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Rechercher : un pastelliste heureux

  • les Fleurs du Mal

     

    Charles Baudelaire – Poèmes choisis (3ème et dernière partie)

     

     

    Article sur "Les Fleurs du mal”, Le Figaro, 5 juillet 1857

     

         « C'est la plupart du temps, la répétition monotone et préméditée des mêmes mots, des mêmes pensées. L'odieux y coudoie l'ignoble, le repoussant s'y allie à l'infect. Jamais on ne vit mordre et même mâcher autant de seins dans si peu de pages ; jamais on n'assista à une semblable revue de démons, de foetus, de diables, de chloroses, de chats et de vermine. Ce livre est un hôpital ouvert à toutes les démences de l'esprit, à toutes les putridités du coeur ; encore si c'était pour les guérir, mais elles sont incurables.

         Un vers de M. Baudelaire résume admirablement sa manière ; pourquoi n’en a-t-il pas fait l’épigraphe des « Fleurs du Mal » ?

     

    « Je suis un cimetière abhorré de la lune. »

     

         Et au milieu de tout cela, quatre pièces, Le «Reniement de saint Pierre », puis « Lesbos », et deux qui ont pour titre « Les Fleurs damnées », quatre chefs d’œuvre de passion, d’art et de poésie ; mais on peut le dire, - il le faut, on le doit : - si l’on comprend qu’à vingt ans l’imagination d’un poète puisse se laisser entraîner à traiter de semblables sujets, rien ne peut justifier un homme de plus de trente d’avoir donné la publicité du livre à de semblables monstruosités. »

     

     

    Les petites vieilles – Tableaux parisiens, 1859

     

         Au cours de ses déambulations dans Paris, Baudelaire croise des femmes âgées. Il en fait un de ses plus longs poèmes, dédié à Victor Hugo, qui décrit ces petites vieilles avec cruauté parfois, souvent avec une grande tendresse.

         Je montre deux des quatre quatrains composant le poème. Je suis sûr que le poète ne m’en voudra pas d’avoir ainsi raccourci son texte pour ne pas faire trop long.

     

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    Francisco de Goya – Les vieilles, 1810, Palais des Beaux-Arts, Lille

     

     

    I (En entier)

     

    Dans les plis sinueux des vieilles capitales,
    Où tout, même l'horreur, tourne aux enchantements,
    Je guette, obéissant à mes humeurs fatales
    Des êtres singuliers, décrépits et charmants.

    Ces monstres disloqués furent jadis des femmes,
    Éponine ou Laïs ! Monstres brisés, bossus
    Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des âmes.
    Sous des jupons troués et sous de froids tissus

     

    Ils rampent, flagellés par les bises iniques,
    Frémissant au fracas roulant des omnibus,
    Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques,
    Un petit sac brodé de fleurs ou de rébus ;

    Ils trottent, tout pareils à des marionnettes ;
    Se traînent, comme font les animaux blessés,
    Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes
    Où se pend un Démon sans pitié ! Tout cassés

    Qu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille,
    Luisants comme ces trous où l'eau dort dans la nuit ;
    Ils ont les yeux divins de la petite fille
    Qui s'étonne et qui rit à tout ce qui reluit.

     

    - Avez-vous observé que maints cercueils de vieilles
    Sont presque aussi petits que celui d'un enfant ?
    La Mort savante met dans ces bières pareilles
    Un symbole d'un goût bizarre et captivant,

    Et lorsque j'entrevois un fantôme débile
    Traversant de Paris le fourmillant tableau,
    Il me semble toujours que cet être fragile
    S'en va tout doucement vers un nouveau berceau ;

    A moins que, méditant sur la géométrie,
    Je ne cherche, à l'aspect de ces membres discords,
    Combien de fois il faut que l'ouvrier varie
    La forme de la boîte où l'on met tous ces corps.

    - Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes,
    Des creusets qu'un métal refroidi pailleta...
    Ces yeux mystérieux ont d'invincibles charmes
    Pour celui que l'austère Infortune allaita !

     

         IV (En entier)

    Telles vous cheminez, stoïques et sans plaintes,
    A travers le chaos des vivantes cités,
    Mères au coeur saignant, courtisanes ou saintes,
    Dont autrefois les noms par tous étaient cités.

    Vous qui fûtes la grâce ou qui fûtes la gloire,
    Nul ne vous reconnaît ! un ivrogne incivil
    Vous insulte en passant d'un amour dérisoire ;
    Sur vos talons gambade un enfant lâche et vil.

    Honteuses d'exister, ombres ratatinées,
    Peureuses, le dos bas, vous côtoyez les murs ;
    Et nul ne vous salue, étranges destinées !
    Débris d'humanité pour l'éternité mûrs !

    Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille,
    L'oeil inquiet, fixé sur vos pas incertains,
    Tout comme si j'étais votre père, ô merveille !
    Je goûte à votre insu des plaisirs clandestins :

    Je vois s'épanouir vos passions novices ;
    Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ;
    Mon coeur multiplié jouit de tous vos vices !
    Mon âme resplendit de toutes vos vertus !

    Ruines ! ma famille ! ô cerveaux congénères !
    Je vous fais chaque soir un solennel adieu !
    Où serez-vous demain, Èves octogénaires,
    Sur qui pèse la griffe effroyable de Dieu ?

     

     

    Le serpent qui danse – Spleen et idéal, 1857

     

         Un autre poème dédié à Jeanne Duval, la muse de Baudelaire dont il est éperdument amoureux.

     

     

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    John Collier – Lilith, 1887, The Atkinson Art Gallery, Southport, England

     

     

    Que j'aime voir, chère indolente,
    De ton corps si beau,
    Comme une étoffe vacillante,
    Miroiter la peau !

    Sur ta chevelure profonde
    Aux âcres parfums,
    Mer odorante et vagabonde
    Aux flots bleus et bruns,

    Comme un navire qui s'éveille
    Au vent du matin,
    Mon âme rêveuse appareille
    Pour un ciel lointain.

    Tes yeux, où rien ne se révèle
    De doux ni d'amer,
    Sont deux bijoux froids où se mêle
    L'or avec le fer.

    A te voir marcher en cadence,
    Belle d'abandon,
    On dirait un serpent qui danse
    Au bout d'un bâton.

    Sous le fardeau de ta paresse
    Ta tête d'enfant
    Se balance avec la mollesse
    D'un jeune éléphant,

    Et ton corps se penche et s'allonge
    Comme un fin vaisseau
    Qui roule bord sur bord et plonge
    Ses vergues dans l'eau.

    Comme un flot grossi par la fonte
    Des glaciers grondants,
    Quand l'eau de ta bouche remonte
    Au bord de tes dents,

    Je crois boire un vin de Bohême,
    Amer et vainqueur,
    Un ciel liquide qui parsème
    D'étoiles mon coeur !

     

     

    Chanté par Serge Gainsbourg

    https://www.youtube.com/watch?v=FyAVDGSSxj4

     

     

    A celle qui est trop gaie – Spleen et idéal, 1857

     

     

         Ce poème fit également partie des poèmes condamnés en 1857 pour outrage à la morale publique et religieuse.

     

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    Jean-Honoré Fragonard – La rencontre, 1772, The Frick Collection, New-York

     

    Ta tête, ton geste, ton air
    Sont beaux comme un beau paysage ;
    Le rire joue en ton visage
    Comme un vent frais dans un ciel clair.

    Le passant chagrin que tu frôles
    Est ébloui par la santé
    Qui jaillit comme une clarté
    De tes bras et de tes épaules.

    Les retentissantes couleurs
    Dont tu parsèmes tes toilettes
    Jettent dans l'esprit des poètes
    L'image d'un ballet de fleurs.

    Ces robes folles sont l'emblème
    De ton esprit bariolé ;
    Folle dont je suis affolé,
    Je te hais autant que je t'aime !

    Quelquefois dans un beau jardin
    Où je traînais mon atonie,
    J'ai senti, comme une ironie,
    Le soleil déchirer mon sein ;

    Et le printemps et la verdure
    Ont tant humilié mon coeur,
    Que j'ai puni sur une fleur
    L'insolence de la Nature.

    Ainsi je voudrais, une nuit,
    Quand l'heure des voluptés sonne,
    Vers les trésors de ta personne,
    Comme un lâche, ramper sans bruit,

    Pour châtier ta chair joyeuse,
    Pour meurtrir ton sein pardonné,
    Et faire à ton flanc étonné
    Une blessure large et creuse,

    Et, vertigineuse douceur !
    A travers ces lèvres nouvelles,
    Plus éclatantes et plus belles,
    T'infuser mon venin, ma soeur !

     

     

    La vie antérieure – Spleen et idéal, 1855

     

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    Paul Gauguin - D'où venons-nous, qui sommes-nous, où allons-nous, 1897, Museum of fine arts, Boston

     

     

    J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
    Que les soleils marins teignaient de mille feux
    Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
    Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.

    Les houles, en roulant les images des cieux,
    Mêlaient d'une façon solennelle et mystique
    Les tout-puissants accords de leur riche musique
    Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.

    C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,
    Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs

    Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,

    Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
    Et dont l'unique soin était d'approfondir
    Le secret douloureux qui me faisait languir.

     

    Interprétation de Léo Ferré

    https://www.youtube.com/watch?v=VvIIoNmTidM

     

     

    Allégorie – Fleurs du mal

     

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    Gustave Courbet – Jo, la belle irlandaise, 1865, The Metropolitan Museum of Art, New-York

     

     

    C'est une femme belle et de riche encolure,
    Qui laisse dans son vin traîner sa chevelure.
    Les griffes de l'amour, les poisons du tripot,
    Tout glisse et tout s'émousse au granit de sa peau.
    Elle rit à la mort et nargue la Débauche,
    Ces monstres dont la main, qui toujours gratte et fauche,
    Dans ses jeux destructeurs a pourtant respecté
    De ce corps ferme et droit la rude majesté.
    Elle marche en déesse et repose en sultane ;
    Elle a dans le plaisir la foi mahométane,
    Et dans ses bras ouverts, que remplissent ses seins,
    Elle appelle des yeux la race des humains.
    Elle croit, elle sait, cette vierge inféconde
    Et pourtant nécessaire à la marche du monde,
    Que la beauté du corps est un sublime don
    Qui de toute infamie arrache le pardon.
    Elle ignore l'Enfer comme le Purgatoire,
    Et quand l'heure viendra d'entrer dans la Nuit noire,
    Elle regardera la face de la Mort,
    Ainsi qu'un nouveau-né, - sans haine et sans remord.

     

     

    Hymne à la beauté – Spleen et idéal, 1860

     

         Pour Baudelaire la beauté est un être inquiétant à la fois ange et démon.

     

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    Charles Baudelaire – dessin de sa maitresse Jeanne Duval, 1850

     

    Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme,
    Ô Beauté ! ton regard, infernal et divin,
    Verse confusément le bienfait et le crime,
    Et l'on peut pour cela te comparer au vin.

    Tu contiens dans ton oeil le couchant et l'aurore ;
    Tu répands des parfums comme un soir orageux ;
    Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
    Qui font le héros lâche et l'enfant courageux.

    Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
    Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ;
    Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
    Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.

    Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu

  • Gustave Courbet, le maître d'Ornans : 6. Décembre 1854 ”L'atelier du peintre”

     

    CORRESPONDANCE - EXTRAITS CHOISIS

     

     

         « Je vais voir l’exposition de Courbet qu’il a réduite à 10 sous. J’y reste seul pendant près d’une heure et j’y découvre un chef-d’œuvre dans son tableau refusé ; je ne pouvais m’arracher à cette vue. On a rejeté là un des ouvrages les plus singuliers de ce temps, mais ce n’est pas un gaillard à se décourager pour si peu. »

     

                  Eugène Delacroix – Note dans son « Journal », le 3 août 1855, à la suite du refus par le jury du Salon de « L’atelier du peintre »

     

     

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    Gustave Courbet – L’Atelier du peintre, 1855, musée d’Orsay, Paris

     

     

    Lettre à Champfleury – Ornans, vers décembre 1854

     

         Courbet écrit à Champfleury cette longue lettre détaillant le grand tableau sur lequel il travaille « L’atelier du peintre ». Lorsque il exposera cette toile l’année suivante, elle sera intitulée « L’atelier du peintre, allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique ».

     

     

         Serait-ce un nouveau « coup » de Courbet ?

         Cette peinture est considérée comme une des plus importantes dans la carrière de l’artiste. Un très gros travail qu’il considérait comme «  l’histoire morale et physique de son atelier ».

         Pour tenter de le comprendre, de nombreux spécialistes de l’art ont étudié minutieusement cet immense tableau (6 mètres sur 3 mètres) comprenant une trentaine de personnages plus grands que nature. L’œuvre est actuellement en cours de restauration au musée d’Orsay où les visiteurs peuvent suivre l’évolution du travail en direct, sur place.

          Qu’est-ce : un tableau de genre ? Peut-être une peinture d’histoire ? A moins que ce ne soit un portrait collectif de connivences esthétiques et intellectuelles ?

         Cette peinture énigmatique ressemblant à une sorte de triptyque composé de trois parties  ne cesse d’interroger... Un jeu de piste sans but apparent ? Dans quelles directions le peintre veut-il nous entraîner ? Une nouvelle fois, cherche-t-il à faire parler de lui, déboussoler les critiques, amuser les caricaturistes ? Il adorait le  dénigrement,  le persiflage, les scandales, qui étaient ses nourritures favorites.

         Difficile à décrypter : un mélange de réalité, fantasme, allégorie…

         Peut-être s’agit-il d’une vaste farce, une farce à la Courbet, comme le pensait les frères Goncourt ? A moins que notre homme n’ait voulu, comme Vélasquez dans ses « Ménines », se  représenter en artiste glorieux installé dans la société de son temps ?

         Un message sociopolitique se nicherait-il dans cette mystérieuse toile ? Le contexte historique et politique de l’époque a certainement beaucoup influencé Courbet : révolution industrielle, apparition d’une nouvelle société avec deux classes sociales aux aspirations contraires : la bourgeoisie et la classe ouvrière. Des intellectuels comme Marx et Proudhon commencent à élaborer les fondements de la doctrine socialiste. Les élans spirituels des Romantiques se démodent. Les artistes, comme Courbet, s’éloignent des pouvoirs en place.

     

     

    Mon cher ami

    Malgré que je tourne à l’hypocondrie, me voilà lancé dans un immense tableau, 20 pieds de long, 12 de haut, peut-être plus grand que L’enterrement, ce qui fera voir que je ne suis pas encore mort, et le réalisme non plus, puisque réalisme il y a.

    Première partie : ce sont les gens qui vivent de la vie, qui vivent de la mort. C’est la société dans son haut, dans son bas, dans son milieu. En un mot, c’est ma manière de voir la société dans ses intérêts et ses passions. C’est le monde qui vient se faire peindre chez moi. Vous voyez, ce tableau est sans titre, je vais tâcher de vous en donner une idée plus exacte en vous le décrivant sèchement. La scène se passe dans mon atelier à Paris. Le tableau est divisé en deux parties. Je suis au milieu peignant.

    A droite sont les actionnaires, c'est-à-dire les amis, les travailleurs, les amateurs du monde l’art.

    A gauche, l’autre monde de la vie triviale, le peuple, la misère, la pauvreté, la richesse, les exploités, les exploiteurs, les gens qui vivent de la mort.

    Je vais vous énumérer les personnages en commençant par l’extrême gauche. 

      

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    Au fond de la toile se trouve un juif que j’ai vu en Angleterre, traversant l’activité fébrile des rues de Londres en portant religieusement une cassette sur son bras droit et la couvrant de la main gauche. Il semblait dire, c’est moi qui tiens le bon bout. Il avait une figure d’ivoire, une longue barbe, un turban, puis une longue robe noire qui traînait à terre. Derrière lui est un curé d’une figure triomphante, avec une trogne rouge. Devant eux est un pauvre vieux tout grelin, un ancien républicain de 93, […] homme de quatre-vingt-dix ans, une besace à la main, vêtu de vieille toile blanche rapiécée, chapeau brancard. […] Ensuite un chasseur, un faucheur, un hercule, une queue-rouge, un marchand d’habits-galons, une femme d’ouvrier, un ouvrier, un croque-mort, une tête de mort dans un journal, une irlandaise allaitant un enfant, un mannequin. […] Le marchand d’habits préside à tout cela, il déploie ses oripeaux à tout ce monde qui prête la plus grande attention, chacun à sa manière. Derrière lui, une guitare et un chapeau à plumes au premier plan.

       

         Dans cette partie gauche du tableau, Courbet nous montre un vaste rassemblement, une galerie d’individus éclectiques. La notion de portrait s’efface devant la typologie populaire : juif, curé, ouvrier, croque-mort, etc.  

          Les historiens perçoivent dans tous ces portraits des personnages connus de la scène politique. Des ministres y sont représentés, en marchand, bourgeois. Napoléon III, que Courbet détestait, a une place de choix : au premier plan, déguisé en chasseur, interprété comme le braconnier de la République. En ces temps de guerre, quatre personnages peuvent être rattachés à une cause émancipatrice et pacifiste : Garibaldi en chasseur, Kossuth, le libéral hongrois, avec une toque, le révolutionnaire polonais Kosciuszko en faucheur, et Hertzen l’anarchiste russe en ouvrier…

      

    Seconde partie.

     

    Puis vient la toile sur mon chevalet, et moi peignant avec le côté assyrien de ma tête. peinture,courbet,ornans,atelier,orsay,réalismeDerrière ma chaise est un modèle de femme nue. Elle est appuyée sur le dossier de ma chaise, me regardant peindre un instant ; ses habits sont à terre en avant du tableau. Puis un chat blanc près de ma chaise.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

         

         L’artiste peignant un paysage au centre de la toile est l’élément principal du triptyque. Il symbolise l’acte créateur.

         Le peintre, son modèle, l’enfant et le chat donnent vie et chair à l’idée d’harmonie esthétique.

          Une nouvelle fois, comme dans « Bonjour monsieur Courbet », je  retrouve le côté messianique de l’artiste, le « Courbet sauvant le monde » épinglé par Baudelaire.

      

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    A la suite de cette femme vient Promayet, avec son violon sous le bras, comme il est sur le portrait qu’il m’envoie. Par derrière lui est Bruyas, Cuenot, Buchon, Proudhon (je voudrais bien avoir aussi ce philosophe Proudhon qui est de notre manière de voir, s’il voulait poser j’en serais content). Puis vient votre tour en avant du tableau. Vous êtes assis sur un tabouret, les jambes croisées et un chapeau sur vos genoux (Champfleury). A côté de vous, plus au premier plan encore, est une femme du monde avec son mari, habillée en grand luxe.

    Puis à l’extrémité droite, assis sur une table d’une jambe seulement, est Baudelairepeinture,courbet,ornans,atelier,orsay,réalisme qui lit dans un grand livre. (Baudelaire était encore très ami avec Courbet à cette époque). A côté de lui est une négresse qui se regarde dans une glace avec beaucoup de coquetterie (peut-être Jeanne Duval, la maîtresse de Baudelaire, qui fut plus tard effacée, sans doute à la demande du poète).

    Au fond du tableau, on aperçoit dans l’embrasure d’une fenêtre deux amoureux qui disent des mots d’amour.

     

      

     

     

     

     

     

     

     

         Dans cette partie droite, Courbet présente ce qu’il appelle « les actionnaires », douze personnages, les amis « élus » du peintre. Ils représentent la poésie, la musique, l’enfance studieuse, la philosophie sociale…

     

    […]

    Les gens qui voudront juger auront de l’ouvrage, ils s’en tireront comme ils pourront. Car il y a des gens qui se réveillent la nuit en sursaut en criant : « Je veux juger ! Il faut que je juge ! ».*

    * Effectivement « L’atelier » s’est révélé être un défi majeur pour les critiques et les historiens d’art. On a glosé sur cette toile avec une rare abondance.

     

     

         L’artiste éprouve un malin plaisir à brouiller les pistes Le tableau a été, et reste encore aujourd’hui, incompris. Il ne se livre jamais complètement.    

         Dans « L’illustration », le 21 juillet 1855, l’illustrateur Quillenbois se moquera une nouvelle fois de « l’apôtre du réalisme » en le figurant trônant au milieu de sa cour :

      

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         « Les gens qui voudront juger auront de l’ouvrage, ils s’en tireront comme ils pourront » dit Courbet à la fin de cette lettre.  

         J’avancerais, ci-dessous, quelques modestes interprétations sur cet étonnant tableau, un des plus connus du musée d’Orsay, que, moi aussi, j'ai bien du mal à définir :

         - Une peinture d’histoire à l’implication politique évidente montrant à la fois Napoléon III et le philosophe et socialiste Proudhon.

         - Une allégorie morale et sociale.

         - Un autoportrait de l’artiste ou, pour certains, une allégorie du destin de Courbet.

         

         Et si l'orgueilleux Courbet n’avait voulu tout simplement présenter que la convergence des forces artistiques et sociales nécessaires à l’alchimie créative : son idéal d’artiste… un manifeste esthétique...

     

     

      

  • Parme Ceriset et Vincent Van Gogh

     

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    « Si vous appelez la peinture une poésie muette, le peintre pourra dire du poète que son art est une peinture aveugle » - Traité de la peinture – Léonard de Vinci

     

         Je viens de terminer le recueil de poésie « N’oublie jamais la saveur de l’aube » de Parme Ceriset :

    « Ma poésie est à mon image, libre comme l’aube, sauvage et indomptable. Je laisse mes mots respirer et ma plume voler où bon lui semble. Tantôt sans foi ni loi, tantôt structurée, elle a mille rivages, mille robes de pluie, de brume et d’étoiles. Mes vers et mes rimes tourbillonnent en toute insouciance dans des volutes de Voie lactée. Combien de comètes choisissent la voie de leur émancipation, au risque de marcher hors-sentier dans les méandres du cosmos ? » - Avant-propos

     

    Parme Ceriset

     

         Je ne connaissais pas cette poétesse de grand talent. Il se trouve qu’elle a vécu plusieurs années sous oxygène, et, il y a 13 ans, a été sauvée par une greffe des poumons. Ce recueil de poésie m’a véritablement impressionné : dense, superbement écrit, intense, « pépites d’espoir » comme le dit l’auteure, espoir de vie. Une sorte d’immense remerciement : pour son donneur « cet homme qui m’a offert son souffle et que je ne pourrai jamais remercier », pour son compagnon, ses proches « son Éden de sérénité ». Une force s’exprimait : souffrance de l’âme, mélancolie se transformant en renouveau de vie. Cela faisait mal parfois. C’était beau.

     

    « J’ai ouvert un à un les barreaux de la cage

    Qui enfermaient mon cœur et mon âme embrumée,

    J’ai déployé mes ailes aux vastes paysages,

    J’ai humé les nuages et l’air de liberté… »

     

     

         En lisant, imperceptiblement, deux des passions qui m’agitent, la peinture et la poésie s’introduisaient dans mon esprit. J’observais que des mots revenaient très souvent dans les poèmes de Parme Ceriset : amour, lumière, vie, liberté, étoiles, soleil, firmament. Les mêmes que Vincent avais-je pensé… Étrangement, je rapprochais deux artistes éloignés par le temps : une magnifique poétesse et un grand peintre qui était devenu, depuis l’écriture de mon roman « Que les blés sont beaux », mon ami : Vincent Van Gogh.

     

    « Je te choisis encore,

    Toi, étoile parmi les étoiles,

    Toi ma passion turquoise et lumineuse

    Comme les flots marins parsemés d’astres fous. »

     

        Lorsque je vis pour la première fois les toiles de Vincent Van Gogh, cette technique tout en force maitrisée donnait l’impression qu’un fauve s’était jeté sur la toile pour y planter ses griffes. Une souffrance m’explosait au visage. Cet immense peintre était aussi un poète et un écrivain de talent, un être généreux, hypersensible : « Les émotions qui me prennent devant la nature vont chez moi jusqu’à l’évanouissement ». Vivant pour son art, cet artiste incompris, souvent rejeté, voulait tant être aimé : « Nous avons besoin de gaité et de bonheur, d’espérance et d’amour ». Je compris par la suite cette belle phrase de Vincent : « Je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d’alors apparussent comme des apparitions».

     

        Amour, mélancolie, souffrance, force, poésie. Comment ne pas voir un lien entre le peintre et la poétesse...

     

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    Vincent Van Gogh - Nuit étoilée, 1889, The Museum of Modern Art,  New York

     

         « Nuit étoilée » est une des toiles les plus connues et les plus fortes de Vincent Van Gogh. L’artiste l’a peinte de sa chambre de l’hospice à Saint-Rémy-de-Provence, alors qu’il était interné à sa demande et vivait une période difficile de sa vie. « Je veux maintenant absolument peindre un ciel étoilé. Souvent, il me semble que la nuit est encore plus richement colorée que le jour, colorée des violets, des bleus et des verts les plus intenses. Lorsque tu y feras attention, tu verras que certaines étoiles sont citronnées, d’autres ont des feux roses, verts, bleus, myosotis », dit-il dans un courrier à sa sœur Wilhelmine.

        En 1891, un an après la mort du peintre, Octave Mirbeau écrit : « la folie admirable de ces ciels où les astres ivres tournoient et chancèlent, où les étoiles s’allongent en queues de comètes débraillées ».

        Théo s’inquiétait souvent de la maladie de son frère : « Avant ta guérison complète, il ne faut pas te risquer dans ces régions mystérieuses qu’il parait que l’on peut effleurer, mais non pénétrer impunément ». Vincent n’a pas écouté Théo. « Mais toujours la vue des étoiles me fait rêver ».

         J'observe dans un angle du tableau, éblouissant, un croissant de lune qui tremblote, emporté dans un mouvement circulaire d’étoiles : frénésie ondulatoire au-dessus d’un petit village de Provence, les Alpilles au loin. Un cyprès en flamme s’enfonce dans les volutes célestes.

     

    van gogh

     

         Le poème de Parme Ceriset, « Mirage d’un regard » pourrait parfaitement décrire la toile de Vincent :

    « Il y a des étoiles au parfum de mirage

    Qui naissent de nos songes et ne sont que des leurres,

    Ainsi ces étamines rouges, ces roses en sang

    Condamnées à l’illusion des parades amoureuses.

    C’est décidé, je ne tomberai pas dans cet engrenage de malheur,

    Je garderai au ciel quelques étoiles ivres

    Je ne les décrocherai pas,

    Je les contemplerai. »

     

    La poétesse observe elle aussi les étoiles :

    « Je m’endors dans les pâturages

    En comptant souvent les étoiles,

    Mon ciel ivre, rien ne le voile,

    Je suis libre, je suis sauvage. »

     

    Certaines personnes ont cru voir dans « Nuit étoilée » la folie de Vincent. Ne serait-ce pas plutôt pour l’artiste comme un espoir de libération : « Et dans un tableau je voudrais dire quelque chose de consolant comme une musique ». « Van Gogh n’embellit pas la vie, il en fait une autre, purement une autre. », a dit l’écrivain Antonin Artaud.

    « Exprimer l’espérance par quelqu’étoile », disait Vincent. Parme Ceriset lui répond dans un vers : « Oui ma fragilité est ma force et ma force est l’Espérance ». Parme se serait bien entendu avec Vincent, il se ressemble. Il faut lire son recueil qui est un enchantement. Ne tardez pas… Noël approche.

     

    « Je veux que l’on me donne

    Quelques secondes de plus

    Pour humer le souffle bleu des étoiles

    Et leurs paillettes qui flambent

    Dans leur robe d’argent

    Avant que tout s’éteigne… »

     

  • VAN GOGH écrivain : Arles - 1. Mars 1888

     

    CORRESPONDANCE  -  EXTRAITS CHOISIS

     

     

     

          Vincent s’est installé à l’hôtel-restaurant Carrel à Arles.

          Il vient de quitter Paris, ses amis, et son frère Théo. Il souffre de la solitude. Le printemps arrivant, il commence à peindre les vergers fleuris.

          Il rêve de la création d’un atelier où des amis artistes le rejoindraient pour une vie de travail en commun.

     

    Lettre à Théo – vers le 16 mars 1888

     

    « Je ne désespère pas de faire un long voyage dans le Midi. Ici je vois du neuf, j’apprends, et étant traité avec un peu de douceur, mon corps ne me refuse pas ses services. Je souhaiterais pour bien des raisons pouvoir fonder un pied-à-terre, qui en cas d’éreintement pourrait servir à mettre au vert les pauvres chevaux de fiacre de Paris, qui sont toi-même et plusieurs de nos amis, les impressionnistes pauvres. »

    […]

    « J’ai assisté à l’enquête d’un crime commis à la porte d’un bordel ici ; deux italiens ont tué deux zouaves. J’ai profité de l’occasion pour entrer dans un des bordels de la petite rue dite : “des ricolettes”. Ce à quoi se bornent mes exploits amoureux vis à vis des Arlésiennes.

    La foule a manqué (le méridional, selon l’exemple de Tartarin, étant d’avantage d’aplomb pour la bonne volonté que pour l’action), la foule, dis-je, a manqué lyncher les meurtriers emprisonnés à l’hôtel de ville, mais sa représaille a été que tous les Italiens et toutes les Italiennes, y compris les marmots Savoyards, ont dû quitter la ville de force. »

     

    Lettre à Emile Bernard – vers le 18 mars 1888

     

    « Je veux commencer par te dire que le pays me parait aussi beau que le Japon pour la limpidité de l’atmosphère et les effets de couleur gaie. Les eaux font des taches d’un bel émeraude et d’un riche bleu dans les paysages ainsi que nous le voyons dans les crépons. Des couchers de soleil orangé pâle faisant paraître bleu les terrains. Des soleils jaunes splendides. Cependant, je n’ai encore guère vu le pays dans sa splendeur habituelle d’été. Le costume des femmes est joli, et, le dimanche surtout, on voit sur le boulevard des arrangements de couleur très naïfs et bien trouvés. Et cela aussi sans doute s’égayera encore en été. »

    […]

    « En tête de cette lettre je t’envoie un petit croquis d’une étude qui me préoccupe pour en faire quelque chose : des matelots qui remontent avec leurs amoureuses vers la ville qui profile l’étrange silhouette de son pont-levis sur un énorme soleil jaune. »

     

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    Vincent Van Gogh – Arles, croquis du pont de Langlois avec un couple marchant, 1888

     

    Lettre à Théo – vers le 22 mars 1888

     

    « Suis en train de lire Pierre et Jean, de Guy de Maupassant. C’est beau. As-tu lu la préface, expliquant la liberté qu’a l’artiste d’exagérer, de créer une nature plus belle, plus simple, plus consolante dans un roman, puis expliquant ce que voulait peut-être bien dire le mot de Flaubert : le talent est une longue patience, et l’originalité un effort de volonté et d’observation intense ? »

     

           Au cours d’une promenade dans Arles, Vincent visite la cathédrale Saint-Trophime.

     

    " Il y a ici un portique, que je commence à trouver admirable, le portique de Saint-Trophime.

    Mais c’est si cruel, si monstrueux, comme un cauchemar chinois, que même ce beau monument d’un si grand style me semble d’un autre monde, auquel je suis aussi bien aise de ne pas appartenir qu’au monde glorieux du Romain Néron. 

    Faut-il dire la vérité et y ajouter que les zouaves, les bordels, les adorables petites arlésiennes qui s’en vont faire leur première communion, le prêtre en surplis qui ressemble à un rhinocéros dangereux, les buveurs d’absinthe, me paraissent aussi des êtres d’un autre monde ? C’est pas pour dire que je me sentirais chez moi dans un monde artistique, mais c’est pour dire que j’aime mieux me blaguer que de me sentir seul. Et il me semble que je me sentirais triste, si je ne prenais pas toutes choses par le côté blague. »

     

     Lettre à sa soeur Willemien (Wil) – vers le 30 mars 1888 (traduite du néerlandais)

     

            Bien curieuse histoire de vers !

     

    « Je sais aujourd’hui qu’il est à peu près impossible que le ver blanc de la pomme de terre ou de la salade, qui se métamorphosera un jour en hanneton, puisse se faire une idée valable de son existence future sur la terre. Et qu’il serait bien étourdi de sa part de se risquer à enquêter à la surface du sol, afin de chercher à voir clair dans la question, attendu que le jardinier, ou d’autres personnes qui s’intéressent aux salades et aux légumes, les écraseraient sous le pied comme insectes nuisibles.

    Pour des raisons parallèles, je crois peu à l’exactitude de nos conceptions humaines concernant notre vie future. Nous ne pouvons pas plus juger sans préjugé et sans étourderie de la forme de nos propres métamorphoses que les vers blancs ne le peuvent des leurs, pour la même raison que le ver de salade est destiné à manger les racines de la salade dans l’intérêt justement de son développement final.

    De même, je trouve qu’un peintre doit faire des tableaux ; peut-être y a-t-il encore autre chose après. »

     

     Lettre à Théo – vers le 31 mars 1888

     

    « J’avais travaillé une toile de 20 en plein air dans un verger, un terrain lilas labouré, une clôture en roseaux, deux pêchers roses contre un ciel glorieux bleu et blanc. Probablement le meilleur paysage que j’aie fait. Au moment où je l’ai rapporté chez moi, je reçois de la part de notre soeur un écrit hollandais dédié à la mémoire de Mauve, avec son portrait […] Un je ne sais quoi m’a empoigné et serré la gorge d’émotion, et j’ai écrit sur mon tableau :

     

       Souvenir de Mauve,

    Vincent et Théo

     

     Et si tu le trouves bien, tel quel nous l’enverrons à nous deux à Mme Mauve.

    J’ai exprès pris la meilleure étude que j’aie fabriquée ici ; je ne sais pas ce qu’ils en diront chez nous mais cela nous est égal. Il me semblait qu’il fallait en mémoire de Mauve quelque chose et de tendre et de très gai, et non pas une étude dans une gamme plus sérieuse que cela.

       

     Ne crois pas que les morts soient morts,

    Tant qu’il y aura des vivants,

    Les morts vivront, les morts vivront.

      

    C’est comme ça que je sens la chose, pas plus triste que cela. »

     

          Anton Mauve, artiste accompli à La Haye, recueillit Vincent Van Gogh à ses débuts dans la carrière artistique. Celui-ci admirait ce peintre célèbre. La femme de Mauve était la cousine de Vincent. L’ascendant de Mauve sur son élève devint vite insupportable à Vincent et les deux hommes se séparèrent.

     

  • Quel scandale en 1865 !

     

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    Edouard Manet – Olympia, 1863, musée d’Orsay, Paris

     

         Le samedi 16 janvier 2016, une jeune femme s’est allongée nue devant l’Olympia du musée d’Orsay à Paris en prenant la pose de la femme étendue sur un lit peinte par Edouard Manet en 1863. 150 ans plus tard, les passions semblent ne s’être pas totalement éteintes…

         Après son « Déjeuner sur l’herbe », beaucoup critiqué, présentée en 1863 au Salon des Refusés, Manet double la mise au même Salon de 1865. Cette fois le scandale est énorme. Manet se plaint à Baudelaire : « Les injures pleuvent sur moi comme grêle, je ne m’étais pas encore trouvé à pareille fête. » Les critiques se surpassent : « qu’est-ce que cette odalisque au ventre jaune, ignoble modèle ramassé je ne sais où ». « Un chétif modèle […] Le ton des chairs est sale […] ». « Une ignorance presque enfantine des premiers éléments du dessin, […] un parti-pris de vulgarité inconcevable ». « Cette brune rousse est d’une laideur accomplie ».

         Comble de la provocation ! Manet présente au Salon, associé à l’Olympia, un « Christ insulté par les romains » ce qui choqua encore plus les visiteurs.

         Qu’a voulu faire Edouard Manet ? Se confronter au passé ?

         Deux références picturales paraissent certaines :

         Titien et sa « Vénus d’Urbin » dont la pose est ressemblante.

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    Titien – La Vénus d’Urbin, 1538, musée des Offices, Florence

     

         Goya et sa « Maja nue » de 1800 pour l’arrogance du modèle.

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    Goya – La Maja nue, 1800, musée du Prado, Madrid

     

         Manet a fait de son modèle préféré, Victorine Meurant, un nu moderne, réaliste. Geffroy en 1890 dira : « libre fille de bohème, modèle de peintre, coureuse de brasserie, amante d’un jour […] avec sa face d’enfant vicieuse aux yeux de mystère. ».

         Pour les contemporains la scène était explicite : Manet avait peint une prostituée allongée, offerte, attendant le client, l’ambiance exotique et érotique étant accentuée par le bouquet de fleurs, hommage d’un client, et une servante noire entremetteuse.

     

         Au milieu de toutes les critiques, je retiendrai l’article élogieux écrit par Emile Zola :

     

    L’Olympia d’Edouard Manet - Salon de 1865 – Emile Zola

     

    « En 1865, Edouard Manet est encore reçu au Salon ; il expose un Christ insulté par les soldats et son chef d'œuvre, son Olympia. J'ai dit chef-d'œuvre, et je ne retire pas le mot. Je prétends que cette toile est véritablement la chair et le sang du peintre. Elle le contient tout entier et ne contient que lui. Elle restera comme l'œuvre caractéristique de son talent, comme la marque la plus haute de sa puissance. J'ai lu en elle la personnalité d'Édouard Manet, et lorsque j'ai analysé le tempérament de l'artiste, j'avais uniquement devant les yeux cette toile qui renferme toutes les autres. Nous avons ici, comme disent les amuseurs publics, une gravure d'Epinal. Olympia, couchée sur des linges blancs, fait une grande tache pâle sur le fond noir ; dans ce fond noir se trouve la tête de la négresse qui apporte un bouquet et ce fameux chat qui a tant égayé le public. Au premier regard, on ne distingue ainsi que deux teintes dans le tableau, deux teintes violentes, s'enlevant l'une sur l'autre. D'ailleurs, les détails ont disparu. Regardez la tête de la jeune fille : les lèvres sont deux minces lignes roses, les yeux se réduisent à quelques traits noirs. Voyez maintenant le bouquet, et de près, je vous prie : des plaques roses, des plaques bleues, des plaques vertes. Tout se simplifie, et si vous voulez reconstruire la réalité, il faut que vous reculiez de quelques pas. Alors il arrive une étrange histoire : chaque objet se met à son plan, la tête d'Olympia se détache du fond avec un relief saisissant, le bouquet devient une merveille d'éclat et de fraîcheur. La justesse de l'œil et la simplicité de la main ont fait ce miracle ; le peintre a procédé comme la nature procède elle-même, par masses claires, par larges pans de lumière, et son oeuvre a l'aspect un peu rude et austère de la nature. Il y a d'ailleurs des partis pris ; l'art ne vit que de fanatisme. Et ces partis pris sont justement cette sécheresse élégante, cette violence des transitions que j'ai signalées. C'est l'accent personnel, la saveur particulière de l'œuvre. Rien n'est d'une finesse plus exquise que les tons pâles des linges blancs différents sur lesquels Olympia est couchée. Il y a, dans la juxtaposition de ces blancs, une immense difficulté vaincue. Le corps lui-même de l'enfant a des pâleurs charmantes ; c'est une jeune fille de seize ans, sans doute un modèle qu'Édouard Manet a tranquillement copié tel qu'il était. Et tout le monde a crié : on a trouvé ce corps nu indécent; cela devait être, puisque c'est là de la chair, une fille que l'artiste a jetée sur la toile dans sa nudité jeune et déjà fanée. Lorsque nos artistes nous donnent des Vénus, ils corrigent la nature, ils mentent. Edouard Manet s'est demandé pourquoi mentir, pourquoi ne pas dire la vérité ; il nous a fait connaître Olympia, cette fille de nos jours, que vous rencontrez sur les trottoirs et qui serre ses maigres épaules dans un mince châle de laine déteinte. Le public, comme toujours, s'est bien gardé de comprendre ce que voulait le peintre ; il y a eu des gens qui ont cherché un sens philosophique dans le tableau ; d'autres, plus égrillards, n'auraient pas été fâchés d'y découvrir une intention obscène. Eh ! dites-leur donc tout haut, cher maître, que vous n'êtes point ce qu'ils pensent, qu'un tableau pour vous est un simple prétexte à analyse. Il vous fallait une femme nue, et vous avez choisi Olympia, la première venue ; il vous fallait des taches claires et lumineuses, et vous avez mis un bouquet ; il vous fallait des taches noires, et vous avez placé dans un coin une négresse et un chat. Qu'est-ce que tout cela veut dire ? Vous ne le savez guère, ni moi non plus. Mais je sais, moi, que vous avez admirablement réussi à faire une oeuvre de peintre, de grand peintre, je veux dire à traduire énergiquement et dans un langage particulier les vérités de la lumière et de l'ombre, les réalités des objets et des créatures. »

     

         Edouard Manet était un visionnaire puisque, de nos jours, son tableau fait encore la une de l'actualité...

     

     

     

  • Le sfumato de Léonard vu par Proust

     

         L’exposition Léonard de Vinci vient de se terminer au Louvre. Mon dernier article lui était consacré.

        Mon ami Richard Lejeune, un grand connaisseur de l’œuvre de Marcel Proust, me donne l’occasion de donner une suite à cet article en parlant à nouveau de Léonard de Vinci, mais à travers le regard d’un poète, l’un des plus grands écrivains de la littérature française : Marcel Proust.

         Marcel Proust était un grand connaisseur en matière d’art, et plus particulièrement en peinture. Deux personnages de son livre À la recherche du temps perdu reviennent constamment dans le roman : Charles Swann, dandy fortuné, fin connaisseur des arts ; Elstir, peintre renommé, ami de Swann.

     

         Je rappelle un autre article sur Marcel Proust que j’avais publié dans le blog l’année dernière : "Un modèle de Swann"

    http://www.httpsilartetaitconte.com/apps/search?s=swann&search-submit-box-search-364419=OK

         Je m’étais inspiré de l’étude, dont m’avait parlé Richard, du professeur japonais Kazuyoshi Yoshikawa sur l’œuvre de Marcel Proust. Selon lui, un banquier fortuné, critique d’art, mécène, collectionneur, occupant une place importante dans le petit monde des arts de la fin du 19ème siècle au début du 20e , nommé Charles Ephrussi, aurait directement inspiré le personnage de Swann dans À la recherche du temps perdu. Directeur de la « Gazette des Beaux-Arts », Ephrussi aurait connu Proust dans les salons qu’il fréquentait et aurait initié celui-ci, déjà grand amateur d’art, au monde des Beaux-Arts en lui permettant de publier des articles dans sa revue.

     

    De quoi est-il question dans ce nouvel article sur Léonard de Vinci ? De sfumato, évidemment !

    Les connaisseurs en peinture savent que le mot « sfumato » est souvent utilisé lorsque l’on parle du créateur de la Joconde ou de la Sainte Anne, deux des œuvres majeures de l’artiste, parmi d’autres, qui sont au Louvre à Paris.

     

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    Léonard de Vinci - Sainte Anne (tête de la sainte Anne), 1503, musée du Louvre, Paris

     

     

         Avez vous remarqué lorsque vous regardez un visage peint par Léonard de Vinci que les couleurs, les formes, sont si légères qu’elles paraissent estompées ? Une sorte de clair-obscur à la Caravage, mais doux… doux… Les ombres et les lumières se fondent les unes dans les autres donnant une impression de volume, sans aucune accentuation dans le trait et le contour.

          « Enfumé » disent les italiens en évoquant cette technique picturale du sfumato qui donne au sujet peint des contours indécis, vaporeux, flous.

         Léonard est l’artiste qui théorisa cette technique à la fin du 15ème siècle et au début du 16e à Florence et Milan. Il faut dire que cette façon de peindre correspondait parfaitement à l’indécision continuelle du peintre qui finissait rarement ses toiles. Ils les reprenaient donc constamment en rajoutant de fins glacis superposés donnant une texture lisse à l’œuvre. Compte tenu du temps de séchage entre chaque couche, cela prenait du temps. Mais Léonard n’était pas pressé…

         Après Léonard, d’autres peintres s’en inspirèrent : Titien, Raphaël...

       Je pense surtout au hollandais Johannes Vermeer qui, pour moi, parmi les grands peintres, est celui qui approcha le mieux Léonard dans cette technique.

     

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    Johannes Vermeer – La femme à la balance, 1664, National Gallery of Art, Wahington

     

         Il y a quelques années, ma passion pour Johannes Vermeer m’avait inspiré un poème sur le tableau universellement connu de l’artiste La Jeune fille à la perle. J’en reprends un extrait se rapportant à la technique du peintre :

     

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    Aériennes, fluides, lisses,

    En glacis superposés, les couleurs glissent
    Vers cette fabuleuse lumière
    Qui n'appartient qu'à Vermeer.

    Dans cette figure lumineuse aux contours indécis,
    Galbe de la joue, bouche, nez, semblent imprécis.
    Faut-il compléter les parties manquantes
    Laissées dans cette peinture fascinante ?

     

     

     

    Johannes Vermeer – La jeune fille à la perle, 1665, musée du Mauritshuis, La Haye

     

     

     J’ai gardé pour la fin la partie essentielle de cet article : l’introduction littéraire du sfumato de Léonard dans un extrait de l’oeuvre de Marcel Proust. Sa vision poétique est largement supérieure à toutes les analyses techniques des spécialistes de l'art.

     

    EXTRAIT : « À l'ombre des jeunes filles en fleurs »,
    dans « À la recherche du temps perdu »,
    Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, II, 1988, pp. 277-8. 

     

    « Nous étions sortis du petit bois et avions suivis un lacis de chemins assez peu fréquentés où Andrée se retrouvait fort bien. « Tenez, me dit-elle tout à coup, voici vos fameux Creuniers * , et encore vous avez de la chance, juste par le temps, dans la lumière où Elstir * les a peints ». Mais j'étais encore trop triste d'être tombé pendant le jeu du furet, d'un tel faîte d'espérances. Aussi ne fût-ce pas avec le plaisir que j'aurais sans doute éprouvé sans cela que je pus distinguer tout d'un coup à mes pieds, tapies entre les roches où elles se protégeaient contre la chaleur, les Déesses marines qu'Elstir avait guettées et surprises, sous un sombre glacis aussi beau qu'eût été celui d'un Léonard, les merveilleuses Ombres abritées et furtives, agiles et silencieuses, prêtes au premier remous de lumière à se glisser sous la pierre, à se cacher dans un trou et promptes, la menace du rayon passé, à revenir auprès de la roche ou de l'algue, dont, sous le soleil émietteur des falaises et de l'Océan décoloré, elles semblent veiller l'assoupissement, gardiennes immobiles et légères, laissant paraître à fleur d'eau leur corps gluant et le regard attentif de leurs yeux foncés. »

     

    Marcel PROUST

     

    * Le chemin des Creuniers longe la falaise entre Trouville et Villerville

    * Je rappelle qu’Elstir est un peintre, personnage important du roman

     

     

    Je laisse le dernier paragraphe de cet article à Richard Lejeune.

    Il s’agit de son commentaire sur l’extrait de Marcel Proust, ci-dessus, écrit sur sa page Facebook consacrée à Marcel Proust :

     

    « Que voici un passage de grande qualité littéraire, vous en conviendrez j'espère, amis visiteurs, dans lequel Proust établit un riche et poétique parallèle entre des ombres assimilées à des divinités marines qu'Elstir, le personnage de peintre qu'il a créé dans son roman, - j'y reviendrai tout prochainement -, a évoquées sur certaines de ses marines et ces effets d'ombrages admirés depuis un demi-millénaire chez Léonard de Vinci, avec ce que les historiens de l'Art nomment le "sfumato" ... »

     

     

  • Conter la peinture

     

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         Mon nouveau recueil de nouvelles CONTER LA PEINTURE est arrivé pour le nouvel an.

         J’attendais de recevoir une épreuve de mon livre pour voir la tête qu’il avait. Il m’apparaît, tout beau, les images de tableaux en couleur s’affichent superbement sur le papier blanc. A tout seigneur tout honneur, Johannes Vermeer et sa « Vue de Delft », figure en image de couverture.

         Ce recueil est l’aboutissement d’un besoin ancien de parler de peinture sous une forme différente de celles qui m’étaient présentées le plus souvent dans les nombreux livres ou monographies rédigés par des spécialistes de l’art.

         Des impressions fugitives, une atmosphère, des ambiances, quelques tableaux en haute définition et, d’un coup, des artistes revivent un court instant. Ils ont pour nom Auguste Renoir, Henri de Toulouse-Lautrec, Berthe Morisot, Georges de La Tour, Amedeo Modigliani, Johannes Vermeer, Georges Seurat, Rembrandt van Rijn, Georges de La Tour, Claude Monet, J.M.N. Whistler, Winslow Homer... Un humble artiste de la préhistoire vient se mêler à ces grands noms…

     

         La quatrième de couverture, ci-dessous, donne un aperçu du contenu du livre :

      

    « Les ombres des grands peintres disparus… Pourquoi la vision de leurs œuvres alimente-t-elle ainsi mon imagination ?

    Marcel Proust dans son roman « À la recherche temps perdu » met en lumière la troublante relation qui existe entre la peinture et l’écriture, deux arts s’influençant mutuellement. Ainsi, il fait mourir Bergotte devant le tableau de Vermeer la « Vue de Delft » : « Il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu'il veut saisir, au précieux petit pan de mur. « C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune ».

    Tout au long des douze nouvelles de ce recueil, j’ai souhaité faire connaissance avec ces hommes et femmes qui ont fait l’histoire de l’art, les regarder peindre et vivre. Subtilement, de la même façon que Bergotte devant « le petit pan de mur jaune », un jeu de miroir a fini par s’établir entre les œuvres et mes mots, créant parfois un dialogue imaginaire avec les artistes. »

     

         Le recueil de nouvelles est disponible sous forme de livre broché et ebook. Il suffit de cliquer sur l’image correspondante dans la colonne de droite du blog.

     

         Belle lecture.

      

  • Le temps qui passe

     

     

     

    berceau.jpg

    Berthe Morisot – Le berceau, 1872, Musée d’Orsay, Paris

     

     

    Je me souviens encore de ce premier jour de décembre

    où j'entrai anxieux dans la chambre.

    Tu étais là, petit être fragile,

    Dans un lit douillet tu reposais tranquille.

     

    Intimidé, presque ridicule,

    Je m'approchai et frôlai tes mains minuscules.

    Tu le sentis et tes doigts agiles

    Agrippèrent mon pouce d'un geste déjà habile.

     

     

    Ta maman dormait dans une pièce voisine ;

    Ravi, je contemplai ton expression mutine.

    Devant toi ce jour là je compris

    Pour la première fois l'importance de la vie.

     

    La plus belle oeuvre d'art

    Est éclipsée par le premier regard

    D’un nouveau-né qui ne demande rien

    Hormis un tendre câlin.

     

    Nous avons vieilli toi et moi,

    Le temps nous a imposé sa loi,

    Mais j’ai encore en mémoire ce jour de ta naissance

    Où je fis ta connaissance.

     

     

     

                                                                    Alain

     

     

     

     J'adresse ces mots à ma fille née un 1er décembre

  • Le temps qui passe

     

     berthe morisot

    Berthe Morisot – Le Berceau, 1872, musée d’Orsay

     

         Puisque cette période est celle de la naissance d’une nouvelle année, cela m’a rappelé un poème pour une autre naissance, ancienne aujourd’hui, que j’ai eu envie de publier à nouveau.

         Je suis certain que cette année 2022 va nous permettre, dans ce monde chamboulé, de tous nous retrouver.

     

    LE TEMPS QUI PASSE

     

    Je me souviens encore de ce premier jour de décembre

    Où j’entrai anxieux dans la chambre.

    Tu étais là, petit être fragile,

    Dans un lit douillet, tu reposais tranquille.

     

    Intimidé, presque ridicule,

    Je m'approchai et frôlai tes mains minuscules.

    Tu le sentis et tes doigts agiles

    Agrippèrent mon pouce d'un geste déjà habile.

     

    Ta maman dormait dans une pièce voisine ;

    Ravi, je contemplai ton expression mutine.

    Devant toi ce jour-là je compris,

    Pour la première fois, l'importance de la vie.

     

    La plus belle œuvre d'art

    Est éclipsée par le premier regard

    D’un nouveau-né qui ne demande rien

    Hormis un tendre câlin.

     

    Nous avons vieilli toi et moi,

    Le temps nous a imposé sa loi,

    Mais j’ai encore en mémoire ce jour de ta naissance

    Où je fis ta connaissance.

     

     

    HEUREUSE ANNÉE À TOUS

     

  • Femme au jardin

     

     monet

    Claude Monet – Femme au jardin, 1867, musée de l'Érmitage, Saint-Pétersbourg

     

         Ne trouvez-vous pas que cette toile « Femme au jardin » de Claude Monet dégage une luminosité exceptionnelle ?

         Camille, sa compagne et modèle favori, vient d’accoucher d’un petit Jean.

        À la demande de son père, le peintre s’est installé chez sa tante Lecadre, la sœur de celui-ci, à Sainte-Adresse, près du Havre. Le jardin présente une végétation exubérante et très fleurie qui inspire l’artiste.

         Placée devant un écran de verdure, sa jeune et jolie cousine Jeanne-Marguerite Lecadre, paraît petite, de dos sur la gauche, seul personnage de la toile, se promenant devant un grand rosier blanc placé au centre d’un massif de géraniums rouge vif. Vêtue d’une robe et d’un mantelet d’une blancheur éclatante, traversée de mauve dans la partie ombrée, sa tête se détache superbement sur l’écran blanc traversé de soleil d’une ombrelle.

        Monet reprend le thème des « Femmes au jardin » qu’il a peint l’année précédente dans la maison louée à Sèvres où il vivait avec Camille. Dans cette toile, Camille se démultipliait, changeait de robe comme de personnage. Elle était trois des quatre femmes du tableau, dont la femme assise au centre, éclatante de lumière, vêtue d’une robe et d’une veste blanches ornées d’élégantes broderies en arabesques noires.

     

     monet, Camille

    Claude Monet – Femmes au jardin, 1866, musée d’Orsay, Paris

     

          Quelle est la toile que vous préférez ?

     

     

  • Van Gogh écrivain : St-Rémy - 2. 6 juil./10 sept. 1889

     CORRESPONDANCE - EXTRAITS CHOISIS

     

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    Vincent Van Gogh –  Champ de blés avec cyprès, sept. 1889, National Gallery, Londres

     

                A l’hospice de Saint-Rémy où Vincent a demandé à séjourner, il reçoit de sa belle-sœur Jo une lettre qui lui apporte un grand réconfort : « Cet hiver, vers février probablement, nous espérons avoir un bébé, un joli petit garçon que nous appellerons Vincent si vous voulez bien être son parrain. Je sais bien que nous ne devons pas trop y compter et que cela peut aussi bien être une petite fille mais Theo et moi nous le nous figurons toujours comme un garçon. […] Quand je pense que ni Theo ni moi nous ne sommes en très bonne santé, j’ai grand-peur que nous ne ferons un enfant faible. […] Vous rappelez-vous le portrait du bébé Roulin que vous avez envoyé à Théo ? Tout le monde l’admire beaucoup et bien des fois déjà on a demandé : « Mais pourquoi avez vous mis ce portrait dans ce coin perdu ? ». C’est que de ma place à table je vois justement les grands yeux bleus, les jolies petits mains et les joues rondes de l’enfant, et j’aime à me figurer que le nôtre sera aussi fort, aussi bien portant et aussi beau que celui là – et que son oncle voudra bien un jour faire son portrait ! »

     

    Lettre à Jo et Théo – vers le 6 juillet 1889

     

    La lettre de Jo m’apprend ce matin une bien grosse nouvelle, je vous en félicite, et suis très content de l’apprendre. J’ai été bien touché de votre raisonnement, alors que vous dites qu’étant ni l’un ni l’autre en aussi bonne santé que paraisse désirable à pareille occasion, vous ayez éprouvé comme un doute, et en tous cas un sentiment de pitié pour l’enfant à venir a traversé votre âme. Cet enfant dans ce cas-là a-t-il même avant sa naissance été moins aimé que l’enfant de parents très sains, desquels le premier mouvement eut été une joie vive ? Certes non. Nous connaissons si peu la vie, qu’il est si peu de notre compétence de juger du bon et du mauvais, du juste ou de l’injuste, et dire que l’on soit malheureux parce que l’on souffre n’est pas prouvé. Sachez que l’enfant de Roulin leur est venu souriant et très bien portant, alors que les parents étaient aux abois. Donc prenez cela comme cela est, attendez avec confiance et possédez votre âme avec une longue patience, ainsi que le dit une bien vieille parole, et avec bonne volonté. Laissez faire la nature.

    Pour ce que vous dites de la santé de Theo, tout en partageant de tout mon coeur, ma chère soeur, vos inquiétudes je dois pourtant vous rassurer, précisément parce que j’ai vu que sa santé est, comme d’ailleurs la mienne, plutôt changeante et inégale que faible.

    J’en suis bien content de ce qu’il ne soit plus seul, et vraiment je n’en doute pas que dans la suite il reprenne son tempérament d’autrefois. Et puis surtout lorsqu’il sera père et que le sentiment de paternité lui viendra, ce sera autant de gagné.

    […]

    Pour ce qui est d’être le parrain d’un fils de toi, alors que d’abord cela peut être une fille, vrai, dans les circonstances je préférerais attendre jusqu’à que je ne sois plus ici. (Dans cet asile)

    […]

    J’espère bien lire enfin Homère. Dehors les cigales chantent à tue tête, un cri strident dix fois plus fort que celui des grillons, et l’herbe toute brûlée prend des beaux tons de vieil or. Et les belles villes du midi sont à l’état de nos villes mortes le long de la Zuyderzee autrefois animées. Alors que dans la chute et la décadence des choses, les cigales chères au bon Socrate sont restées. Et ici certes elles chantent encore du vieux grec.

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    Vincent Van Gogh –  Troncs d’arbre avec lierre, juillet 1889, Van Gogh Museum, Amsterdam

     

          A la mi-juillet, Vincent fait un voyage à Arles pour récupérer des toiles anciennes. Au retour, il a de nouvelles crises d’une grande violence. Tous les amis et la famille de Vincent (sa mère, sa sœur, le facteur Roulin, et même Gauguin) s’inquiètent de son silence prolongé.

          Le 29 juillet, Théo lui écrit pour prendre de ses nouvelles et tenter de le calmer : « J’ai reçu en parfait état ton dernier envoi que je trouve extrêmement beau. Sont-ce des choses que tu avais mis de côté exprès pour les laisser sécher, car je trouve dans la plupart de ces toiles plus de clarté d’expression et un si bel ensemble. [...] Si tu vivais dans un entourage entièrement à ton goût et que tu étais entouré de gens que tu aimais et qui te rendaient ton amitié, je serais très content car tu ne peux pas mieux travailler que tu le fais. ».

          Par courrier, Jo lui dit : « Votre frère Cor m’a apporté ce matin des petites chaussettes pour notre futur petit garçon (j’insiste que ce sera un petit garçon, même si vous vous moquez de moi à ce sujet !). »

     

    Lettre à Théo – vers le 22 août 1889

     

          Vincent n’a plus donné aucune nouvelle depuis un mois et demi.

     

    Il m’est fort difficile d’écrire tant j’ai la tête dérangée. Donc je profite d’un intervalle.

    Monsieur le Dr Peyron est bien bon pour moi et bien patient. Tu conçois que j’en suis affligé très profondément de ce que les attaques sont revenues, alors que je commençais déjà à espérer que cela ne reviendrait pas.

    […]

    Durant bien des jours j’ai été absolument égaré comme à Arles, tout autant sinon pire, et il est à présumer que ces crises reviendront encore dans la suite, c’est ABOMINABLE.

    […]

    Cette crise nouvelle, mon cher frère, m’a prise dans les champs et lorsque j’étais en train de peindre par une journée de vent. Je t’enverrai la toile, que j’ai achevée quand même. Et juste c’était un essai plus sobre, de couleur mate sans apparence, des verts rompus, des rouges et des jaunes ferrugineux d’ocre, ainsi que je te le disais que par moments je sentais l’envie de recommencer avec une palette comme dans le nord.

     

    Lettre à Théo – le 2 septembre 1889

     

    J’ai hier recommencé à travailler un peu - une chose que je vois de ma fenêtre – un peinture,van gogh,st-rémy,provencechamp de chaume jaune qu’on laboure, l’opposition de la terre labourée violacée avec les bandes de chaume jaune, fond de collines.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Vincent Van Gogh –  Champ avec un laboureur, août 1889, collection privée

     

    Lettre à Théo – vers le 6 septembre 1889

     

          Vincent semble avoir retrouvé la forme. Il a besoin de s’exprimer et de peindre. Il recommence à écrire de longues lettres à Théo.

     

    Je travaille d’arrache pied dans ma chambre ce qui me fait du bien et chasse, à ce que je m’imagine, ces idées anormales.

    Ainsi j’ai refait la toile de la chambre à coucher. (Il s’agit d’une copie de sa chambre à coucher d’Arles peinte l'année précédente. Il en existe trois versions de tonalités différentes).

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    Vincent Van Gogh –  La chambre de Vincent à Arles, sept. 1889, The Art Institute of Chicago

     

    Cette étude-là est certes une des meilleures – tôt ou tard il faut carrément la rentoiler.– Elle a été peinte si vite et a séché de façon que, l’essence s’évaporant tout de suite, la peinture ne s’est pas du tout collé ferme sur la toile.

     […]

    On dit – et je le crois fort volontiers – qu’il est difficile de se connaître soi-même – mais il n’est pas aisé non plus de se peindre soi-même. Ainsi je travaille à deux portraits de moi dans ce moment – faute d’autre modèle – parce qu’il est plus que temps que je fasse un peu de figure.

    L’un je l’ai commencé le premier jour que je me suis levé, j’étais maigre, pâle comme un peinture,van gogh,st-rémy,provencediable. C’est bleu violet foncé et la tête blanchâtre avec des cheveux jaunes, donc un effet de couleur.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Vincent Van Gogh –  Autoportrait, sept. 1889, National Gallery of Art, Washington

     

    Mais depuis j’en ai recommencé un de trois quarts sur fond clair.peinture,van gogh,st-rémy,provence

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Vincent Van Gogh –  Autoportrait, sept. 1889, Musée d’Orsay, Paris

     

          Je considère ce portrait, peint pendant une période de difficultés physiques, comme l’un des plus beaux des 43 autoportraits que l'artiste réalisa.

     Puis je retouche des études de cet été – enfin je travaille du matin jusqu’au soir.

     […]

    Je lutte avec une toile commencée quelques jours avant mon indisposition, un faucheur, l’étude est toute jaune, terriblement empâtée, mais le motif était beau et simple. J’y vis alors dans ce faucheur – vague figure qui lutte comme un diable en pleine chaleur pour venir à bout de sa besogne – j’y vis alors l’image de la mort, dans ce sens que l’humanité serait le blé qu’on fauche. C’est donc - si tu veux - l’opposition de ce semeur que j’avais essayé auparavant. Mais dans cette mort rien de triste, cela se passe en pleine lumière avec un soleil qui inonde tout d’une lumière d’or fin.

     

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    Vincent Van Gogh –  Champ de blés avec faucheur au soleil couchant, sept. 1889, Van Gogh museum, Amsterdam

    […]

    Je laboure comme un vrai possédé, j’ai une fureur sourde de travail plus que jamais et je crois que ça contribuera à me guérir. Peut-être m’arrivera-t-il une chose comme celle dont parle Eugène Delacroix : « j’ai trouvé la peinture lorsque je n’avais plus ni dents ni souffle », dans ce sens que ma triste maladie me fait travailler avec une fureur sourde – très lentement – mais du matin au soir sans lâcher et – c’est probablement là le secret – travailler longtemps et lentement.

    […]

    Je pense à une drôle de chose. Dans Manette Salomon * on discute l’art moderne et je ne sais quel artiste parlant de « ce qui restera” » dit : « ce qui restera c’est les paysagistes ». Cela a été un peu vrai car Corot, Daubigny, Dupré, Rousseau, Millet en tant que paysagiste, ça dure et lorsque Corot dit sur son lit de mort : « J’ai vu en rêve des paysages avec des ciels tout rose », c’était charmant ; alors – très bien – dans Monet, Pissarro, Renoir nous les voyons ces ciels tout roses.

    * Manette Salomon est un roman des frères Goncourt publié en 1867

     

     Lettre à Théo – vers le 10 septembre 1889

     

    Une crise plus violente peut détruire à tout jamais ma capacité de peindre. Je me sens dans les crises lâche devant l’angoisse et la souffrance, plus lâche que de juste, et c’est peut-être cette lâcheté morale même qui, alors qu’auparavant je n’avais aucun désir de guérir, à présent me fait manger comme deux, travailler fort, me ménager dans mes rapports avec les autres malades de peur de retomber. Enfin je cherche à guérir à présent comme un qui aurait voulu se suicider trouvant l’eau trop froide, cherche à rattraper le bord.

    Mon cher frère tu sais que je me suis rendu dans le midi et que je m’y suis lancé dans le travail pour mille raisons. Vouloir voir une autre lumière, croire que regarder la nature sous un ciel plus clair peut nous donner une idée plus juste de la façon de sentir et de dessiner des Japonais. Vouloir enfin voir ce soleil plus fort, parce que l’on sent que sans le connaître on ne saurait comprendre au point de vue de l’exécution, de la technique, les tableaux de Delacroix, et parce que l’on sent que les couleurs du prisme sont voilées dans la brume du nord.

    […]

    Quelle drôle

  • Mémoires de guinguettes

     

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    Jules Scalbert – Bords de Marne, 1908

     

     

     

         Pour mon dernier article de l’été, je vous offre un petit rafraichissement sur un air d’accordéon.

     

     

     

    Livre Mémoires de Guinguettes – Francis Dauby, Sophie Orivel, Martin Pénet

     

     

    « Le musette est l’âme des guinguettes. Il ne faut pas confondre guinguettes et goguettes, sociétés chantantes ouvrières et revendicatrices nées au cours de l’avant-dernier siècle. Ce qui n’empêche pas d’être en goguette dans une guinguette, où l’on servait autrefois le « guinguet » que l’on qualifiait ainsi : vin tellement aigre qu’il fait danser les chèvres ».

     

     

    Un art de vivre typiquement français, un air d’accordéon, des lampions la nuit, des rires et des chansons. Tout au long de ce livre on les imagine ces guinguettes : « les guinguettes n’ont pas d’histoires, elles n’ont que des histoires ».

     

    Vers la moitié du 19e siècle, progressivement, les guinguettes parisiennes, genre de cabarets dansant, vont s’éloigner de la capitale. Avec les nouvelles facilités de déplacement, les parisiens découvrent de nouveaux loisirs. Sur les bords de Seine, de l’Oise, et de Marne, la baignade, les fêtes nautiques et le canotage vont devenir des éléments indispensables de la sortie du dimanche.

     

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    Antony Morlon – Les canotiers de la Seine, 1865

     

    Tout le long de ces cours d’eau, de nombreuses guinguettes vont s’installer. Danse, ripailles et flirts se mélangent dans un rythme de polka très enlevé que de petits orchestres le plus souvent composés d’un piano, de violons et d’instruments à vent (piston ou clarinette), animent.

     

     

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    Miranda, illustrateur ; Yon, graveur – La Grenouillère, 1873, musée Fournaise, Chatou

     

    Curieux établissement que les bains froids de la Grenouillère, un café-guinguette flottant installé sur l’île de Croissy, face à Bougival, dans une boucle de la Seine. Le nom de la Grenouillère ne venait pas de ces batraciens qui peuplaient la rivière ou les prés environnant. On appelait « grenouilles » des femmes légères, de petite vertu, libres, s’amourachant rapidement.

     

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    Danse : Le chahut dans une guinguette

     

    Le dimanche soir on y dînait et dansait le quadrille ou la polka dans un joyeux désordre de groupes de canotiers qui venaient avec leurs compagnes habillées de robes courtes. Des filles au maquillage criard, le plus souvent des demi-mondaines ou des filles du peuple dévergondées, venaient se faire offrir un verre, voire plus… La soirée se terminait par cette nouvelle danse : le chahut. Un peu n’importe quoi : Les danseurs lançaient leurs jambes en avant, effectuaient des pirouettes, se saluaient, en totale liberté. Des femmes passaient, l’œil aguicheur. Un cancan endiablé s’invitait au final et la soirée se terminait autour d’une friture de goujons des bords de Seine arrosée de vin de chablis.

     

    Des chansons comme la « Polka des canotières » fleurissent (extrait) :       

     

     Ohé ! Ohé ! Mes belles amoureuses

    Surtout prenez garde à vous 

    Les rameurs vous font les yeux doux.

    Ohé ! Ohé ! Les ondes sont trompeuses 

    Et la vertu dans un coup d’vent 

    En canot chavire souvent.

     

    Les écrivains s’inspirent de ces lieux de plaisir. Emile Zola dans « Au bonheur des dames » nous emmènera passer un dimanche à Joinville. Guy de Maupassant décrira merveilleusement ces guinguettes qu’il fréquentait assidument.

      

    LA FEMME DE PAUL – Guy de Maupassant

     

    Dans l’établissement flottant, c’était une cohue rieuse et hurlante. Les tables de bois, où les consommations répandues faisaient de minces ruisseaux poisseux, étaient couvertes de verres à moitié vides et entourées de gens à moitié gris. Toute cette foule criait, chantait, braillait. Les hommes, le chapeau en arrière, la face rougie, avec des yeux luisants d’ivrognes, s’agitaient en vociférant par un besoin de tapage naturel aux brutes. Les femmes, cherchant une proie pour le soir, se faisaient payer à boire en attendant ; et, dans l’espace libre entre les tables, dominait le public ordinaire du lieu, un bataillon de canotiers chahuteurs avec leurs compagnes en courte jupe de flanelle.

     

    YVETTE – Guy de Maupassant

     

    Ils l’aperçurent tout à coup. Un immense bateau, coiffé d’un toit, amarré contre la berge, portait un peuple de femelles et de mâles attablés et buvant ou bien debout, criant, chantant, gueulant, dansant, cabriolant au bruit d’un piano geignard, faux et vibrant comme un chaudron.

    De grandes filles en cheveux roux, étalant, par devant et par derrière, la double provocation de leur gorge et de leur croupe, circulaient, l’œil accrochant, la lèvre rouge, aux trois quarts grises, des mots obscènes à la bouche.

    D’autres dansaient éperdument en face de gaillards à moitié nus, vêtus d’une culotte de toile et d’un maillot de coton, et coiffés d’une toque de couleur, comme des jockeys.

    Et tout cela exhalait une odeur de sueur et de poudre de riz, des émanations de parfumerie et d’aisselles.

     

     

    Les peintres fréquentaient aussi beaucoup ces lieux de plaisir qui leur fournissaient de nombreux thèmes de tableaux. En 1880, Auguste Renoir peindra son « Déjeuner des Canotiers », et sa série des « Danses ». En 1869, avec son ami Claude Monet, ils planteront leurs chevalets devant la « Grenouillère » dont j’ai parlé plus haut et feront dans un style différent les premières toiles impressionnistes.

     

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    Auguste Renoir – La Grenouillère, 1869, musée national, Stockholm

     

    Avant 1906, il ne faut pas oublier qu’une partie de la population ne pouvait se joindre à la foule en liesse pour profiter de ces amusements : ceux qui travaillaient sept jours sur sept ! Il faut attendre le 13 juillet 1906 pour que soit votée la loi sur le repos hebdomadaire obligatoire le dimanche.

     

    QUAND ON S’PROMÈNE AU BORD DE L’EAU (1936)

     

    Valse Musette créée par Jean Gabin dans le film de Julien Duvivier « La Belle Équipe ».

    Cette chanson, qui symbolise le mieux aujourd’hui l’échappée des guinguettes comme lieu de bonheur au moment de l’avènement du front populaire généralisant les congés payés, a curieusement connu un succès assez tardif.


    Refrain

     

    Quand on s’promène au bord de l’eau,

    Comm’tout est beau…

    Quel renouveau…

    Paris au loin nous semble une prison,

    On a le cœur plein de chansons.

    L’odeur des fleurs

    Nous met tout à l’envers

    Et le bonheur

    Nous saoule pour pas cher.

     

     

    Les guinguettes perdureront jusque dans les années 1960. Avec le développement des voies de communications autoroutières, une urbanisation dévastatrice, la voiture devenant reine les parisiens s’éloignent des environs de la capitale. Progressivement, les guinguettes disparaissent avant les prémices d’un renouveau possible dont on parle aujourd’hui.

     

    Si vous voulez retrouver des souvenirs anciens, revivre un monde de fêtes, d’eau et de musiques, vous entendre conter l’aventure trois fois centenaire des guinguettes, ce livre superbement documenté est fait pour vous.

     

     

         Excellentes vacances à tous.