâteaux dégoulinant de bougies qu’il faut souffler d’un bloc pour montrer la puissance juvénile de ses poumons…

         Vous avez compris ! Il y un an, ce mois, je publiais mon premier article. Je parlais d'une histoire vraie que j'avais vécue au Louvre et qui était consacrée à mon meilleur ami : Vermeer (encore). Et puis, lentement, les articles se sont enchaînés. Seulement 18. C’est peu, mais retrouver une ambiance, des couleurs, un parfum ancien, et tenter de les faire revivre, prend du temps.

         Mon souhait en créant ce blog était : faire connaître ou montrer différemment certains tableaux, ressusciter un court instant des artistes disparus. Ai-je réussi ? Vous seuls pouvez le dire.

     

         Je m’autorise une demi-bouteille de champagne que je partage avec ma femme. Une brise soudaine vient de ravir quelques bulles qui se sont échappées dans l’espace. Le malin zéphyr trouvera bien sur son chemin des blogs amis pour les déposer.

                                                                                            

                                                                                            Alain

     

  • 1. Rosalba Carriera : une vénitienne à Paris

     

         En pleine période estivale, je me suis offert une visite au Louvre. La clim était la bienvenue ! Il faut dire que l’affiche était alléchante : PASTELS du Musée du Louvre 17e et 18e siècles.

        Le musée a la chance de posséder la plus importante collection mondiale de pastels des 17e et 18e siècles : 156 pastels du siècle des lumières, uniquement des portraits de nobles et bourgeois fortunés, étaient présents dans cette exposition qui s’est terminée le 10 septembre dernier.

         Un imposant compte-rendu de ma visite montre un aperçu de quelques-uns des chefs-d’œuvre qui ont retenu mon attention. Le choix était particulièrement ardu car la collection du Louvre est exceptionnelle.

        Je me suis vu contraint de laisser de côté les pastels du 17e, moins importants et peu nombreux, pour concentrer mes articles sur le 18e siècle, le siècle d’or du pastel en France. Je vous donne ci-dessous le programme des cinq articles que je vous propose de partager avec moi, tous entièrement consacrés à cette merveilleuse technique du pastel que j'ai beaucoup utilisée à une certaine époque lorsque je peignais pour le plaisir :

         1. À tout seigneur, tout honneur, je parlerai en premier d’une femme, Rosalba Carriera, une vénitienne, à qui l’on doit la mode du pastel au 18e siècle en France. Lors de son passage à Paris en 1720, elle enthousiasma les peintres français par son talent et inspira le grand Quentin de La Tour.

         2. Maurice Quentin de La Tour, le plus célèbre des pastellistes français mérite par la quantité et la qualité de sa production un article pour lui seul.

        3. et 4. Il me faudra deux articles pour montrer les meilleurs à mes yeux parmi les autres pastellistes exposés. Et ils sont nombreux…

         4. Je garderai Jean-Baptiste Siméon Chardin pour le final. Spécialiste de peinture à l’huile, il laissera, sur la fin de sa vie, des pastels parmi les plus beaux de l’exposition. A cette occasion, je rééditerai, avec quelques modifications, un de mes anciens récits dont le thème était consacré au pastel et à Chardin.

         Cinq articles consacrés au pastel vont donc se suivre. Vive le pastel !

     

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    Rosalba Carriera – Autoportrait en hiver, 1730, Gemäldegalerie, Dresde

     

     

     

    « Le tableau présenté à l’Académie est composé d’une demi-figure grande comme nature représentant une muse ; c’est un précis de toutes les parties de la peinture, tant pour les coloris et pour la finesse des touches, il contient toutes les grâces et les ornements dont une demi-figure est susceptible ; on peut dire en général que la Rosalba donne à tous ses sujets le caractère de son esprit, la vivacité de ses pensées et les grâces de ses expressions. Il faut convenir que cette Damoiselle a trouvé l’art de traiter ce genre de Peinture d’une manière où personne n’était arrivé avant elle, ce qui a fait dire aux plus habiles que cette sorte de pastel, avec la force et la vérité des couleurs, conserve de certaines fraîcheurs et légèretés dans les transparents qui sont au-dessus de la peinture à l’huile. »

     

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    Rosalba Carriera – Nymphe de la suite d’Apollon, 1721, musée du Louvre, Paris

     

         L’éloge à Rosalba Carriera écrit dans le Mercure de France de février 1722 est à la hauteur du talent de la Rosalba et de son morceau de réception Nymphe de la suite d’Apollon lors de son admission à l’Académie royale de peinture et sculpture à Paris le 26 octobre 1720.

         Invitée par un financier amateur d’art, Pierre Crozat, le séjour à Paris de l’artiste de mars 1720 à avril 1721 est un énorme succès. Le tout Paris veut connaître cette femme pastelliste dont la réputation a franchi les frontières. A cette occasion, elle peint le jeune dauphin Louis XV. Cet enfant de 10 ans paraît déjà fier et conscient de son destin. 

     

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    Rosalba Carriera – Portrait du dauphin de France Louis XV, 1720, Gemäldegalerie, Dresde

     

         Durant plusieurs mois, les parisiens font le siège de son lieu de résidence où elle rencontre des artistes comme Watteau, qu’elle peint également, et François Boucher. La qualité de son travail va devenir un modèle pour de nombreux pastellistes. Maurice Quentin de La Tour, admiratif, abandonne la peinture à l’huile pour le pastel.

        La mode du pastel est lancée en France. Cette technique chatoyante, colorée, spontanée et fragile sera très recherchée tout au long du 18e siècle.

     

     

         Née en 1675 à Venise, cette jeune femme d’un milieu modeste avait débuté comme peinture,louvre,pastel,rosalba carrieradentellière, métier de sa mère, puis peintre de miniatures pour lesquelles elle obtint rapidement une grande renommée. Ses boîtes à tabac ornées de miniatures sur ivoire ont un grand succès auprès de la clientèle étrangère. Le pastel, peu répandu à cette époque, devient ensuite sa spécialité. Elle faisait merveille dans cette technique au rendu vaporeux et lumineux, très apprécié par une clientèle élégante.

     

     

     

     

     

    Rosalba Carriera – Buste de jeune fille, 1708, musée du Louvre, Paris

     

         La réputation internationale étant au rendez-vous parisien, les noblespeinture,louvre,pastel,rosalba carriera des cours européennes l’assiègent de commandes qu’elle a bien du mal à honorer.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

      

    Rosalba Carriera – Antoinette Barbonne Thérèse Languet de Gergy, 1726, musée du Louvre, Paris

     

          Dans les années 1730, déjà âgée, invitée à Vienne à la cour d’Autriche, elle peint plusieurs membres de la famille impériale.

       Puis la très belle vénitienne Caterina Sagredo Barbarigo qu’elle portraiture plusieurs fois.

     

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    Rosalba Carriera – Une dame vénitienne de la maison Barbarigo, 1735, Gemäldegalerie, Dresde

     

     

         Progressivement, à partir de 1745, sa vision va s’affaiblir. Malgré une opération de la cataracte, cette reine de la couleur finit sa vie dans le noir complet et meurt dans sa ville natale de Venise à l’âge de 82 ans.

     

         La principale qualité de cette artiste était son style spontané qui lui permettait de saisir la dominante de l’apparence de ses modèles directement sur le support, sans dessin préalable. Son œuvre importante de pastelliste inspirera le travail de toute une génération de jeunes peintres en France qui n’auraient certainement jamais osé faire leur art de cette technique, un moyen d’expression égal à la peinture à l’huile et le dépassant souvent.

         Le pastel français du 18e doit beaucoup à cette femme de très grand talent.

         

     

     

  • Chardin avec une visière

     

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    Jean Siméon Chardin : Autoportrait avec une visière, 1775, The Art Institute of Chicago

     

     

    « La qualité des œuvres de Chardin impressionnait François. Il se mit à étudier, analyser la technique du peintre. Lentement le doute s’insinua dans son cerveau.

    Le grand Chardin qui, toute sa vie, avait peint des scènes de genre et des natures mortes à l’huile, s’était mis au pastel tardivement sur les conseils de son ami l’immense pastelliste Maurice Quentin de la Tour. François observa que les traits colorés, proches les uns des autres, formaient une sorte de mosaïque. Avant Seurat et Signac au 19e, Chardin utilisait déjà le principe du mélange optique des teintes. La touche hachurée, posée par superposition de couches successives, accrochait la lumière et donnait vie au personnage. Parfois, le pastel était écrasé directement sur le papier par longues traînées de couleurs.

    Audrey ne reconnaissait plus son mari. Il ne peignait plus. Elle le voyait observer la gravure, l’air triste. Il paraissait hypnotisé par l’autoportrait qui lui souriait constamment, goguenard, avec son nez pointu et ses bésicles en acier. Cet abat-jour enfoncé sur le front, un foulard méticuleusement noué autour du cou, lui donnait une apparence de vieux bourgeois prêt pour la nuit. »

     

     

    Extrait du recueil « Deux petits tableaux – Si les œuvres parlaient », publié chez BOD au profit des enfants malades de l’association RÊVES

     

  • Un 1er mai

     

     

       

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        J’ai toujours aimé la fleur du muguet. C’est une fleur qui me touche. Est-ce l’aspect fragile des petites boules blanches crénelées accrochées à une tige gracile ? Est-ce ce parfum léger qui embaume les pièces de la maison ? Les deux…

     

     

         Comme tous les ans à cette période du 1er mai, nous étions partis dans notre forêt habituelle à la recherche du brin porte-bonheur. C’était un long week-end et la clochette avait été chassée, la forêt dévastée. Nous arrivions après la bataille. Néanmoins, nous étions confiants. Les coins à muguet, nous, on les connaissait.

          - Le muguet c’est comme un trésor, il ne se donne qu’à ceux qui le désirent le plus, dis-je à Béatrice !… La recherche, c’est scientifique… Il faut savoir… posséder l’instinct du chercheur d’or à la recherche de pépites !

          Elle m'avait regardé, apparemment convaincue de la justesse de mon raisonnement.

         Nous avancions d’un pas alerte gêné par les ronces, moi devant en éclaireur mon sac plastique à la main, Béatrice derrière moi. Régulièrement, je m’arrêtais et prenais la position du chien de chasse : le regard dirigé vers le lointain, la narine dilatée, l’œil furtif. Je flairais ce que j’appelais « le filon », ce petit espace vert, sorte d’îlot entre les arbres, qui indique à coup sûr la présence des petites feuilles longues et effilées. Béatrice lança en riant ma phrase fétiche : « Lorsque les feuilles sont là, les fleurs ne sont jamais loin ! ».

         Le temps passa. Après une bonne heure de marche nous dûmes nous rendre à l’évidence. Un désastre. Rien. Tous les îlots de verdure avaient été visités, les feuilles écrasées, les fleurs arrachées. Quelques clochettes minuscules restaient par ci par là. Les plus moches dont personne ne voulait. Nous les prîmes pour ne pas rentrer bredouille. Ridicules... nous venions de faire 60 kilomètres pour rien. « Pas la peine d’insister, dis-je à Béatrice dont la mine s’assombrissait. »

         Nous allions battre en retraite prématurément lorsqu’un souvenir me revint. Un dernier espoir. Les marais… Je me mis à marcher rapidement vers le centre de la forêt. Plusieurs mares d’eau saumâtre s’étaient nourries des pluies récentes. L’eau était noire, glauque, pestilentielle…

          L’humidité des lieux avait favorisé la pousse des feuilles vertes. Déjà, j’apercevais des clochettes. Je savais que ce coin était infesté de vermines. De gros moustiques tournaient autour de nous. Peu habitués à voir du monde, ils se préparaient à un repas inattendu. Il fallait faire vite. Deux choix étaient encore possibles : revenir à vide ou faire son marché de fleurs sans tenir compte des insectes. Ceux-ci attendaient  en rangs organisés, prêts à l’assaut. Je lançais à Béatrice apeurée : « On y va ! ». Je fonçais. Elle ne me suivit pas.

         Ce fut dantesque. Un brin, une piqûre… Dès que j’immobilisais un bras pour couper une fleur, une ruée de bestioles sautait dessus. Les plus beaux brins étaient au bord de l’eau. Une immense prairie de fleurs. Malgré le déferlement des vagues ennemies, je m’avançais. Je pris mon temps. Les clochettes sentaient tellement bon...

         Ce fut la curée. Ils étaient parfois une dizaine sur mes bras et s’abreuvaient d’un sang frais qui les excitait. Je sentais les dards pointus qui s’enfonçaient dans ma chair. Courageux, je décidais de continuer. Un chercheur d’or n’abandonne pas son filon. Je ne cédais pas un pouce de terrain et cueillais allégrement.

         Je rejoignis Béatrice mon sac empli de muguet. " J’ai fait le plein, dis-je en lui souriant béatement. " Nous quittâmes le coin précipitamment.

     

         Le soir je remplis plusieurs vases de brins odorants. J’étais assez fier de ma journée. Ma moisson habituelle de muguet était réussie. De plus, mes bras ne présentaient aucune trace de points rouges. Des moustiques inoffensifs, pensais-je ?

         Le lendemain matin tout allait bien. La maison dégageait un parfum qui me réjouissait.

          « Tu as vu tes bras, me dit Béatrice vers le milieu de l’après-midi, affolée ! » Je les regardais. Ce n’était plus mes bras. Ils avaient doublé de volume. Popeye… Le bras gauche surtout, celui qui tenait le sac pendant que je cueillais avidement les brins, était lamentable : rouge, boursouflé, gonflé. Le venin inoculé par les insectes s’était même infiltré dans les articulations du poignet et des doigts, les rendant difformes, boudinées. Les bestioles avaient fait un festin orgiaque sur des membres que je leur offrais passivement. Même le bout de ma langue avait profité de la morsure d’un insecte plus intrépide que les autres.

         Les dégâts étaient importants. Cela dura 8 jours. Malgré les pommades et autres produits liquides retrouvés dans la boîte à pharmacie, l’œdème allergique s’était installé et je n’osais plus sortir sans une veste qui cachait mes articulations continuant à grossir. Le jour je me grattais et la nuit je rêvais que des animaux étranges me lacéraient le corps de leurs pattes griffues.

     

       J’ai retrouvé un aspect normal et Béatrice sa sérénité. " Une armée d’insectes avait vaincu son homme engagé dans un combat pour la conquête de fleurs sauvages, se plaisait-elle à raconter à tout le monde en pouffant de rire. " Mon aventure était devenue un sujet de plaisanterie. Je lui en voulus quelque temps puis mon sens de l’humour reprit le dessus.

         Aujourd’hui, le souvenir douloureux de ce 1er mai s’est estompé.

         « Béatrice, cela tombe quel jour le 1er mai l’année prochaine ? »

                                                                                                                                                       Alain

     

       

  • Degas, un peintre impressionniste ?

     

    Ma visite estivale au musée des impressionnismes à Giverny

     

     

     

         J’ai failli rater l’exposition de Giverny. Il restait trois jours avant la clôture le 19 juillet dernier…

         Installé au milieu d’un jardin découpé à l’ancienne en carrés fleuris éclatants de couleurs, ce Musée des Impressionnismes a un charme suranné. La petite route accédant au musée mène, si on la poursuit sur quelques centaines de mètres, vers la maison rose, les jardins et le bassin au nymphéas du peintre Claude Monet. L’artiste y habita durant 43 années.

         Le ciel normand, comme souvent, était d’un bleu délavé encombré de nuages moutonneux laissant échapper quelques maigres rayons de soleil.

         Dès l’entrée de l’exposition le visiteur sait de quoi il retourne. L’interrogation écrite en gros sur les murs : Degas, un peintre impressionniste ? était suffisamment explicite.

         Avant de venir,  j’avais bien ma petite idée en tête sur Edgar Degas. Je comptais sur la vision des œuvres exposées pour finir de me convaincre.

     

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    Que fut l’impressionnisme ?

     

         Au début des années 1870, ils étaient toute une bande de jeunes peintres avant-gardistes régulièrement boutés du Salon officiel. Découragés, en 1874, ils décidèrent de réunir leurs talents et d’exposer ensemble pour la première fois dans les locaux du photographe Nadar à Paris. Ils voulaient simplement exister. Leurs noms allaient rester dans l’histoire de l’art : Monet, Renoir, Pissarro, Sisley, Morisot, de nombreux autres. Puis Degas…

         Dans les derniers jours de cette première exposition de 1874, un critique du journal Charivari se moqua d’une petite toile de Claude Monet appelée « Impression, soleil levant ». Le nom d’impressionnisme allait naître ainsi par le plus grand des hasards. Ce mouvement artistique sera, sans doute, la plus grande révolution artistique de l’histoire de la peinture.

         Ensuite, les expositions impressionnistes allaient s’enchaîner régulièrement. Huit, de 1874 à 1886. Seul le patriarche Pissarro, comme l’appelaient ses amis, participa à toutes. Edgar Degas, fidèle, ne s’absenta qu’une seule fois, en 1882.

         Le critique d’art Théodore Duret, en 1878, tenta d’énumérer les caractéristiques qui rapprochaient ces peintres : « Touche libre, peinture claire, étude en plein air, recherche des rapports entre l’état de l’atmosphère qui éclaire le tableau, et la tonalité générale des objets qui s’y trouvent peints ». La plupart des artistes étaient des adeptes de peinture sur le motif. Leurs tableaux apparaissaient comme un espace composé de pigments, où les couleurs juxtaposées, libérées de toute servitude au dessin, s’exaltaient mutuellement.

         Les personnalités de ces peintres étaient fort différentes. Les deux toiles ci-dessous figuraient ensemble lors de cette première exposition impressionniste.

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    Edgar Degas – Répétition d’un ballet sur la scène, 1874, musée d’Orsay, Paris

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    Camille Pissarro – Gelée blanche, 1873, musée d'Orsay, Paris

     

     

    « Faites des lignes… Beaucoup de lignes, soit d’après le souvenir, soit d’après nature » - Jean-Auguste-Dominique Ingres

     

         Le dessin… pour Degas, il primait sur la couleur. Grand admirateur d’Ingres, Degas avait fait des études classiques et passé de longues heures à copier les maîtres anciens au Louvre, et en Italie.

         L’artiste restait solidaire de ses amis impressionnistes, mais sa démarche était tout autre. Son aspiration unique : exprimer un mouvement qui n’efface pas la ligne.

         Contrairement à ses confrères, il se distinguait essentiellement par la précision et la science de son dessin. Pour lui, être moderne ne revenait pas à abandonner la forme et la dissoudre comme le faisaient Monet, Pissarro ou Sisley. 

         A ses débuts, la moitié de la production du peintre peinture,degas,impressionnisme,givernyétait consacrée aux portraits lui permettant de s’emparer de la vie de ses contemporains. Il trouvait ses modèles dans son milieu familial et amical, comme sa sœur Marguerite, ou la sœur ainée de Berthe Morisot, madame Théodore Gobillard.

     

     

     

     

     

     

    Edgar Degas – Marguerite de Gas, 1860, musée d’Orsay, Paris

      

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    Edgar Degas – Madame Théodore Gobillard, 1869, The Metropolitan Museum of Art, New York

     

     

    « Il vous faut la vie naturelle, à moi la vie factice ». « On devrait fusiller les peintres qui plantent leur chevalet en plein air » - Edgar Degas

     

         Il faut bien reconnaître que, pour Degas, le paysage n’était vraiment pas son truc ! Notre homme ne supportait pas la peinture en plein air. Il s’essaya bien à faire quelques paysages dans les années 1869-1870. A l’observation de la nature, il opposait l’exercice de la mémoire et l’imagination uniquement en atelier. Comme les maîtres anciens, chacune de ses compositions était soigneusement préparée par une succession d’études.

     

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     Edgar Degas – Au bord de la mer, sur une plage, trois voiliers au loin, 1869, musée d’Orsay, Paris

     

     

    « On m’appelle le peintre des Danseuses. On ne comprend pas que la danse a été pour moi un prétexte à peindre de jolies étoffes et à rendre des mouvements »

     

         « Pionnier des impressionnistes de la nuit » qualifiait-on Degas. A cette époque, l’éclairage se faisait au gaz, accentuant l’intensité des couleurs. Ce qu’il aimait le plus : les rampes artificielles éclairées des théâtres, des cafés-concerts, des beuglants, du cirque, des boudoirs discrets des maisons closes. 

     

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     Edgar Degas – Femmes à la terrasse d’un café, 1877, musée d’Orsay, Paris

     

         Les danseuses… Elles furent certainement le grand amour de sa vie. Il ne cessait de les croquer en mouvement dans des scènes de ballets parisiens : s’élançant en fulgurantes arabesques colorées, saluant les spectateurs, ou surprises dans les coulisses en train de s’habiller, de répéter les exercices quotidiens qu’on exigeait des ballerines pour en faire des créatures de rêves. Il les traquait, les capturait partout dans leurs mouvements. 

         Son souhait : réaliser la synthèse entre l’héritage de Giotto et le courant contemporain : « Ah ! Giotto ! Laisse-moi voir Paris, et toi, Paris, laisse-moi voir Giotto ! 

     

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    Edgar Degas – Ballet dit aussi L’étoile, 1876, musée d’Orsay, Paris

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    Edgar Degas – Danseuses au repos, 1898, Fondation de l’Hermitage, Lausanne

     

         Les pastels de Degas, des feux d’artifice ! 

         Ce procédé, par sa texture lumineuse, son velouté, son onctuosité, ses couleurs chatoyantes, une accroche exceptionnelle sur le support, comblait ses besoins d’émotion et de rapidité. Il expérimentait les meilleurs effets possibles : hachures pour l’harmonie chromatique, pâtes obtenues avec de l’eau qu’il travaillait avec les doigts ou la brosse. Toutes les ressources étaient exploitées dans une orgie de couleurs. Autre possibilité inégalée du pastel : « dessiner en peignant, peindre en dessinant ». 

         Le peintre raffolait de la représentation des filles du peuple et leurs petits métiers : blanchisseuses, repasseuses, modistes, femmes nues couchées ou se baignant. La pudeur bourgeoise était choquée : « Je les montre sans leur coquetterie, à l’état de bêtes qui se nettoient ». Il débusquait les corps féminins dans leur intimité. « Il a eu de la chance, ce Rembrandt ! Il peignait des Suzanne au bain ; moi, je peins des femmes au tub ».  

     

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    Edgar Degas – Repasseuses, 1886, musée d’Orsay, Paris

     

         Dans le groupe des impressionnistes, Degas était certainement l’artiste, avec Renoir, pour lequel la personne humaine comptait le plus dans son œuvre : « Mes femmes sont des gens simples, honnêtes, qui ne s’occupent de rien d’autre que de leur occupation physique. C’est comme si vous regardiez par le trou de la serrure ».

     

     

    Misogyne Degas ?

     

         On le disait misogyne. On ne connaissait pas de liaisons attitrées à ce célibataire endurci. Il vivait avec sa bonne, Zoé, la seule femme admise sans son intimité. Les femmes qui lui étaient proches l’appréciaient. Il avait pris sous son aile la femme peintre américaine Mary Cassatt et avait réussi à l’imposer, seule femme avec Berthe Morisot, dans le groupe des impressionnistes. Il disait d’elle : « Voilà quelqu’un qui sent comme moi ». 

     

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    Edgar Degas – Femmes vue de dos, 1880, National Gallery of Art, Washington

     

     

    « Le cheval marche sur les pointes, quatre ongles le portent. Nul animal ne tient de la première danseuse, de l’étoile du corps de ballet comme un pur sang en parfait équilibre, que la main de celui qui le monte semble tenir suspendu, et qui s’avance au petit pas en plein soleil » - Paul Valery

     

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     Edgar Degas – Le Champ de courses, jockeys amateurs près d’une voiture, 1880, musée d’Orsay, Paris

     

         Tout au long de la vie du peintre, le thème du cheval va revenir constamment. Il ne montrait pas le grand galop de la course, mais l’attente fiévreuse des instants précédant le départ. Les mouvements des chevaux apportaient une spontanéité aux toiles dont le style pouvait s’approcher parfois de la touche impressionniste malgré le fait que les chevaux étaient peints en atelier.

     

     

    « Plus j’ai vieilli, plus je me suis rendu compte que pour arriver à une exactitude si parfaite qu’elle donne la sensation de vie, il faut recourir aux trois dimensions, et cela non seulement parce que le travail du modelage exige de la part de l’artiste une observation prolongée, une faculté d’attention plus soutenue, mais parce que l’à-peu-près n’y est pas de mise » - Edgar Degas

     

         Un peintre qui modèle ou un sculpteur qui peint ? L’artiste n’exposa qu’une fois, lors de la sixième exposition impressionniste de 1881, la Petite danseuse de quatorze ans. Beaucoup ne comprirent pas. Il ne cherchait pas à séduire mais à représenter une jeune danseuse dans sa vérité quotidienne. Après sa mort, en septembre 1917, ses héritiers retrouvèrent dans son atelier un ensemble considérable de sculptures modelées à la cire. Elles lui servaient d’études pour ses pastels de danseuses et baigneuses.