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Rechercher : un pastelliste heureux

  • Eugène DELACROIX écrivain

     

    Journal – 8. Extraits choisis, année 1850

     

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    Eugène Delacroix – Cavalier arabe attaqué par un lion, 1850, The art Institute of Arts, Chicago

     

     

         Delacroix est très occupé en ce début de l’année 1850. L’année précédente il a reçu la notification du ministère de l’Intérieur d’une commande pour le décor d’une chapelle de l’église Saint-Sulpice. En octobre il se décide sur le choix des sujets : « Saint-Michel terrassant le démon » au plafond, « Héliodore chassé du Temple » et « La lutte de Jacob et de l’ange » sur les murs.

        Par ailleurs, en mars, il reçoit officiellement la commande du compartiment central du plafond de la galerie d’Apollon au Louvre.

     

     

    LE JOURNAL

     

     

    Paris, 22 mars 1850

     

         Les fruits de la civilisation…

     

    […]

    Ce prétendu progrès moderne dans l’ordre politique n’est donc qu’une évolution, un accident de ce moment précis. Nous pouvons demain embrasser le despotisme avec la fureur que nous avons mise à nous rendre indépendants de tout frein.

    Ce que je veux dire ici, c’est que, contrairement à ces idées baroques de progrès continu que Saint-Simon et autres ont mises à la mode, l’humanité va au hasard, quoi qu’on ait pu dire. La perfection est ici quand la barbarie est là. […] Nous ne sommes encore que de grands enfants ; du temps d’Auguste et de Périclès, nous étions dans les langes ; nous avons balbutié à peine sous Louis XIV avec Racine et Molière. L’Inde, l’Égypte, Ninive et Babylone, la Grèce et Rome, tout cela a existé sous le soleil, a porté les fruits de la civilisation à un point dont l’imagination des modernes se fait à peine une idée, et tout cela a péri, sans laisser presque de traces ; mais ce peu qui est resté pourtant est tout notre héritage ; nous devons à ces civilisations antiques nos arts, dans lesquels nous ne les égalerons jamais, le peu d’idées justes que nous avons sur toutes choses, le petit nombre de principes certains qui nous gouvernent encore dans les sciences, dans l’art de guérir, dans l’art de gouverner, d’édifier, de penser enfin. Ils sont nos maîtres, et toutes les découvertes dues au hasard, qui nous ont donné de la supériorité dans quelques parties des sciences, n’ont pu nous faire dépasser le niveau de supériorité morale, de dignité, de grandeur qui élève les anciens au-dessus de la portée ordinaire de l’humanité. 

    […]

     

    Champrosay, 28 avril 1850

     

    Le matin, grande promenade dans la forêt de Sénart.

    Entré par la ruelle du marquis, revu les inscriptions amoureuses de la muraille de son parc ; chaque année la pluie, l’effet du temps en emporte quelque chose ; à présent elles sont presque illisibles. Je ne puis m’empêcher toutes les fois que je passe là, et j’y passe souvent exprès, d’être ému des regrets et de la tendresse de ce pauvre amoureux ! Il a l’air bien pénétré de l’éternité de son sentiment pour sa Célestine. Dieu sait ce qu’elle est devenue, aussi bien que ses amours ! Mais qui est-ce qui n’a pas connu cette jeune exaltation, le temps où l’on n’a pas un instant de repos, et où l’on jouit de ses tourments ?

    J’ai été jusqu’à l’endroit des grenouilles et revenu par le petit chemin le long de la peinture, delacroixcolline.

    J’ai été avec la servante cueillir dans la journée des pissenlits dans le champ de Candas.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Eugène Delacroix – Jenny le guilloux (sa fidèle servante), 1840, Musée Delacroix, Paris

     

     

    Champrosay, 1er mai 1850

     

    Sur la réflexion et l’imagination données à l’homme. Funestes présents.

    Il est évident que la nature se soucie très peu que l’homme ait de l’esprit ou non. Le vrai homme est le sauvage ; il s’accorde avec la nature comme elle est. Sitôt que l’homme aiguise son intelligence, augmente ses idées et la manière de les exprimer, acquiert des besoins, la nature le contrarie en tout. Il faut qu’il se mette à lui faire violence continuellement ; elle, de son côté, ne demeure pas en reste. S’il suspend un moment le travail qu’il s’est imposé, elle reprend ses droits, elle envahit, elle mine, elle détruit ou défigure son ouvrage ; il semble qu’elle porte impatiemment les chefs-d’œuvre de l’imagination et de la main de l’homme. Qu’importent à la marche des saisons, au cours des astres, des fleuves et des vents, le Parthénon, Saint-Pierre de Rome, et tant de miracles de l’art ? Un tremblement de terre, la lave d’un volcan vont en faire justice… Les oiseaux nicheront dans ces ruines ; les bêtes sauvages iront tirer les os des fondateurs de leurs tombeaux entrouverts. Mais l’homme lui-même, quand il s’abandonne à l’instinct sauvage qui est le fond même de sa nature, ne conspire-t-il pas avec les éléments pour détruire les beaux ouvrages ? La barbarie ne vient-elle pas presque périodiquement, et semblable à la Furie qui attend Sisyphe roulant sa pierre au haut de la montagne, pour renverser et confondre, pour faire la nuit après une trop vive lumière ? Et ce je ne sais quoi qui a donné à l’homme une intelligence supérieure à celle des bêtes, ne semble-t-il pas prendre plaisir à le punir de cette intelligence même ?

    […]

     

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    Eugène Delacroix – Pietà, 1850, Nasjonalmuseet, Oslo

     

         L’estampe de cette Pietà que possédait Vincent Van Gogh séduisit tellement celui-ci qu’il en fit une copie dans son style si personnel.

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    Vincent Van Gogh – La Pietà (d’après Delacroix), sept. 1889, Van Gogh Museum, Amsterdam

     

     

     

    Une histoire de mouche…

     

    Champrosay, 17 mai 1850

    […]

     

    Grande promenade dans la forêt, par le côté de Draveil. Pris en contournant la forêt par l’allée qui en fait le tour.

     

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    Eugène Delacroix – Sous-bois, environs de Sénart 1850, Collection particulière

     

    J’ai vu là le combat d’une mouche d’une espèce particulière et d’une araignée. Je les vis arriver toutes deux, la mouche acharnée sur son dos et lui portant des coups furieux ; après une courte résistance, l’araignée a expiré sous ses atteintes ; la mouche, après l’avoir sucée, s’est mise en devoir de la traîner je ne sais où, et cela avec une vivacité, une furie incroyables. Elle la tirait en arrière, à travers les herbes, les obstacles, etc. J’ai assisté avec une espèce d’émotion à ce petit duel homérique. J’étais le Jupiter contemplant le combat de cet Achille et de cet Hector. Il y avait, au reste, justice distributive dans la victoire de la mouche sur l’araignée, il y a si longtemps que l’on voit le contraire arriver. 

     

     

     

         Delacroix garde en lui, à la maturité, son désir de jeunesse qui le faisait hésiter entre la peinture et la littérature. Il avait passionnément souhaité être poète et semble toujours hanté par cette préoccupation.

     

    Ems, 21 juillet 1850

    […]

    J’écris ceci le lendemain, c’est-à-dire le lundi, et ce beau feu s’est refroidi. Il faudrait, comme lord Byron, pouvoir retrouver l’inspiration à commandement. J’ai peut-être tort de l’envier en ceci, puisque dans la peinture j’ai la même faculté ; mais soit que la littérature ne soit pas mon élément ou que je ne l’aie pas encore fait tel, quand je regarde ce papier rempli de petites taches noires, mon esprit ne s’enflamme pas aussi vite qu’à la vue de mon tableau ou seulement de ma palette. Ma palette fraîchement arrangée et brillante du contraste des couleurs suffit pour allumer mon enthousiasme.

    Au reste, je suis persuadé que si j’écrivais plus souvent, j’arriverais à jouir de la même faculté en prenant la plume. Un peu d’insistance est nécessaire, et une fois la machine lancée, j’éprouve en écrivant autant de facilité qu’en peignant ; et, chose singulière, j’ai moins besoin de revenir sur ce que j’ai fait. S’il ne s’agissait que de coudre des pensées à d’autres pensées, je me trouverais plus vite armé et sur le terrain dans l’attitude convenable ; mais la suite à observer, le plan à respecter, et ne pas embrouiller le milieu de ses phrases, voilà ce qui fait la grande difficulté et qui entrave le jet de l’esprit.

    Vous voyez votre tableau d’un coup d’œil ; dans votre manuscrit, vous ne voyez pas même la page entière, c’est-à-dire, vous ne pouvez pas l’embrasser tout entière par l’esprit ; il faut une force singulière pour pouvoir en même temps embrasser l’ensemble de l’ouvrage et le conduire avec l’abondance ou la sobriété nécessaires, à travers les développements qui n’arrivent que successivement. Lord Byron dit que quand il écrit, il ne sait pas ce qui va venir après, et qu’il ne s’en inquiète guère… Sa poésie est en général dans le genre que j’appellerai admiratif ; il tient plus de l’ode que de la narration, il peut donc s’abandonner à son caprice…

    […]

     

    Bruxelles, 13 août 1850

     

    Je lis à Bruxelles, dans le journal, qu’on a fait à Cambridge des expériences photographiques pour fixer le soleil, la lune et même des images d’étoiles. On a obtenu de l’étoile Alpha, de la Lyre, une empreinte de la grosseur d’une tête d’épingle. La lettre qui constate ce résultat fait une remarque aussi juste que curieuse : c’est que la lumière de l’étoile daguerréotypée mettant vingt ans à traverser l’espace qui la sépare de la terre, il en résulte que le rayon qui est venu se fixer sur la plaque avait quitté sa sphère céleste longtemps avant que Daguerre eût découvert le procédé au moyen duquel on vient de s’en rendre maître.

     

     

    Je sors un instant du journal de Delacroix

     

    Plusieurs chroniques de mon livre QUE LES BLÉS SONT BEAUX arrivent en même temps ce mois-ci. D’autres vont encore venir. Je suis bluffé par la qualité de ces chroniques, toutes différentes, qui me parviennent. Elles sont toutes d’un niveau auquel je ne m’attendais pas.

    je viens de recevoir un texte étonnant. Je suis sûr que vous allez penser qu’il a été rédigé par une personne spécialiste de l’art… Erreur ! Il s’agit d’Alexiane, qui tient le blog littéraire « Marmite aux plumes » et qui vient de m’envoyer ce texte fort bien documenté sur Vincent Van Gogh et sa peinture et, en plus, agrémenté de tableaux de Vincent judicieusement répartis.

    Vous pouvez lire la chronique entière avec les images sur son blog :

    http://marmiteauxplumes.com/que-les-bles-sont-beaux-dalain-yvars/

     

     

  • Camille muse de CLAUDE MONET

     

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    Une biographie romancée « Camille muse de CLAUDE MONET - Naissance de l'impressionnisme » illustrée sur papier photo de nombreux tableaux obtenus auprès des grands musées mondiaux vient de rejoindre mes deux précédents recueils de nouvelles « Deux petits tableaux » et « Conter la peinture ».

     

    EXTRAIT DE L’INTRODUCTION DU LIVRE

     

    Elle était si jolie, Camille…

     

    Durant près de quinze années, elle n’a été qu’une silhouette, une passante qui va activer le paysage du couple qu’elle formait avec Claude Monet, le chef de file du groupe des peintres impressionnistes qui avaient, au 19e, la lumière comme unique religion. On retrouve la jeune femme dans de très nombreuses toiles : elle marche, lit, cueille quelques fleurs, sourit à l’homme qu’elle aime, endosse des robes de femmes du monde, parfois des costumes extravagants. Elle est le modèle, la compagne, la mère, la muse…

    La multitude de tableaux faits par Claude Monet de sa compagne intrigue. Il la peignait sous tous les angles, à tout moment, la traquant dans ses moments de solitude rêveuse. Cette gracieuse figure, au regard un peu triste, est touchante. Sur les toiles amoureusement peintes par Monet, son apparence, ses sourires, ses poses, figées ou en mouvement, quelques gestes, nous content la femme qu’elle était, plus que de banales correspondances.

    Au-delà des documents restants sur elle, le regard pictural de Monet sur sa muse a été le support essentiel de ma réflexion et a donné chair à cette biographie romancée d’un couple indissociable.

    Je souhaite vous faire entrer dans l’intimité du couple Camille et Claude Monet. Camille va y trouver sa place, exister, participer à l’ascension de son génial mari. Ils vont vivre ensemble les moments forts, laborieux, miséreux parfois, de l’avènement de l’impressionnisme cette nouvelle vision de l’art qui va révolutionner la peinture académique.

    Nombre des toiles de Claude Monet de cette période, celle que je préfère du peintre, dans lesquels sa femme est représentée sont des chefs-d’œuvre. Après sa mort, il ne peindra jamais plus de personnage avec le même intérêt, le même plaisir, le même amour. Plus tard, les personnages insérés dans ses toiles ne sembleront servir que de contrepoint à son travail entièrement tourné vers le paysage. Le sourire de Camille surgira parfois, inattendu, dans une touche de lumière.

    (Ces chefs-d’œuvre sont montrés en HD dans mon livre)

     

    HISTOIRE VRAIE DE MA VISITE À VÉTHEUIL

     

    J’ai toujours en tête le jour où je suis allé à Vétheuil, petite commune près de Paris. La tombe de Camille était dans le petit cimetière derrière l'église. Devant moi, l’image de la pierre tombale grisâtre se diluait. L’émotion… Des teintes m’apparaissaient sous la forme d’une jeune femme aux traits fins, silhouette gracieuse flottant dans les hautes herbes d’un champ de Coquelicots, changeant de robes comme de personnages dans Femmes au jardin, assise sur la Plage de Trouville, apparition ascendante dans La Femme à l’ombrelle ou grimaçante habillée en Japonaise.

     

    https://www.bod.fr/librairie/camille-muse-de-claude-monet-alain-yvars-9782322474691

     

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    Claude Monet – Femmes au jardin, 1866, musée d’Orsay, Paris

     

  • Nostalgie parisienne

     

       Je dédie ce poème à une jeune landaise de seulement 60 ans, nouvelle retraitée depuis quelques mois. C'est une nouvelle vie qui commence...

     

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                                                                    La tour Eiffel - Raoul Dufy

     

     

      

     

    1967, tu te souviens, c’était hier,

    Le jour où tu partis peu fière,

    Toi la petite provinciale,

    En direction de la Capitale.

     

    Tu quittais tes parents, les Landes, ce que tu aimais ;

    Tu avais dix neuf ans et plein de projets.

    Le monde, lui, était immense,

    Tu voulais faire sa connaissance.

     

    Tu t’imaginais la ville lumière

    Belle et altière,

    Et tu ne vis que des murs gris

    Un tant soit peu décrépis.

     

    Pourtant, tout te parut beau,

    Notre-dame, la Seine, les rues et leurs tacots ;

    La Tour Eiffel touchait le ciel,

    Tu entendais des ritournelles.

     

    A ton premier jour de travail,

    Le métro, grosse chenille, avait un air canaille.

    Les collègues te firent la bise ; l’un d’eux dit hypocrite :

    « Elle paraît brave cette petite ! »

     

    Qu’elle était grande cette ville ! ;

    Tu te sentais si fragile.

    Ensuite le temps passa très vite,

    Et vinrent les grèves de soixante-huit.

     

    Au milieu des manifs tu devenais parisienne ;

    Leur cause était la tienne.

    Les pavés pleuvaient, les sirènes hurlaient, les CRS couraient…

    Et le grand Charles causait.

     

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    Tu te disais : « Vive la liberté

     
     
    Pourvu qu’elle rime avec gaîté ! »

    Slow-club, Mimi Pinson, Boléro, bals musettes,

    Olé ! Tous les soirs c’était la fête.

     

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    Te souviens-tu des périodes de disette

    Où tu te sentais moins guillerette ?

    Les Landes et ses victuailles étaient bien loin,

    Certains jours tu avais faim.

     

    Alors, seule dans ta chambrette couleur pastel,

    Le foie gras de ta mère avait un goût de miel.

    Sur une biscotte, tu l’étalais avec entrain,

    La lueur d’une bougie éclairant ce royal festin.

     

    Tout a une fin !

    Il fallut redescendre, quitter les amis, les copains.

    Sur le quai en arrivant tu avais le cœur gros,

    Heureusement, il y avait Nano !    *

     

    Du temps a passé 

    Depuis Paris et ces trois longues années.

    Tu nous en parles parfois,

    Avec des frissons dans la voix…

     

     

     

                                                                      Alain

     

     

     

     

    *    Nano deviendra son mari

     

     

     

  • 2/2 - Elisabeth Vigée Le Brun : Souvenirs

     

    J’ai toujours vécu fort modestement. Je dépensais extrêmement peu pour ma toilette : on me reprochait même trop de négligence, car je ne portais que des robes blanches, de mousseline ou de linon. 

     

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     Elisabeth Vigée Le Brun – Portrait dit “aux rubans cerise”, 1782, Kimbell Art Museum, Fort Worth

     

     

     

    Si l’on doit peindre une gorge, éclairez-là de façon qu’elle reçoive bien la lumière ; les plus belles gorges sont celles dont la lumière n’est point interceptée, jusqu’au bouton qui se colore peu à peu à l’extrémité ; les demi-teintes qui font tourner le sein doivent être du ton le plus fin et le plus frais ; l’ombre qui dérive de la saillie de la gorge doit être chaude et transparente.

      

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    Elisabeth Vigée Le Brun – L’artiste exécutant un portrait de la reine marie-Antoinette, 1790, Galliera Degli Uffizi, Florence

     

     

    J’espère terminer doucement une vie errante mais calme, laborieuse mais honorable.

     

     

  • À fleur de mots

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    Et si la poésie nous apportait une lueur de vie dans un monde où la culture est laissée à l’abandon !

     

    J’ai déjà terminé les deux ouvrages que je me suis offert pour mon petit Noël. Après avoir présenté récemment le recueil de poèmes de Francette lg « Les couleurs du temps », je vous offre des extraits du second « À fleurs de mots » tout aussi agréable à lire.

          Le recueil d’aujourd’hui m’a attiré par le joli graphisme de sa couverture de coquelicots roses et rouges sur fond noir. Tout au long de ma lecture, j’ai cueilli, picoré, dans l’ordre ou le désordre de ma lecture, au fil de mes affinités. Les photographies prises par Francette dans sa belle région bretonne accompagnent à nouveau la poésie.

     

     

    Harmonies :

     

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    Ses ailes poudrées de gouttes d’aurore

    Déposent ses poussières

    Sur la fleur qui vient d’éclore

    Une nécessité d’éterniser l’instant

    De peur de l’oublier

    Juste un baiser de beauté...

     

     

     

     

     

    Réveil :

     

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    Gouttes d'ombre et de lumière

    Entre les cils de la fleur

    C'était juste l'heure

    L'heure où l'ombre s'accorde avec elle

    L'heure d'une connivence

    Une connivence crépusculaire... 

     

     

     

     

     

    Sur la pelouse, des marguerites courent :

     

    francine lg,photos,poèmesUn parterre étoilé

    Frêles danseuses

    Au cœur d’or

    Caracolant

    Tutus blancs

    Virevoltant

    Jambes longues et fines 

     

     

     

     

    En rouge et noir :

     

    Pétales carminésfrancine lg,photos,poèmes

    Comme des baisers

    Ils se sont envolés

    Papillons légers

    Aux ailes de braise

    Graciles demoiselles

    À la robe fripée

    En rouge et noir

    Sur la pointe des pieds

    Elles entament une danse endiablée

    Cœurs rouge baiser

    Gravés dans l’éphémère 

     

     

    Des goélands passent au-dessus des étoiles d’eau apparaissant sur l’ourlet des vagues :

     

    francine lg,photos,poèmesIls jalousent le ciel et le vent

    Leur vol cisèle l'invisible

    Tatouées sur les ailes

    Des réminiscences de brume

    Le soir les étoiles d’eau

    Ensemenceront leur lit d’azur

    Sous l’œil attendri de la Lune

    Qui déjà cligne d’impatience

    Dans la somnolence de la grande voûte silence 

     

     

    Une belle déclaration d’amour à la poésie :

     

     Toi

    Que chaque jour je viens cueillirfrancine lg,photos,poèmes

    Dans les nuages et sur la plage

    Toi qui m’accompagnes

    Jour et nuit

    Et qui partages ma vie

    Et que je nomme poésie 

    Je t’écrirai partout

    Dans les nuages et sur la plage

    Et je te nourrirai

    Pour que tu ne meures pas

    Et tu me nourriras

    Pour que je ne meure pas… 

     

     

         C'est beau !  Francette en offre la vision avec les images sur son blog : https://images-imagination.blogspot.com/

         En édition papier, ses recueils sont un magnifique cadeau de Noël : www.Thebookedition

     

     

  • Ode aux femmes

     

    Je ne peux résister au plaisir de faire connaître un blog de talent qui publie régulièrement des écrits d'une grande sensibilité poétique qui me touchent souvent :

     http://bullesetmots.blogspot.com/

     Elle ne m'en voudra certainement pas de vous montrer le dernier texte qu'elle vient de publier qui est un hommage vibrant à toutes les femmes :

     

    A toutes les femmes ...

    A mère, à ma grand-mère, qui furent les premières femmes de ma vie, sans doute mes références, malgré d’autres envies …

    A ma fille, ma petite fée, mon autre moi-même, ma presque réincarnation, mon prolongement, mon espoir en demain …

    A ma belle-fille, qui m’a donné mon autre petite merveille, mon bébé sourire, ma princesse de l’aurore, promesse de vie …

    A mes amies, celles qui cheminent avec moi depuis longtemps, celles que j’ai perdu en cours de route, celles qui ont traversé ma vie en laissant leur trace, celles que je rencontrerai encore …

    A celles qui ont déjà pris l’ascenseur vers les petits nuages blancs, mais reviennent souvent, fantômes légers, hanter les allées de ma mémoire …

    A mes institutrices et mes professeurs, qui m’ont fait découvrir la beauté des mots, le pouvoir de la lecture, la paix studieuse des bibliothèques …

    A ces relations dites virtuelles, qui parfois sont plus proches de moi que des voisins …


    A ces cuisinières qui ont inventé ou collectionné toutes ces recettes que j’aime expérimenter …

    A celles qui ont été des pionnières et à celles qui timidement suivent le mouvement …
    A celles que j’apprécie et à celles que je ne sais pas apprécier …

    A mes collègues passées et présentes avec qui je partage les joies et les peines de mon travail …

    A toutes ces inconnues qui offrent leur sourire, leur bonne humeur, leur aide bénévole …

    A toutes les filles tendres et fortes, féministes et féminines de mon entourage … à celles qui se battent pour leurs sœurs … à celles qui les réconfortent …

    A toutes celles qui ont moins de chance, qui connaissent la guerre, la misère, la violence, le deuil, le malheur … à celles là, tout particulièrement …

    A toutes les femmes qui sont sur la brèche au quotidien, du matin au soir … qui aiment, qui nourrissent, qui lavent, qui travaillent, qui rient, qui pleurent, qui lisent, qui s’amusent, qui éduquent, qui vivent … tous les jours et pas seulement le 8 mars …

    A vous toutes, je dis : JE VOUS AIME !!!


    SW

     

     

  • Eugène DELACROIX écrivain

     

    Journal – 7. Extraits choisis, année 1849

     

     

         Le Salon ouvre ses portes le 15 juin 1949. Delacroix va y exposer une seconde version des « Femmes d’Alger », plus petite que la grande peinture de 1834. Les femmes, présentées dans des poses semblables à la première, sont observées de plus loin dans un effet de clair-obscur se rapprochant de la narration vécue d’une visite du harem par le peintre Charles Cournault en 1832 :  « Lorsqu’après avoir traversé quelque couloir obscur, on pénètre dans la partie de la maison qui leur est réservée, l’œil est vraiment ébloui par la vive lumière, par les frais visages de femmes et d’enfants, apparaissant tout à coup au milieu de cet amas de soie et d’or ».

     

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    Eugène Delacroix – Femmes d’Alger dans leur intérieur, 1849, musée Fabre, Montpellier

     

     

     

    LE JOURNAL

     

     

         L’agenda du journal de l’année 1848 ne semble pas avoir été conservé. Il pourrait avoir été perdu. L’artiste n’a peut-être pas rédigé de notes cette année là…

     

     

     

     

        Eugène Delacroix se moque souvent de ses contemporains. Dans les quatre extraits ci-dessous de février et mars 1849, il croise certains personnages en rapportant leurs travers ou bêtises.

     

    Paris, 10 février 1849

    […]

    Chez Pierret le soir : beaucoup de monde. J’y ai vu Lassus, perdu de vue depuis longtemps.

    Un imbécile nommé M…, que je n’y avais pas vu depuis longtemps, y était en toilette exacte et ganté hermétiquement. Il a l’air de se croire beau ou intéressant pour le sexe ; cela lui impose la tenue. Je ne mentionne ceci que parce que, à propos de cet individu qui n’est qu’un fat, j’ai pensé à certains hommes à bonnes fortunes, qui sont les victimes de l’obligation où ils se croient d’être toujours beaux.

     

     

    Paris, 26 février 1849

     

    Fait peu de chose… Dîné chez Bixio avec Lamartine, Mérimée, Malleville, Scribe, Meyerbeer et deux Italiens. Je me suis beaucoup amusé ; je n’avais jamais été aussi longtemps avec Lamartine.

    Mérimée l’a poussé au dîner sur les poésies de Pouchkine, que Lamartine prétend avoir lues, quoiqu’elles n’aient jamais été traduites par personne. Il donne le pénible spectacle d’un homme perpétuellement mystifié. Son amour-propre, qui ne semble occupé qu’à jouir de lui-même et à rappeler aux autres tout ce qui peut ramener à lui, est dans un calme parfait au milieu de cet accord tacite de tout le monde à le considérer comme une espèce de fou. Sa grosse voix a quelque chose de peu sympathique.

     

     

    Paris, 8 mars 1849

     

    Le soir, Chopin (Chopin est très malade et mourra la même année). Vu chez lui un original qui est arrivé de Quimper pour l’admirer et pour le guérir.

    C’est un amateur forcené de musique ; mais son admiration se borne à peu près à Beethoven et à Chopin. Mozart ne lui paraît pas à la hauteur de ces noms-là ; Cimarosa est perruque, etc.

    Il faut être de Quimper pour avoir de ces idées-là, et pour les exprimer avec cet aplomb : cela passe sur le compte de la franchise bretonne… Je déteste cette espèce de caractère ; cette prétendue franchise à l’aide de laquelle on débite des opinions tranchantes ou blessantes est ce qui m’est le plus antipathique. Il n’y a plus de rapports possibles entre les hommes, s’il suffit de cette franchise-là pour répondre à tout. Franchement il faut, avec cette disposition, vivre dans une étable, où les rapports s’établissent à coups de fourche ou de cornes ; voilà de la franchise que je préfère.

     

     

    Paris, 21 mars 1849

    […]

    Je suis entré à la Madeleine, où l’on prêchait. Le prédicateur, usant d’une figure de rhétorique, a répété dix ou douze fois, en parlant du juste : Il va en paix !… il va en paix ! « Va en paix » a été ce qu’il y a eu de plus remarquable dans son discours. Je me suis demandé quel fruit pouvait résulter des lieux communs répétés à froid par cet imbécile. Je suis obligé de reconnaître aujourd’hui que cela va avec le reste, fait parti ? de la discipline comme le costume, les pratiques, etc… Vive le frein !

     

     

     

     

         A la belle saison, l’artiste passe du temps à Champrosay où il apprécie le spectacle de la nature. En 1848 il a travaillé longuement sur de grandes compositions de fleurs qu’il va présenter au Salon.

     

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    Eugène Delacroix – Corbeille de fleurs renversée dans un jardin ,1849, The Metropolitan Museum of Art, New York

     

     

    Valmont, 9 octobre 1849

     

    Par quelle triste fatalité l’homme ne peut-il jamais jouir à la fois de toutes les facultés de sa nature, de toutes les perfections dont elle n’est susceptible qu’à des âges différents ? Les réflexions que j’écris ici m’ont été suggérées par cette parole de Montesquieu, que je trouvai ici ces jours-ci, à savoir qu’au moment où l’esprit de l’homme a atteint sa maturité, son corps s’affaiblit.

    Je pensais à propos de cela qu’une certaine vivacité d’impression, qui tient plus à la sensibilité physique, diminue avec l’âge. Je n’ai pas éprouvé, en arrivant ici, et surtout en y vivant quelques jours, ces mouvements de joie ou de tristesse dont ce lieu me remplissait, mouvements dont le souvenir m’était si doux… Je le quitterai probablement sans éprouver ce regret que j’avais autrefois. Quant à mon esprit, il a, bien autrement qu’à l’époque dont je parle, la sûreté, la faculté de combiner, d’exprimer ; l’intelligence a grandi, mais l’âme a perdu son élasticité et son irritabilité. Pourquoi l’homme, après tout, ne subirait-il pas le sort commun des êtres ? Quand nous cueillons le fruit délicieux, aurions-nous la prétention de respirer en même temps le parfum de la fleur ? Il a fallu cette délicatesse exquise de la sensibilité au jeune âge pour amener cette sûreté, cette maturité de l’esprit. Peut-être les très grands hommes, et je le crois tout à fait, sont-ils ceux qui ont conservé, à l’âge où l’intelligence a toute sa force, une partie de cette impétuosité dans les impressions,… qui est le caractère de la jeunesse ?

     

     

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    Eugène Delacroix – Odalisque, 1849, musée du Louvre, Paris

     

     

         Mort de Chopin.

     

    Fécamp, 18 octobre 1849

     

    J’ai appris, après déjeuner, la mort du pauvre Chopin. Chose étrange, le matin, avant de me lever, j’étais frappé de cette idée. Voilà plusieurs fois que j’éprouve de ces sortes de pressentiments.

    Quelle perte ! Que d’ignobles gredins remplissent la place, pendant que cette belle âme vient de s’éteindre !

     

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    Eugène Delacroix – Portrait de Frédéric Chopin, 1838, musée du Louvre, Paris

     

     

  • Deux nouveaux livres d'art

     

    Je les attendais. Ils viennent d’être publiés chez BOD.

     

    peinture, écriture,  BOD, vermeer

    peinture, écriture, BOD, vermeer

     

     

    Afin que l’art ne soit pas réservé à une élite, mais accessible à tous, deux nouveaux livres d’art viennent de voir le jour.

    Beaucoup d’entre vous connaissent mes recueils : CONTER LA PEINTURE et DEUX PETITS TABLEAUX.  

    Ils sont désormais intégrés dans une collection : « Si les œuvres parlaient ». Chaque recueil de cette collection est composé d’une douzaine de récits écrits sur le ton de la fiction, sorte d’escapade dans un musée imaginaire. Des tableaux de l’œuvre de grands peintres de notre histoire de l’art accompagnent les textes. Je me suis adressé aux musées du monde entier où les œuvres sont exposées afin de les obtenir en haute définition.

     

    PRÉSENTATION DE CETTE NOUVELLE ÉDITION

     

    Certains textes ont été légèrement modifiés ainsi que la présentation des images dans chacun des recueils dont la couverture a été refaite.

    Je le répète souvent : « la qualité des tableaux dont je parle est, à mes yeux, toute aussi importante que la présentation des textes ». À cet effet, la modification essentielle de cette réédition chez BOD est intervenue dans l’impression sur un papier photo brillant permettant de mieux valoriser l’excellence des œuvres.

    La sensation tactile des livres est également fortement améliorée et le format est toujours agréable à lire et à manipuler.

     

    DISPONIBILITÉ 

     

    Les recueils sont disponibles chez BOD (cliquez sur les images) et la plupart des librairies physiques et numériques, en format papier et ebook. Les prix restent inchangés. Pour le format ebook, à l’occasion de la parution, une promotion jusqu’à la fin de la semaine prochaine les propose à 2,49 € au lieu de 3,99 €.

     

    Je rappelle que les bénéfices de mes livres sont destinés à être reversés à l’Association RÊVES aidant les enfants gravement malades.

     

  • La Grenouillère

     

    VAN GOGH Vincent - Bords de l’Oise, la Grenouillère, 1890, The Detroit Institute of Arts

     

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    Texte extrait du roman à venir sur décembre: QUE LES BLES SONT BEAUX - L'ultime voyage de Vincent Van Gogh

     

     

     

         Deux skifs effilés passèrent à grande vitesse sous les encouragements des barreurs qui imprimaient la cadence. Les hommes, habillés de maillots rayés, brassant l’eau à grands coups de pelles, grimaçaient dans l’effort, avec des « han » retentissants. Des vaguelettes agressives s’écrasèrent bruyamment sur les bateaux immobilisés, soulevant les coques de secousses ondulantes. Je suivis les skifs du regard. Ils disparurent derrière une rangée d’arbres. Dans l’eau, les reflets colorés des embarcations s’effacèrent un court instant, puis le calme revint.

         Je m’installai face aux bateaux assoupis, pris la toile de 30 que j’avais apportée et la posai
     horizontalement sur le chevalet. Le décor fut sommairement esquissé au pinceau. Des tons purs excitaient mes yeux. Il suffisait de les poser sur la toile tel que je les voyais : verts bleutés dans le feuillage des arbres ; bleu céruléen dans l’angle de ciel au-dessus de l’île sur la gauche ; le même bleu brossé à grands traits dans l’eau, additionné d’un soupçon d’outremer et de violet sur les parties ombrées.

         Les embarcations bigarrées se superposaient en forme de triangle. Dans une des barques, une jeune femme en robe claire était assise. Un blanc pur la balaya. La base du triangle était constituée par cette imposante yole rouge orangée qui prenait toute la largeur de la toile. J’écrasai le tube de rouge vermillon sur celle-ci et étalai la pâte avec délectation. Le rouge… Le midi m’avait révélé cette couleur qui embrasait les paysages. Autrefois, je l’utilisais peu, la campagne hollandaise ne s’y prêtant guère.

         Dans le frais, je rajoutai du jaune de cadmium qui transforma le rouge de la yole en un orangé éclatant. Une petite touche de rouge pur couvrit la coque et la voile de l’esquifpeinture,van gogh,auvers,grenouillère accosté à l’extrémité de l’île en haut de la toile. Une goutte de blanc sur la voile suffit ensuite pour la rosir.

         Le soleil cuisait sérieusement mon profil gauche. Je posai mes pinceaux dans un gobelet en fer, me levai et m’agenouillai devant la rivière. Une image déformée, peu engageante, la mienne, m’apparaissait dans l’onde liquide. Après m’être aspergé plusieurs fois le visage, je revins vers mon chevalet.

         Les couleurs claquaient… Où était passé l'impressionniste que j'étais devenu à Paris ? Mes amis seraient surpris s'ils voyaient mes peintures... Quelle chose étonnante que la touche, le coup de brosse… On travaille comme on peut, on remplit sa toile à la diable sans trop calculer, exalté par le motif. Exagérer l’essentiel et laisser dans le vague le banal… Ainsi, on attrape le vrai… La critique m’importait peu. Je n’avais plus de temps à perdre à tenter de convaincre ceux qui ne comprenaient pas mon travail. Je voulais exister avec mes défauts et mes qualités, et, surtout, ne pas accepter le conformisme ambiant.

         En pleine réflexion picturale, je n’avais pas entendu arriver ce couple debout en plein soleil peinture,van gogh,auvers,grenouillèredevant les barques vertes et blanches, sur la petite bande de terre servant d’embarcadère. L’homme en costume bleu à col de marin et chapeau noir s’apprêtait à tirer une embarcation. La femme en robe blanche, une capeline jaune citron posée sur de longs cheveux relevés derrière la tête, semblait s’interroger sur la méthode la plus efficace pour grimper dans le bateau sans se prendre les pieds dans sa robe longue. Je me hâtai de les croquer sur la toile avant qu’ils n’embarquent. Le jaune clair que j’étalai autour d’eux les inonda de lumière.

         La jeune femme se décida à retrousser sa robe jusqu’au bas des cuisses et monta dans la barque aidée par son compagnon reluquant ses dessous. Elle s’assit à l’avant, peu rassurée. L’homme saisit les avirons, piocha l’eau maladroitement, ce qui fit tanguer l’embarcation et hurler sa compagne. Il trouva le bon coup de pelle et la barque se dirigea vers l’île sous les roucoulements aigus de la femme.

         Je posai ma palette sur le sol et sortis le pain et le gros saucisson que madame Ravoux m’avait mis dans ma musette ce matin. Je tirai la corde que j’avais accrochée au goulot de la gourde plongée dans l’eau en arrivant, but une longue rasade et la renvoyai au frais.

        Ragaillardi, je m’allongeai sous l’ombre d’un saule. Mon corps rassasié s’amollissait progressivement.

     

     

  • Les couleurs du temps

     

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         Les poèmes de Francette lg sont des bribes de pureté, des petits grains de vie qui feront chanter la pluie. C’est un amour de la création, un amour de la vie qui est donné ici en partage. Et c’est plein d’espérance pour notre monde souvent désorienté.

    Jean Pierre Boulic, poète Breton

     

         Je ne vais pas mâcher mes mots. Nous sommes dans le BEAU. Dans cette période anxiogène qui nous est imposée, une bouffée d’oxygène nous arrive sous la forme de ce recueil de poèmes de Francette lg. Je me suis déjà offert mon cadeau de Noël : deux recueils de poésie de cette auteure. Je donnerai de courts extraits des deux avant la fin décembre.

     

         Aujourd’hui, la source d’inspiration de ce recueil est l’oiseau arc-en-ciel qui est allé quérir les couleurs du temps tout au long de l’année. J’espère que Francette ne m’en voudra pas de lui avoir emprunté quelques photos, qui sont aussi belles que les écrits, afin de donner vie aux poèmes.

     

     

     

    Quand le ciel pleure de joie, le printemps est là :

     

    Le piano du renouveauphotos,poèmes,francette lg

    Égrène ses notes

    Sur le voile de l’aube

    Arpège sur les cordes du vent

    Douce mélodie qui fait danser la lumière

    Et qui s’abreuve des gouttes du temps

    Les fleurs encore toute engourdies

    Se parent de corsage émeraude

    Et de jupon de dentelle rose nuit 

     

     

    Le jardin s’éveille :

     

    photos,poèmes,francette lgEt dans le murmure

    De l’aube qui vient de s’éveiller

    C’est une symphonie !

    Un hymne à la vie

    C’est une enluminure !

    Une page d’écriture.

    Va vite cueillir les petits grains de vie

    Qui caressent ton jardin ébloui !

     

     

    L’été vient d’arriver soudainement :

     

    Vagabondagesphotos,poèmes,francette lg

    Dans des livres d’images

    Où le bleu

    Est celui de tes yeux

    Où le blanc

    Est celui du nuage du matin

    Qui prend le vent

    Par la main 

     

     

    Les vagues déferlent sur la plage :

     

    photos,poèmes,francette lgAccrocher des baisers

    Aux branches de l’écume

    Et se laisser bercer

    Par la chanson des elfes

    De la dune 

     

     

     

    Un jardin nous offre sa parure de pluie :

     

    Surprendre

    Endormi dans sa bulle,

    Le petit jardin funambule.photos,poèmes,francette lg

    Miroir éphémère

    Après l’éveil de la terre. 

     

    À la croisée des filandres de soie

    Elle retient son souffle

    Elle boit la lumière

    Goutte après goutte

    Sans que personne ne la voie

    Coûte que coûte

     

     

    Un peintre s'inspire du ciel et des fleurs :

     

    photos,poèmes,francette lgDans le vertige du ciel :

    Un signet

    La palette diaprée

    Du peintre

    Tintinnabule

    Et fait vibrer

    Le grand drap bleu

    De l’été camaïeu. 

     

     

    L’automne nous surprend lorsque l’on ne s’y attend pas :

     

    L’arbre tisse son manteauphotos,poèmes,francette lg

    De Bronze, de miel et d’or

    Et dans ce clair-obscur

    Tout se tait…

    Et tout chantonne

    Dans ce timide automne

    Jouant encore sur les rayons dorés

    Avant d’aller se coucher… 

     

     

    Quelques feuilles s’envolent :

     

    photos,poèmes,francette lgJe regarderai choir

    Une à une les médailles d’or

    Du petit arbre mirliflore.

    Et je les entendrai gémir

    Dans le silence pur et blanc

    De l'hiver impatient

     

     

     

    L’hiver est arrivé, la mer rugit :

     

    Ici les flocons blancsphotos,poèmes,francette lg

    Sont ceux de l’écume

    Ceux de la vague qui ondule

    Les montagnes blanches

    Sont les rouleaux

    Qui font le gros dos 

     

     

     

    photos,poèmes,francette lgIci, l’alpiniste c’est la mouette

    Qui grimpe jusqu’à la crête

    La mouette qui parade

    La mouette qui escalade

    L’échelle du temps

    L’échelle du vent

    Couronnée d’argent 

     

     

     

    Pour avoir une véritable idée de la beauté de ce recueil il faut le lire en entier avec les images. Francette en offre la vision sur son blog : https://images-imagination.blogspot.com/

    Ou en édition papier : : https://www.thebookedition.com/fr/4583_francette-lg

     

     

  • Marl'Aime une poétesse de talent

     

    Marl'Aime, poésie

     

    Mon ressenti récent sur le recueil poétique de Marl'Aime publié sur le site de Babelio

     

    « Mon incompréhension du monde actuel s'accroît sans répit ainsi que mes doutes à nous voir parvenir à réprimer les flots de ces penchants criminels, intégristes, vénaux, irrespectueux ou simplement stupides qui le polluent au quotidien. Cependant, je demeure combative car je peux désormais d'un revers de plume expulser ma révolte, faire levier de mes mots afin de libérer la pression sur mon coeur. »

    Voilà ce qu'écrit en guise de présentation de son recueil, Marlène Martinvalet dont le nom de plume est Marl'Aime.
    J'ai pensé au poète Stéphane Mallarmé en lisant. Comme celle de Mallarmé, la poésie de Marl'Aime est moderne, brillante, technique, intelligente. Elle aime nous faire découvrir des mots rares, pour la rime, le coup de coeur, mais aussi pour leur musicalité, leur esthétique.
    Certains poèmes m'ont été énigmatiques, leur langage résistant à la raison de ceux que je lis habituellement. Toutefois, j'ai senti dans ces quatrains et autres sonnets somptueusement écrits, une vibration dans les phrases, un gros travail de recherche dans la syntaxe et les mots qui m'ont laissé admiratif.

    J'ai beaucoup aimé en début de recueil un poème consacré à son papa mort jeune alors qu'elle était une petite fille :
    « Rien ne sert de maudire à grands flots cette année
    Qui me priva si jeune, éclipse instantanée,
    Du géniteur soleil par lequel je suis née
    Peu me chaut de savoir en fait lequel appât
    De mes filets d'amour hier la mort happa
    Afin de t'éloigner, tu vis en moi, Papa. »

    Les lecteurs vont se faire une idée dans quelques extraits de poèmes du talent si particulier de l'auteure. Elle nous fait partager ses élans d'espoir et de révolte : « le temps que dure ici notre humain ministère /Chacun de nous met mal ou bien sur sa balance /Des droits que lui prescrit son propre baptistère (chapelle) /Mais il en recevra du ciel l'équivalence ! ».

    Les maux de ce monde sont son combat : intolérance, violence, bassesse, victimes innocentes, injustice, misère. Sa plume se veut un remède au désespoir qui pourrait l'atteindre :
    « Mon dieu je t'en supplie allège ma tristesse,
    Devant ces miséreux lentement je me meurs,
    Car cette déchéance étouffe mes humeurs,
    Donne-moi le pouvoir d'écrire avec justesse ! »

    La politique la révolte : « La droite ou la gauche on cesse d'y croire, /Pleine est la coupe à cortex cérébral, /De cette Chienlit d'ordre électoral /A coup de serments d'éden illusoire. »

    Comment ne pas adhérer à une pensée exprimée avec cette force poétique ? : « Mais la plus belle chose à laquelle je tiens, /Pouvant réconcilier musulmans et chrétiens, /Jeunes et plus âgés, ou même d'avantage, /La chose qui m'émeut en doux pleurs triomphants, / Sans hésitation, c'est d'en faire partage, /Et de voir se transmettre un savoir aux enfants. »

    En humaniste, elle s'interroge sur l'avenir de l'homme :
    « Sortirons-nous grandis en combattant nos failles !
    Celles qui font le nid où s'éveillent les maux
    Lors ma muse surgit pour m'insuffler les mots…
    Sortirons-nous grandis en combattant nos failles ? »

    À la fin du recueil, j'ai eu une dernière pensée pour Stéphane Mallarmé. Il disait que le poète doit « Tout reprendre à la musique », « Peindre non la chose, mais l'effet qu'elle produit », et « Laisser l'initiative aux mots ». Il avançait qu'il ne fallait pas nécessairement vouloir comprendre la poésie, au sens de son intelligibilité, mais l'éprouver comme une véritable jouissance simplement sensible, musicale et plastique. Une anecdote se rapporte à son ami le peintre Edgar Degas qui se plaignait devant lui de ne pas réussir à écrire des poèmes alors que, disait-il, il avait « beaucoup d'idées ». Mallarmé lui aurait répondu : « Mais mon cher Degas, ce n'est pas avec des idées que l'on fait les poèmes, c'est avec des mots ».
    Le style et la recherche poétiques de Marl'Aime m'ont paru proche de ce poète du 19e.

    Venu récemment en poésie, je ne peux que me fier à mes sensations. C'est la première fois que je lis une poésie aussi originale, jonglant avec les mots, parfois hermétique, intellectuelle jusqu'au bout des ongles. L'auteure nous livre ses sentiments, les met à nu sans chercher à plaire.

    « du sonnet au lai mon coeur est ivre,
    Et pour l'art d'un haïku
    Leste au Kaizen ma muse se livre,
    Il me reste moins de temps à vivre
    Que je n'ai vécu.

     

    "Kaizen : processus d'amélioration continue



    Merci Marl'Aime

     

  • Les Grâces de Rubens

    EXCELLENTE ANNÉE 2023 

     

    Rubens, Louvre, galerie Médicis

     

     

    « Rubens ne se châtie pas et il fait bien. En se permettant tout, il vous porte au-delà de la limite qu’atteignent à peine les plus grands peintres ; il vous domine, il vous écrase sous tant de liberté et de hardiesse. » - Eugène Delacroix, 1860

     

         Lorsqu’une scientifique émérite mène en parallèle une carrière de peintre, de sculpteur sur pierre et de copiste au Louvre, cela donne ce livre d’enquête de Sigrid Avrillier consacré au thème des trois Grâces, dont l’origine remonte à la mythologie grecque, et à sa représentation picturale par le maître flamand Pierre Paul Rubens. L’image est indispensable lorsque l’on parle de peinture. L’iconographie des Éditions Macenta est à la hauteur du texte.

     

     

         Rubens, certainement le peintre le plus important de la peinture flamande au 17e siècle, était un peintre érudit, parfois ambassadeur, très recherché par les cours européennes.

     Rubens, Louvre, galerie Médicis     J’ai souvent admiré ses toiles croisées au Louvre : une fête de la couleur et des corps dénudés à la chair joyeuse. Eugène Delacroix qui adorait copier les néréides, plantureuses jeunes femmes d'une sensualité débordante, s’en était inspiré en 1822 pour peindre les corps des figures nues au pied de la barque de son « Dante et Virgile aux enfers ».

     

     

     

     

     

     

     

    Pierre Paul Rubens – Le Débarquement de Marie de Médicis à Marseille, 1623, Louvre, Paris

     

         Dans diverses visites d’expositions, les Grâces m’apparaissaient parfois : Raphaël au château de Chantilly, Lucas Cranach au Louvre, ou « Le Printemps » de Botticelli.

    Cranach, trois grâces

    Lucas Cranach - Les trois Grâces, 1531, Louvre, Paris  

       

         L’auteure nous invite à découvrir une des toiles « L’Instruction de la reine » qui fait partie des 24 immenses tableaux commandés en 1622 à Rubens par la reine Marie de Médicis, illustrant sa vie comme seconde épouse du roi Henri IV et mère de Louis XIII. Ce cycle des tableaux a été peint par l’artiste de 1622 à 1625 pour être accroché au palais du Luxembourg édifié par la reine. Depuis 1816, la galerie Médicis, dans l’aile Richelieu du Louvre, sous un bel éclairage zénithal, s’enorgueillit aujourd’hui de les posséder. Je conseille fortement la visite de ce lieu magnifique.

    Rubens, Louvre, galerie Médicis

    Pierre Paul Rubens – L’instruction de la reine, 1623, Louvre, Paris

     

         Le mythe des trois Grâces apparait dès le 7e siècle av. J.-C., dans le culte des « Charites » chez les Grecs. Filles de Zeus, elles sont les divinités de la prospérité et de la croissance, donnant aux mortels comme aux dieux, joie, paix, beauté, fécondité. À partir du 4e siècle, elles échangent leurs vêtements pour des voiles puis se dénudent complètement. Très populaire chez les Grecs et Romains, on va les retrouver partout dans des peintures, fresques, mosaïques, monnaies ou décors d’églises. Oubliées au Moyen Âge, elles réapparaissent vers la fin du 15e siècle.

     

    Charites

    Marbre pentélique peint - Relief des Charites, 6e siècle av. J.C., Athènes, musée de l'Acropole

     

         L’analyse de l’auteure est lumineuse sur la présence et la place des Grâces dans le tableau.

    Rubens, Louvre, galerie Médicis

    Pierre Paul Rubens – L’instruction de la reine, détail des trois Grâces, 1623, Louvre, Paris

     

         Rubens voulait représenter les Grâces dans une attitude originale, deux de face et une de trois quarts, à la manière « baroque » en s’affranchissant de la morale chrétienne. Toutefois, il devait satisfaire la reine très catholique. Il fallait également faire l’apologie de celle-ci et redorer sa réputation. La place occupée par la beauté et la grandeur des Grâces dans le tableau ne pouvait que plaire à la reine en soulignant son avenir prometteur : devenir la reine du Royaume de France et assurer la lignée des bourbons en donnant un fils au roi. Louis XIII naissait seulement neuf mois après sa rencontre avec Henri IV. Le contrat était rempli.

     

         Après ce cycle pour Marie de Médicis, présentant des femmes très classiques, sages, « grecques », le maître allait continuer à peindre des Grâces pour d’autres commanditaires. Son mariage en 1630, il a 53 ans, avec la très jeune Hélène Fourment lui permit de retrouver les grâces nues aux formes très rondes qu’il affectionnait. Le tableau actuellement au Prado « Les trois Grâces nues » montre sa femme Hélène représentée trois fois. Le Rubens voluptueux est de retour : les Grâces se frôlent, se caressent, laissent dans les chairs l’empreinte de leurs doigts.

     

    Rubens, Louvre, galerie Médicis

    Pierre Paul Rubens – Les trois Grâces nues, 1638, musée du Prado, Madrid

     

         Je termine sur la très belle description du travail de copiste effectué durant trois mois dans la galerie Médicis par Sigrid Avrillier sur une toile de format 1,46 x 1,14 m : une belle dextérité dans le rendu des carnations et glacis, avec le fameux « sfumato » cher à Léonard de Vinci dans les contours. La mise en page devait être très respectueuse de l’esprit du cycle et de sa poésie. « J’ai osé, moi aussi, une « interprétation », comme Rubens », dit la copiste.

     

         Ce livre, technique, érudit, demandant un gros travail de recherche, est très riche. J’ai découvert un pan de la mythologie grecque que je connaissais peu et la peinture de Rubens que j’admirais depuis longtemps et qui m’est devenue familière.