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Rechercher : un pastelliste heureux

  • Le Van Gogh nouveau va arriver

     

         J’ai presque terminé la présentation, la mise en page et l’iconographie de mon nouveau roman : 

    Que les blés sont beaux  

    L’ultime voyage de Vincent Van Gogh

     

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         Mes anciens lecteurs se doutent qu’il s’agit d’un remake du roman-feuilleton publié par chapitre dans mon blog au cours des années 2009-2010 et qui avait pour titre « Van Gogh à Auvers ». Dans cette publication, je contais la vie du peintre durant ses deux derniers mois à Auvers-sur-Oise. Il se racontait lui-même. Je me contentais de le suivre au jour le jour, pas à pas dans les rues d’Auvers, les chemins et collines de la région. Je le regardais peindre 75 toiles en deux mois. Et puis vivre, jusqu’à…

       Que les blés sont beaux, nouvelle version du roman, modifie, dégrossit, épure l'ancienne version. Certains chapitres ont été peu changés et d'autres profondément remaniés. Les tableaux de l’artiste insérés dans le texte d’origine, qui gênaient la lecture, ont été enlevés. J’ai seulement laissé, au début de chacun des 26 chapitres du roman (au lieu de 30 primitivement), une toile du peintre réalisée durant son séjour à Auvers.

         Je me suis beaucoup interrogé : passer par une maison d’édition pour la publication de ce livre qui me paraît abouti aujourd’hui ? Cela aurait été possible et j’ai été tenté de le faire afin que celui-ci ait une diffusion plus large. Puis, les problèmes inhérents à cette forme de parution, qui m’ont toujours rebutés dans le passé, me sont revenus à l’esprit :

         - Contraintes liées à un engagement dans un cycle commercial, ce que je ne recherche pas.

         - Difficultés et coûts, donc quasi impossibilité pour un éditeur, d’insérer des images de tableaux d’un peintre célèbre dans le texte. Pouvais-je publier un roman sur Van Gogh sans montrer quelques-uns de ses meilleurs tableaux d’Auvers ?

          Alors… Plus tard peut-être…

         Mon but essentiel en créant cet ouvrage était, comme pour tous les écrivains, de se faire plaisir en premier, et, ensuite, de faire partager cette histoire par le plus grand nombre de lecteurs.

         J’ai donc choisi de rester fidèle au site de partage numérique Calaméo dans lequel j’ai déjà publié deux recueils de nouvelles. Ainsi toutes les contraintes de l’édition s’effacent : je fais moi-même la mise en page du texte ; j’insère 26 tableaux auversois, mes préférés, de celui qui, depuis le temps que je le côtoie, est devenu mon ami ; je partage gratuitement, en consultation libre, le roman sur mon blog.

         Qu’en pensez-vous amis lecteurs ?

         J’avais également l’intention d’effacer de mon blog mon ancienne publication Van Gogh à Auvers. J’ai relu les commentaires qui suivaient les chapitres que je publiais régulièrement durant plus d’une année. La qualité et la gentillesse de ceux-ci m’ont touché. J’ai donc décidé de garder le tout. Il y aura donc dans le blog deux versions différentes de la dernière aventure de Van Gogh dans le petit village d’Auvers-sur-Oise : ancienne version par chapitre ; nouvelle version en livre Calaméo. Quand on aime…

         Le mois prochain, je publierai donc ce roman numérique terminé. Tous les visiteurs du blog, y compris d'éventuels historiens ou étudiants en histoire de l'art qui souhaiteraient se documenter sur cette période, pourront le lire en profitant d’une présentation agréable de « livre à feuilleter », et des possibilités interactives : zoom, marquage de pages, recherches plein texte, vue défilante ou diapositives, mode plein écran. Ce qui manque, évidemment, à l'édition papier...

         Avant cette publication à venir, mes prochains articles seront consacrés à quelques portraits en textes courts de tableaux peints par Van Gogh durant les 70 jours de son séjour à Auvers. J’extrairai ces textes du roman. Un avant-goût de celui-ci…

         A bientôt avec Vincent.

     

  • Nadine et QUE LES BLÉS SONT BEAUX

         Nadine Doyelle, chroniqueuse sur Facebook, à qui j'avais envoyé mon roman l'a lu avec une vitesse remarquable et m'a fait ce matin dans Facebook une jolie chronique :

     

     

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    Bonjour à tout le groupe 

    Voici mon ressenti sur le livre d’Alain Yvars

    Que les blés sont beaux

    Une belle découverte, à lire impérativement

    Belle journée 

     

    Que les blés sont beaux.
    Alain Yvars
    250 pages
    Sorti le 28/11/2018

     

    Chez Independently published AMAZON.FR

    Quand Alain Yvars et Vincent Van Gogh me contactent pour une demande de service de presse, je dis oui immédiatement ! Car cette proposition est très originale autant par la formule de la demande que par la lecture.

    Pour une fois, je ne procéderai pas comme d'habitude pour écrire mon ressenti. Je vous dirais simplement que ce roman est divisé en 3 parties débutant le 17/05/1890 jusqu'au 27/07/1890. Deux petits mois où Vincent Van Gogh, qui après un séjour dans le sud de la France et surtout après son hospitalisation dans un asile psychiatrique va rencontrer le docteur Gachet à Auvers-sur-Oise sur la recommandation de son frère Théo. À son arrivée dans ce village, il se sent terriblement bien. Il va rester dans ce village pour se ressourcer et laisser parler son cœur, sa tête et ses mains librement dans ses tableaux. Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde pendant cette lecture. Un feu d'artifice haut en couleurs a explosé dans ma tête et mon cœur. L'auteur a une plume fluide, son écriture est tellement bien détaillée que l'on a l'impression de tenir ou d'être le pinceau de l'artiste ! On voyage avec Vincent à travers sa peinture, ses pensées, ses peurs, ses délires ou pas, ses rencontres....... Un énorme travail de documentation a été produit par l'auteur. Une écriture pleine d'émotions, de poésie. J'ai été ravie, heureuse de découvrir et de faire la connaissance de Vincent Van Gogh par ce roman. Même si je n'ai pas beaucoup de connaissance dans la peinture. Cela ne m'a pas empêché d'apprécier cette magnifique lecture.
    De plus les bénéfices de la vente iront intégralement à l'association Rêves, je vous donne le lien si vous voulez faire plus ample connaissance avec cette association : http://www.reves.fr/

    A lire absolument. Tout simplement magnifique

     

    Résumé

    Une prémonition ? : « Je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d’alors apparussent comme des apparitions » En écrivant cette phrase à sa sœur Wil, le 5 juin 1890, Vincent Van Gogh pouvait-il se douter que son souhait se réaliserait ? Je me suis rendu dans cette petite commune d’Auvers-sur-Oise où la présence de Vincent Van Gogh est toujours perceptible. Je l’ai rencontré. Il est devenu un ami. Je n’ai eu qu’à l’écouter.Tour à tour joyeux, mélancolique, il m’a raconté, au jour le jour, son activité durant les deux mois qu’il a passés dans cette ville où il était venu pour oublier son mal et se soigner. Intarissable, il m’a fait tout partager : ses joies, ses doutes, ses rencontres, sa tendresse pour son frère Théo. Il m’a décrit ses journées occupées à courir la campagne en quête de motifs et de modèles. Au sommet de son art, il peignait parfois plus d’un tableau par jour. Il m’a expliqué sa technique, sa passion pour cette peinture qui lui faisait dire : « Il y a du bon de travailler pour les gens qui ne savent pas ce que c'est qu'un tableau ».

     

    Le lien pour vous procurer ce roman

    Que les blés sont beaux: L'ultime voyage de Vincent Van Gogh

    https://www.amazon.fr/…/…/ref=cm_sw_r_cp_apa_i_3LfMCbS4A4JGH

     

    Ma réponse ce jour :

    Cette chronique m’a beaucoup surpris. 
    Ce roman sur Vincent Van Gogh parle beaucoup de peinture et décrit souvent l’artiste en train de peindre les magnifiques toiles faites à Auvers-sur-Oise.
    Etonnement Nadine, qui dit avoir peu de connaissance en peinture, a parfaitement compris le but de ce livre : faire connaître la vérité de Van Gogh qu’il nous donne durant ces deux mois. Elle a même eu la sensation d’être le pinceau du peintre… 

    Bravo et merci Nadine pour la rapidité et la qualité de cette chronique.

     

  • Meilleurs voeux 2021

     

    Klimt

    Gustav Klimt - Le baiser, 1908, Österreichische Galerie Belvedere, Vienne, Autriche

     

    Que vous dire ? Toujours les mêmes phrases me revenaient : santé, amour, bonheur, paix, culture, prospérité... J’étais à court d’idées originales…

    J'allais renoncer lorsque mon ami Victor Hugo est venu à mon secours. Il m’a soufflé l’essentiel, et il s'y connaît : ce qu’il faudra mettre en pratique au plus vite, sans attendre d'obscures décisions gouvernementales, dans le courant de cette nouvelle année :

     

     

    Oh ! de mon ardente fièvre

                

    Oh ! de mon ardente fièvre
    Un baiser peut me guérir.
    Laisse ma lèvre à ta lèvre
    S'attacher pour y mourir.

    Ta bouche, c'est le ciel même.
    Mon âme veut s'y poser.
    Puisse mon souffle suprême
    S'en aller dans un baiser !

     

    Victor Hugo - Recueil Dernière Gerbe (Posthume, 1902)    

     

  • Van Gogh écrivain : Arles - 5. Juin/juillet 1888

     

     CORRESPONDANCE - EXTRAITS CHOISIS

     

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    Vincent Van Gogh – Epis de blé vert, juin 1888, The Israël Museum, Jérusalem

     

          Les mois de juin et juillet de Vincent sont presque entièrement occupés à peindre des champs de blés. C’est la période des moissons et l’artiste travaille inlassablement sous un soleil de plomb.

     

    Lettre à Emile Bernard – vers le 26 juin 1888

     

          Vincent se livre dans cette lettre à son copain à une longue pensée sur la Bible, le Christ et la science… Pas simple…

     

    Tu fais très bien de lire la Bible. L’étude du Christ donne inévitablement la névrose artistique, surtout dans mon cas où c’est compliqué par le culottage de pipes innombrables.

    La bible, c’est le christ, car l’ancien testament tend vers ce sommet. Saint Paul et les évangélistes occupent l’autre pente de la montagne sacrée.

    Que c’est petit, cette histoire ! Mon dieu, voilà. Il n’y a donc que ces juifs au monde, qui commencent par déclarer tout ce qui n’est pas eux, impur.

    Les autres peuples sous le grand soleil de là-bas, les Egyptiens, les Indiens, les Ethiopiens, Babylone, Ninive, que n’ont ils leurs annales écrites avec le même soin ! Enfin, l’étude de cela c’est beau, et enfin savoir tout lire équivaudrait presque à ne pas savoir lire du tout.

    Mais la consolation de cette bible si attristante qui soulève notre désespoir et notre indignation – nous navre pour de bon, tout outrés par sa petitesse et sa folie contagieuse – la consolation qu’elle contient, comme un noyau dans une écorce dure, une pulpe amère, c’est le christ.

    […]

    La science – le raisonnement scientifique - me parait être un instrument qui ira bien loin dans la suite.

    Car voici : On a supposé la terre plate. C’était vrai ; elle l’est encore aujourd’hui, de Paris à Asnières, par exemple.

    Seulement n’empêche que la science prouve que la terre est surtout ronde. Ce qu’actuellement personne ne conteste.

    Or, actuellement, on en est encore, malgré ça, à croire que la vie est plate et va de la naissance à la mort.

    Seulement, elle aussi, la vie, est probablement ronde, et très supérieure en étendue et capacité à l’hémisphère unique qui nous est à présent connu.

    Des générations futures, il est probable, nous éclairciront à ce sujet si intéressant ; et alors la Science elle-même pourrait – ne lui déplaise – arriver à des conclusions plus ou moins parallèles aux dictions du christ relatives à l’autre moitié de l’existence.

    […]

     peinture,van gogh,arles,C’est très laid ce que j’ai foutu : un dessin du zouave assis, une esquisse peinte du zouave contre un mur tout blanc, et enfin son portrait contre une porte verte et quelques briques orangées d’un mur. C’est dur et enfin laid et mal foutu. Pourtant, puisque c’est de la vraie difficulté attaquée, ça peut aplanir la route dans l’avenir.

     

     

     

     

     

     

      

    Vincent Van Gogh – Le zouave assis, juin 1888, collection privée

     

    Lettre à Emile Bernard – vers le 27 juin 1888

      

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    Vincent Van Gogh – Coucher de soleil sur des champs de blés près d’Arles, juin 1888, Kunstmuseum, Winterthur

     

     Mais puisque actuellement je peins la même campagne de la Crau et Camargue – quoiqu’à un endroit un peu divergent – toutefois il pourrait y demeurer certains rapports de couleur. Qu’en sais-je ? Involontairement, j’ai de temps en temps pensé à Cézanne, justement lorsque je me suis rendu compte de sa touche si malhabile dans certaines études – passe moi le mot malhabile – vu qu’il a exécuté les dites études probablement lorsque le mistral soufflait.

    Ayant affaire à la même difficulté la moitié du temps, je m’explique la raison pourquoi la touche de Cézanne est tantôt très sûre et tantôt parait maladroite. C’est son chevalet qui branle.

    J’ai quelquefois travaillé excessivement vite. Est-ce un défaut ? Je n’y peux rien. Ainsi une toile de 30, « Le soir d’été », je l’ai peinte en une seule séance.

    Y revenir, pas possible ; la détruire ? Pourquoi ? Puisque je suis sorti dehors, en plein mistral, exprès pour faire cela. N’est-ce pas plutôt l’intensité de la pensée que le calme de la touche que nous recherchons ; et dans la circonstance donnée de travail primesautier, sur place et sur nature, la touche calme et bien réglée est-elle toujours possible ? Ma foi, il me semble, pas plus que l’escrime à l’assaut.

    […]

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    Vincent Van Gogh – Moisson à La Crau avec Montmajour au loin, juin 1888, Van Gogh Museum, Amsterdam

     

     C’est que sa fatigue le soleil d’ici ! Je suis de même entièrement incapable de juger mon propre travail. J’ai sept études des blés, des paysages jaunes vieil or, faits vite, vite, vite et pressé comme le moissonneur qui se tait sous le soleil ardent, se concentrant pour en abattre.

     

    Lettre à Théo – vers le 5 juillet 1888

     

    Hier j’étais au soleil couchant dans une bruyère pierreuse où croissent des chênes très petits et tordus, dans le fond une ruine sur la colline, et dans le vallon du blé. C’était romantique, on ne peut davantage, à la Monticelli, le soleil versait des rayons très jaunes sur les buissons et le terrain, absolument une pluie d’or.

    Et toutes les lignes étaient belles, l’ensemble d’une noblesse charmante. On n’aurait pas du tout été surpris de voir surgir soudainement des cavaliers et des dames revenant d’une chasse au faucon, ou d’entendre la voix d’un vieux troubadour Provençal. Les terrains semblaient violets, les lointains bleus. J’en ai rapporté une étude d’ailleurs, mais qui reste bien en dessous de ce que j’avais voulu faire.

     

    Lettre à Théo – vers le 10 juillet 1888

     

    Les cigales, non pas celles de chez nous mais des comme ceci, on les voit sur les albums japonais. Puis des Cantharides dorées et vertes en essaim sur les oliviers. Ces cigales (je crois que leur nom est cicada) chantent au moins aussi fort qu’une grenouille.

      

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    Vincent Van Gogh – Croquis d’une cigale, juillet 1888

    […]

    Xantippe, la mère Tanguy et d’autres dames ont, par un caprice étrange de la nature, le cerveau en silex ou pierre à fusil. Certes ces dames sont bien davantage nuisibles dans la société civilisée dans laquelle elles circulent que les citoyens mordus par des chiens enragés qui habitent l’institut Pasteur. Aussi le père Tanguy aurait mille fois raison de tuer sa dame.... mais il ne le fait pas plus que Socrate…

    […]

     

          L’humour si particulier de Vincent m’amuse toujours.

    Te rappelles tu dans Guy de Maupassant le monsieur chasseur de lapins et autre gibier qui avait si fort chassé pendant 10 ans et s’était tellement éreinté à courir après le gibier, qu’au moment où il voulait se marier il ne bandait plus, ce qui lui causait les plus grandes inquiétudes et consternations.

    Sans être dans le cas de ce monsieur en tant que quant à devoir ou vouloir me marier, quant au physique je commence à lui ressembler.

    Selon l’excellent maître Ziem, l’homme devient ambitieux du moment qu’il ne bande plus. Or si cela m’est plus ou moins égal de bander ou pas, je proteste lorsque cela doit fatalement me mener à l’ambition.

    […]

     

          Cette pensée est désarmante de simplicité…

     Les peintres – pour ne parler que d’eux – étant morts et enterrés, parlent à une génération suivante ou à plusieurs générations suivantes par leurs oeuvres. Est-ce là tout ou y a-t-il même encore plus ? Dans la vie du peintre peut-être la mort n’est pas ce qu’il y aurait de plus difficile.

    Moi je déclare ne pas en savoir quoi que ce soit, mais toujours la vue des étoiles me fait rêver aussi simplement que me donnent à rêver les points noirs représentant sur la carte géographique villes et villages. Pourquoi, me dis je, les points lumineux du firmament nous seraient-elles moins accessibles que les points noirs sur la carte de France ?

    Si nous prenons le train pour nous rendre à Tarascon ou à Rouen, nous prenons la mort pour aller dans une étoile.

    Ce qui est certainement vrai dans ce raisonnement, c’est qu’étant en vie nous ne pouvons pas nous rendre dans une étoile, pas plus qu’étant morts nous puissions prendre le train.

    Enfin il ne me semble pas impossible que le choléra, la gravelle, la phtisie, le cancer, soient des moyens de locomotion céleste, comme les bateaux à vapeur, les omnibus et le chemin de fer en soient de terrestres.

    Mourir tranquillement de vieillesse serait y aller à pied.

    Pour le moment je vais me coucher car il est tard et je te souhaite bonne nuit.

     

    Lettre à Emile Bernard – vers le 29 juillet 1888

     

          Réflexions sur la peinture

    Ah !... Rembrandt !.... […] Je viens de trouver et d’acheter ici une petite eau-forte d’après Rembrandt, une étude d’homme nu, réaliste et simple. Il est debout, appuyé contre une porte ou colonne, dans un intérieur sombre, un rayon d’en haut frise la figure baissée et les grands cheveux roux. On dirait un Degas, pour le corps vrai et senti dans son animalité.

    […]

    Ce serait une fête pour moi que de passer une matinée avec toi dans la galerie des Hollandais du Louvre. Tout cela ne se décrit guère, mais, devant les tableaux, je pourrais te montrer des merveilles et des miracles qui pour moi font que les primitifs n’ont pas du tout - en premier lieu et le plus directement - mon admiration.

    Que veux tu, je suis si peu excentrique ; une statue grecque, un paysan de Millet, un portrait hollandais, une femme nue de Courbet ou de Degas, ces perfections calmes et modelées font que bien d’autres choses, les primitifs comme les japonais, me paraissent de l’écriture à la plume. Cela m’intéresse infiniment, mais une chose complète, une perfection nous rend l’infini tangible ; et jouir d’une telle chose, c’est comme le coït, le moment de l’infini.

    peinture,van gogh,arles,vermeerAinsi, connais tu un peintre nommé Vermeer qui, par exemple, a peint une dame hollandaise très belle, enceinte. La palette de cet étrange peintre est : bleu, jaune citron, gris perle, noir, blanc. Certes, il y a dans ses rares tableaux, à la rigueur, toutes les richesses d’une palette complète ; mais l’arrangement jaune citron, bleu pâle, gris perle, lui est aussi caractéristique que le noir, blanc, gris, rose, l’est à Vélasquez.

     

     

     

     

      

    Johannes Vermeer - La femme en bleu lisant une lettre, 1663, Amsterdam, Rijskmuseum

    […]

    Ainsi Rembrandt a peint des anges. Il fait un portrait de soi-même, vieux, édenté, ridé, coiffé d’un bonnet de coton, tableau d’après nature, dans un miroir. Il rêve, rêve et sa brosse recommence son propre portrait, mais de tête, et l’expression en devient plus navrée et plus navrante. Il rêve, rêve encore, et pourquoi ou comment, je ne sais, mais ainsi que Socrate et Mahomet avaient un génie familier, Rembrandt, derrière ce vieillard qui a une ressemblance avec lui-même, peint un ange surnaturel au sourire à la Vinci.

     

     

  • 1874 - Première exposition impressionniste

     

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           La première rétrospective présentée à Paris depuis 1941 de l’œuvre de Berthe Morisot s’est ouverte le 8 mars dernier au Musée Marmottan à Paris. Je suis un amoureux fervent, et depuis longtemps, de cette femme impressionniste aux talents multiples. On la disait austère, triste, mélancolique. Elle peignait le bonheur…

          Ayant visité l’expo sans tarder, j’en parlerai dans une prochaine note.

          Dans un article déjà ancien, j’avais imaginé une lettre écrite par Berthe à sa sœur Edma, habitant à Lorient depuis son mariage. Elle lui parlait de cette importante exposition d'avril 1874 organisée par les peintres avant-gardistes que le Salon officiel s’obstinait à refuser.

          A l’occasion de cette brillante rétrospective parisienne, j’ai eu envie de modifier et publier à nouveau ce courrier que Berthe Morisot aurait pu avoir rédigé elle-même…

       

     

    Je suis impressionné…

     

     

     

    10 mai 1874.        (Berthe Morisot - peintre)

     

    Très chère Edma

     

          Je te donne enfin quelques nouvelles. Je n’en ai guère eu le temps jusqu’ici. Notre exposition des artistes indépendants se termine dans cinq jours, le 15 mai prochain. Déjà trois semaines… La foule n’est pas au rendez-vous. Enfin… une moyenne de cent visiteurs chaque jour qui viennent plus par curiosité que par goût réel pour notre nouvelle peinture.

          Je ne regrette pas d’avoir renoncé définitivement à me présenter au Salon officiel. L’académisme y règne toujours en maître. Les peintres avant-gardistes y sont ridiculisés chaque année. Avec ce jury de vieux tromblons !

          Malgré mon insistance, notre ami Edouard Manet n’a pas souhaité se joindre à notre groupe. « La Société Anonyme des Artistes Peintres, Sculpteurs et Graveurs… Berthe, ne fréquente pas ces marginaux, m’a-t-il dit d’un ton courroucé ! » Le lâche !… Evidemment, il vient d’obtenir des médailles aux derniers Salons et ne veut pas se mettre mal avec un jury qui daigne enfin le considérer. S’il continue à renier les peintres avant-gardistes, qui sont pourtant ses amis et dont il apprécie la peinture, je cesserai de poser pour lui ! L’amitié cela se mérite…

          Puvis de Chavannes aussi m’a déconseillé de participer à cette exposition. « Le public se fera une joie de ne pas venir, m’a-t-il lancé ! Cette « exhibition », comme il la nomme, sera un fiasco ! ».

          Le jour de l’ouverture de l’exposition, le 15 avril, nous étions une trentaine à accrocher environ 200 toiles sur les murs rouges de l’atelier du photographe Nadar, boulevard des Capucines à Paris. C’est un artiste original ce Nadar. Il peint à ses heures et les causes perdues le touchent. Avec nous, il peut dire qu’il a réussi ! « Il est bon comme le bon pain » m’avait chuchoté Monet au vernissage en parlant de notre mécène. Il nous a offert généreusement ses locaux tout en sachant que le nombre d’entrées serait insuffisant pour couvrir les frais. Que le dieu des peintres lui réserve une place dans son paradis !

          Ma petite sœur, pourquoi t’es-tu arrêtée de peindre ? Degas aurait tant aimé que tu fasses partie de la bande. Comme tous nos amis, il appréciait ta peinture… Enfin, puisque tu préfères t’occuper de ton mari et de tes filles… J’aurais aimé qu’une autre femme se joigne à moi. Je suis un peu perdue au milieu de tous ces hommes. Il y a beaucoup de respect dans leur regard. Ils ne me considèrent pas comme une muse anonyme mais comme une peintre de qualité qu’ils reconnaissent comme une des leurs.

          L’ambiance a été chaude pour accrocher ses toiles aux meilleures places. Etant la seule femme, mes amis, très galants, m’ont laissé un bon emplacement, bien éclairé. Tu les connais tous : Monet, Pissarro, Sisley, Degas, Renoir, Cézanne, Guillaumin… Ils sont l’avenir de la peinture.

          peinture,berthe morisot,impressionnismeRassure-toi, soeurette, tu es bien représentée ! J’ai exposé 9 œuvres pour lesquelles tu m’avais servi 7 fois de modèle. Il y avait trois aquarelles, deux pastels, dont ton portrait de 1871, Madame Pontillon, alors que tu étais enceinte de Blanche, et quatre huiles : La lecture, Le port de Cherbourg, Cache-cache et, mon préféré, Le berceau. Cette dernière toile, où je te représente au chevet du berceau de Blanche qui venait de naître, a beaucoup plu. Monet ne cessait de venir la voir. « C’est délicieux, disait-il ».

     

     

     

     

     Berthe Morisot – pastel, Portrait de Madame Pontillon, 1871, musée d’Orsay, Paris

        3237d584f5c5877887cf1f596cd388ff.jpg Berthe Morisot - Le berceau, 1872, Paris, Musée d’Orsay

     

          Pour une première exposition de notre nouvelle Association, Renoir avait insisté pour que les toiles soient uniquement de moyens ou petits formats, et disposées à hauteur des yeux. Te souviens-tu des Salons officiels où les tableaux, serrés les uns contre les autres, couvraient les murs jusqu’au plafond ? Chez Nadar, chaque œuvre, isolée, dégage sa propre lumière. Plus de scènes d’histoires ou mythologiques. Rien que des paysages, des portraits ou des scènes intimistes. Des couleurs joyeuses, des touches légères, des tons francs, comme nous aimons toi et moi.

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          Renoir a eu un vrai succès avec sa Loge. Il faut absolument que tu voies cette toile : une jeune femme à la robe floconneuse, au visage très pâle, assiste à une représentation théâtrale. Les couleurs bleu clair et noires étaient un hommage au « noirs » de Manet. Quel peintre ce Renoir !

     

     

     

     

     

     

     

    Auguste Renoir – La Loge, 1874, Courtauld Institute galleries, Londres

     

          Edma, je me sens chez moi au milieu de ces artistes. Nous parlons le même langage !

          Mère doute toujours de moi. Récemment, elle m’a dit gentiment mais fermement qu’elle ne croyait pas en mon talent et que j’étais incapable de ne rien faire de sérieux. « Tu ne vendras jamais rien, ma fille ! » Evidemment, une femme qui peint… et dans un style non conventionnel… Je n’aurai jamais la touche léchée de Rosa Bonheur qui vend tout ce qu’elle veut avec ses représentations d’animaux où le moindre poil est apparent.

          Pauvre mère… Inquiète de me voir fréquenter cette « bande de peintres bohèmes », elle en a parlé à Joseph Guichard, notre ancien professeur de peinture. Sans prévenir, il est venu le soir du vernissage et s’est promené dans les salles. Je l’ai vu faire des mouvements de tête et des moues offusquées devant la plupart des toiles et repartir très rapidement sans me dire un mot. Quelques jours après, maman m’a rapporté les termes de la lettre qu’il lui écrivit le lendemain : « A mon entrée, un serrement de cœur m’a pris en voyant les œuvres de votre fille exposées dans ce milieu délétère. J’ai pensé, ce sont des fous. ».

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          Guichard s’indigna ensuite que mon Berceau, si délicat, jouxte « à le toucher ! » une peinture douteuse et ludique de Cézanne appelée Le Rêve du célibataire. Il termina son courrier par ces mots : « Votre fille doit rompre avec cette nouvelle école dite de l’avenir. »

              

     

     

    Paul Cézanne : Le rêve du célibataire ou Une moderne Olympia, 1873- 1874, Paris, Musée d’Orsay   

                                      

          Des fous… Edma, on nous prend pour des fous ! Les railleries pleuvent : « Ils ont déclaré la guerre à la beauté ! ». Nos toiles sont comparées à des « croûtes ». Heureusement, un journaliste, ami des Manet, a eu des mots aimables pour moi dans son journal : « Elle a de l’esprit jusqu’au bout des ongles, surtout jusqu’au bout des ongles. »

          Ma chère sœur, je te réserve le meilleur pour la fin.     

          Une dizaine de jours après le vernissage, le fameux critique du Charivari, Louis Leroy, s’est moqué dans un article d’un petit tableau de Claude Monet représentant un lever de soleil sur la mer que le peintre avait croqué de sa fenêtre d’hôtel devant le port du Havre. Une charmante toile avec un gros soleil rouge s’infiltrant au milieu des brumes et se reflétant dans l’eau. Monet ne sachant quel titre donner à « cette chose » pour le catalogue de l’exposition l’appela Impression, soleil levant.

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     Claude Monet : Impression, soleil levant, 1872,  Paris, Musée Marmottan

     

          Ce joyeux critique, se croyant sans doute très drôle, eut ces mots ironiques : « Je me disais aussi puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l’impression là-dedans… ». Il titra d’ailleurs sa chronique « L’exposition des impressionnistes ». Nous étions catalogués, Edma… Impressionnistes…

     

          J’ai vu Monet hier matin contemplant son tableau. Il m’a reparlé de cet article. Il ne semblait pas mécontent de cette moquerie. « Ne vous inquiétez pas Berthe, m’a-t-il dit, ce journaliste voulant faire un bon mot, sans le savoir a peut-être trouvé le terme qui nous caractérise le plus. Il n’a pas tort… Nous peignons sur le motif la lumière changeante. Nous utilisons des couleurs pures et une touche divisée pour capter les vibrations lumineuses, les émotions troubles. Nous peignons l’instant, la fugacité des choses. Ce Leroy nous a parfaitement compris, Berthe, nous couchons sur la toile nos impressions visuelles… »

          Cet après-midi, Monet est passé à la galerie pour rencontrer un éventuel acheteur. Il m’a confié : « La nuit porte conseil. Je voudrais en parler avec les peintres du groupe… Pourquoi ne garderions-nous pas ce terme « d’impressionnistes » pour désigner notre bande de fous ? ».

          Je te quitte Edma. Je dois retourner chez Nadar. Je n’ai rien vendu mais je suis tellement heureuse d’avoir participé à cette première exposition de notre nouvelle association. J’espère bien recommencer l’année prochaine avec tous ces peintres de talents qui resteront mes amis. Peut-être que, dans un an, tu accepteras de reprendre tes pinceaux ? Tu ne peux laisser ta sœur seule parmi tous ces hommes…

          Comment vont les petites Paule et Blanche qui me manquent ? Donne-leur pleins de gros baisers de leur tante qui les aime. Je pense à vous.

    Ton attentionnée Berthe.

     

     

                                                                                              Alain

     

     

  • L’écriture du maître : Frans Hals

     

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    Frans Hals – Portrait de mariage de Isaac Massa et Beatrix van der laen ,1622, Rijksmuseum, Amsterdam

     

     

         La Hollande au Siècle d’or… Je ne m’en lasse pas… 

        Il est regrettable que l’on parle si peu de l’un des trois plus talentueux peintres de cette période avec Rembrandt et Vermeer : Frans Hals.

         Né en 1582, l’art novateur du peintre Caravage va bientôt révolutionner la peinture en Italie, Frans Hals est le plus âgé des trois : il a 24 ans à la naissance de Rembrandt et 50 ans lorsque Vermeer voit le jour dans sa bonne ville de Delft.

     

         Citoyen d’Haarlem, Frans Hals pratique comme ses collègues la peinture de genre, mais est avant tout un portraitiste. Il se spécialise dans les portraits individuels de personnalités issues le plus souvent de milieux bourgeois, et les portraits collectifs de groupe en vogue à cette époque : citoyens des villes, banquets d’officiers et miliciens regroupant leurs membres sur de grands tableaux montrant chaque personnage dont le portrait est particulièrement convaincant et reconnaissable.

         J'admire les magnifiques portraits individuels de l’artiste.

        Contrairement à la plupart des artistes contemporains, Hals n’oblige pas les modèles à de longues séances de pose afin de capter chaque détail. Il brosse ses modèles à grands traits. Sa technique est toute en vivacité, spontanéité. Le style est léger, rapide, nerveux. Une liberté de touche sans rivale. Les personnages peints semblent sortir du cadre, saisis sur le vif de manière si expressive que l’on ne voit pas un portrait mais une personne bien vivante. Avec deux siècles d’avance, l’artiste recherche-t-il l’impression fugitive des modèles à la manière des futurs peintres impressionnistes ? Déroutant… Ses contemporains parlaient « d’écriture du maître » pour qualifier sa technique audacieuse, si naturelle.

     

         Il n’est pas question pour moi de faire une apologie du peintre à la façon d’un historien d’art que je ne suis pas. Le but de cet article est de montrer la qualité des toiles de Frans Hals. J'y viens...

         Auparavant, je ne peux passer sous silence l’influence que l’artiste exercera, plus tard, sur Vincent Van Gogh. Celui-ci, dans sa lettre du 30 juillet 1888 à son ami Emile Bernard, consacre un long passage au peintre de Haarlem :

     

    « Ce qui me navre au Louvre, c’est de voir leurs Rembrandt se gâter et les crétins de l’administration abîmer beaucoup de beaux tableaux.

    Parlons de Frans Hals. Jamais il n’a peint de Christ, d’Annonciations aux bergers, d’anges ou de crucifixions et résurrections, jamais il n’a peint de femmes nues voluptueuses et bestiales. Il a fait des portraits, rien que cela : Portraits de soldats, réunions d’officiers, portraits de magistrats assemblés pour les affaires de la république, portraits de matrones à peau rose ou jaune, de blancs bonnets coiffées, de laine et de satin noir habillées, discutant le budget d’un orphelinat ou d’un hospice. Il a fait le portrait de bons bourgeois en famille, l’homme, la femme, l’enfant.

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    Frans Hals – Le joyeux buveur, 1630, Rijksmuseum, Amsterdam

     

    Il a peint le buveur gris, la vieille marchande de poisson en hilarité de sorcière,

     

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    Frans Hals – Malle Babbe (Babbe la folle ou La Sorcière de Haarlem), 1633, Gemäldegalerie, Berlin

     

     la belle putain bohémienne,

     

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    Frans Hals – La Bohémienne, 1630, Musée du Louvre, Paris

    Comment oublier La bohémienne et son regard coquin du Louvre !

     

    les bébés au maillot, le crâne gentilhomme bon vivant, moustachu, botté et éperonné. Il s’est peint lui et sa femme, jeunes, amoureux, dans un jardin, sur un banc de gazon, après la première nuit de noce (Van Gogh s’est trompé car il s’agit du tableau débutant cet article du mariage de Isaac Massa et Beatrix van der laen). Il a peint les voyous et les gamins riants,

     

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    Frans Hals – Enfant riant, 1620, Los Angeles County Museum of Art

     

    il a peint les musiciens

     

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    Frans Hals – Bouffon au luth, 1624, Rijksmuseum, Amsterdam

     

    et il a peint une grosse cuisinière.

    Il n’en sait pas plus long que cela ; mais cela vaut bien le Paradis du Dante et les Michel-Ange et les Raphaël, et les Grecs même. C’est beau comme Zola, et plus sain et plus gai, mais aussi vivant, parce que son époque était plus saine et moins triste.

    […]

    Mais, je t’en supplie, suis bien ce raisonnement droit que je m’efforce de te présenter d’une façon fort simple.

    Fourre-toi dans la tête ce Maître, Frans Hals, peintre de portraits divers, de toute une république crâne et vivante et immortelle. Fourre-toi dans la tête le non moins grand et universel maître peintre de portraits de la république hollandaise : Rembrandt Harmensz van Rijn, homme large et naturaliste, et sain autant que Hals lui-même. Et après nous verrons de cette source, Rembrandt, découler les élèves directs et vrais : Vermeer de Delft, Fabritius, Nicolas Maes, Pieter de Hooch, Bol, et les influencés par lui, Potter, Ruysdael, Ostade, Terburg. »

     

          Dans une autre lettre, Van Gogh montrera à nouveau son admiration envers l’artiste : « J’ai surtout admiré les mains de Hals, des mains qui vivaient, mais qui n’étaient pas « terminées », dans le sens que l’on veut donner maintenant par force au mot « finir ». Et les têtes aussi, les yeux, le nez, la bouche, faits des premiers coups de brosse, sans retouches quelconques. Peindre d’un seul coup, autant que possible, en une fois ! Quel plaisir de voir ainsi un Frans Hals ! »

     

         Ci-dessous, je montre un chef d’œuvre du genre. A l’aide de rapide coup de pinceau, Hals d'une touche relâchée et souple, saisit le caractère aristocratique et l'élégance de l'homme. La virtuosité du rendu de la collerette et de l’habit impressionne... Une légère ironie est perçue dans le sourire et le regard qu’il nous adresse.

     

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    Frans Hals – Le cavalier riant, 1624, Wallace Collection, Londres

     

         Ce garçon riant joyeusement avec les yeux scintillants et les cheveux en désordre n’est pas un portrait, mais un « tronie » - une étude d'un enfant riant. Les figures rieuses sont inhabituelles, car le rire est une des expressions les plus difficiles à capturer. Hals, en virtuose, a peint le garçon directement et spontanément en utilisant des pinceaux remarquablement lâches qui savaient exactement ce qu'il fallait faire. La voute du nez de l'enfant, par exemple, est peinte d'un seul trait blanc placé au bon endroit.

     

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    Frans Hals – L’enfant rieur, 1625, Mauritshuis, La Haye

     

         Ce très grand peintre vivra plus de 80 ans. L’hospice municipal dont il avait peint, jeune, les régents, lui alloua une maigre pension.

     

     

  • Fêtes galantes/2 - Paul Verlaine

     

    Watteau

    Antoine Watteau – L’Embarquement pour Cythère, 1709, Städelsches Kunstinstitut und Städtische Galerie, Francfort-sur-le-Main

     

    « C’est fort bizarre, très drôle ; mais vraiment, c’est adorable » pensait Arthur Rimbaud du recueil de Paul Verlaine « Fêtes galantes » publié en 1869.

     

    Rosalba Carriera

    Rosalba Carriera – Portrait d'Antoine Watteau, 1721, Musée Luigi Ballo, Trévise

     

         Les amoureux de la poésie de Paul Verlaine éprouveront certainement beaucoup de plaisir en lisant les 22 poèmes de son recueil que je vais présenter en plusieurs articles accompagnés des tableaux de Watteau que j’ai choisis pour les accompagner.

         Dans ce deuxième article, pour accompagner les poèmes, j’utiliserai parfois certains passages de l’essai de Patrick Godfard « Les fêtes galantes ou les rêveries de Watteau et Verlaine » que j’ai chroniqué dans un premier article.

     

    Verlaine

    Couverture originale des Fêtes Galantes de Paul Verlaine

     

     

         

       Les poèmes de Verlaine s’inspirent du « peintre en feste galante » Antoine Watteau, qualificatif utilisé par L’Académie royale de peinture à l’occasion de l’inauguration en 1717 de son tableau « Pèlerinage à l’Île de Cythère ». Certaines scènes sont souvent identiques aux toiles du peintre. À part ce tableau qu’il a dû voir au Louvre, Paul Verlaine connaît-il vraiment Watteau à la publication du recueil ? D’autant que ce peintre avait été fraîchement redécouvert. Le poète a probablement lu le fascicule des frères Goncourt « L’art au 18e siècle » paru en 1864, et s’est familiarisé avec le peintre.

        Derrière l’évocation des plaisirs chers à Watteau, certains paysages reflètent l’âme du poète, sa propre sensibilité, une profonde mélancolie qui va aller en s’amplifiant au fil des poèmes.

     

     

    CLAIR DE LUNE

     

         Lors de la première publication de l’ouvrage de Verlaine le 20 février 1867 dans « La gazette rimée », le poème d’ouverture avait pour titre « Fêtes galantes ». Après avoir donné ce titre à l’ensemble du recueil, le poète renomma ce premier poème « Clair de lune ».

     

    Watteau

    Antoine Watteau – Les plaisirs du bal, 1717, Dilwich Picture Gallery, Londres

     

     

    Votre âme est un paysage choisi
    Que vont charmant masques et bergamasques,
    Jouant du luth et dansant et quasi
    Tristes sous leurs déguisements fantasques.

    Tout en chantant sur le mode mineur
    L’amour vainqueur et la vie opportune,
    Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur
    Et leur chanson se mêle au clair de lune,

    Au calme clair de lune triste et beau,
    Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
    Et sangloter d’extase les jets d’eau,
    Les grands jets d’eau sveltes parmi les marbres.

     

     

    PANTOMIME

     

    Watteau

    Antoine Watteau – Les comédiens italiens, 1720, National Gallery of Art, Washington

     

    Pierrot, qui n’a rien d’un Clitandre,
    Vide un flacon sans plus attendre,
    Et, pratique, entame un pâté.

    Cassandre, au fond de l’avenue,
    Verse une larme méconnue
    Sur son neveu déshérité.

    Ce faquin d’Arlequin combine
    L’enlèvement de Colombine
    Et pirouette quatre fois.

    Colombine rêve, surprise
    De sentir un cœur dans la brise
    Et d’entendre en son cœur des voix.

     

     

    SUR L’HERBE

     

         « Verlaine n’hésite pas à faire entendre directement ces voix. « Sur l’herbe » est constitué de dialogues libertins dont la cacophonie est à l’image de l’ivresse partagée. » P. Godfard

     

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    Antoine Watteau - Les Amusements champêtres, 1720, collection privée

     

     

    L’abbé divague. — Et toi, marquis,
    Tu mets de travers ta perruque.
    — Ce vieux vin de Chypre est exquis
    Moins, Camargo, que votre nuque.

    — Ma flamme… — Do, mi, sol, la, si.
    — L’abbé, ta noirceur se dévoile.
    — Que je meure, mesdames, si
    Je ne vous décroche une étoile.

    — Je voudrais être petit chien !
    — Embrassons nos bergères, l’une
    Après l’autre. — Messieurs, eh bien ?
    — Do, mi, sol. — Hé ! bonsoir la Lune !

     

     

    FANTOCHES

     

    watteau

    Antoine Watteau – La Sérénade italienne, 1717, Musée National, Stockholm, Suède

     

    Scaramouche et Pulcinella,
    Qu’un mauvais dessein rassembla,
    Gesticulent, noirs sur la lune.

    Cependant l’excellent docteur
    Bolonais cueille avec lenteur
    Des simples parmi l’herbe brune.

    Lors sa fille, piquant minois,
    Sous la charmille en tapinois
    Se glisse demi-nue, en quête

    De son beau pirate espagnol,
    Dont un langoureux rossignol
    Clame la détresse à tue-tête.

     

     

    CYTHÈRE

     

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    Antoine Watteau – Voulez-vous triompher des belles ? 1720, The Wallace collection, Londres

     

     

    Un pavillon à claires-voies
    Abrite doucement nos joies
    Qu’éventent des rosiers amis ;

    L’odeur des roses, faible, grâce
    Au vent léger d’été qui passe,
    Se mêle aux parfums qu’elle a mis ;

    Comme ses yeux l’avaient promis,
    Son courage est grand et sa lèvre
    Communique une exquise fièvre ;

    Et l’Amour comblant tout, hormis
    La Faim, sorbets et confitures
    Nous préservent des courbatures.

     

      

    À LA PROMENADE

     

         « Non seulement l’atmosphère, les personnages et le cadre (le bassin, les tilleuls) sont wattesques, mais le regard suit le même chemin que dans un tableau ou une gravure de Watteau. » - P. Godfard

     

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    Antoine Watteau – Plaisirs d'amour, 1719, Gemäldegalerie, Dresden

     

     

    Le ciel si pâle et les arbres si grêles
    Semblent sourire à nos costumes clairs
    Qui vont flottant légers avec des airs
    De nonchalance et des mouvements d’ailes.

    Et le vent doux ride l’humble bassin,
    Et la lueur du soleil qu’atténue
    L’ombre des bas tilleuls de l’avenue
    Nous parvient bleue et mourante à dessein.

    Trompeurs exquis et coquettes charmantes
    Cœurs tendres mais affranchis du serment
    Nous devisons délicieusement,
    Et les amants lutinent les amantes

    De qui la main imperceptible sait
    Parfois donner un soufflet qu’on échange
    Contre un baiser sur l’extrême phalange
    Du petit doigt, et comme la chose est


    Immensément excessive et farouche,
    On est puni par un regard très sec,
    Lequel contraste, au demeurant, avec
    La moue assez clémente de la bouche.

     

      

    LES INGÉNUS

     

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    Antoine Watteau – La perspective, 1715, musée des Beaux-Arts, Boston

     

     

    Les hauts talons luttaient avec les longues jupes,
    En sorte que, selon le terrain et le vent,
    Parfois luisaient des bas de jambe, trop souvent
    Interceptés ! — et nous aimions ce jeu de dupes.

    Parfois aussi le dard d’un insecte jaloux
    Inquiétait le col des belles, sous les branches,
    Et c’était des éclairs soudains de nuques blanches
    Et ce régal comblait nos jeunes yeux de fous.

    Le soir tombait, un soir équivoque d’automne :
    Les belles, se pendant rêveuses à nos bras,
    Dirent alors des mots si spécieux, tout bas,
    Que notre âme depuis ce temps tremble et s’étonne.

     

     

    Suite des poèmes des Fêtes Galantes dans un prochain article.

     

  • Mon quinquennat

     

          Le soleil pénètre déjà, mince filet lumineux encadrant la porte qui s’ouvre sur le jardin. J’ouvre les volets de la maison. Un vacarme mélodieux m’envahit les tympans. J’avais l’impression que tous les oiseaux de la région s’étaient donnés rendez-vous devant ma fenêtre pour une aubade matinale.

          Je m’installe à mon bureau. Je venais de m’apercevoir que j’avais complètement oublié un anniversaire… le mien... Mon blog avait atteint, le 17 mars dernier, l’âge respectable de 5 années. Un quinquennat… Un petit bilan serait le bienvenu, pensai-je…

     

      

    anniversaire

     

          J’ai remarqué que, depuis quelques mois, de nombreux blogs amis mettaient la clef sous la porte. Plusieurs avaient débuté en même temps que moi, ou même avant. La lassitude ? Certains partaient sans prévenir en laissant l’image de leur dernière note éternellement inerte. D’autres tiraient leur révérence en faisant des adieux émouvants à leurs lecteurs, sorte de séparation à l’amiable avec agitation des mouchoirs. La plupart d’entre eux étaient de vrais passionnés : je pense à « Louvre-Passion » dont la passion s’est éteinte brusquement par une triste journée d’automne.

          Tout récemment, un blog que je trouvais d’une belle qualité littéraire a également cessé d’émettre. Un message final était affiché qui m’avait surpris : « …lassitude de l’égocentrisme des blogueurs qui au-delà de leur petit nombril n’ont aucune notion de ce que signifie le partage mais se targuent et gonflent leur gosier en se vantant de leur extrême générosité et intérêt pour les autres… ». C’était dur. On y sentait de la rancœur, un amour déçu…

          Je songe. La blogosphère…

          Nous profitons d’une des innovations technologiques majeures du 20e siècle permettant des échanges d'informations sur des ordinateurs répartis aux 4 coins du globe. Quel outil formidable donné aux internautes pour générer des contenus numériques ! La blogosphère était née. Aujourd’hui nous pouvons être lus dans le monde entier, exprimer nos passions, dialoguer, apprendre des autres. Nous devenons tour à tour écrivain, journaliste, éditorialiste mordant, critique acerbe, professeur parfois, mais toujours avec deux mots en tête : plaisir et partage.

          Qui n’a pas connu des moments de cafard dans sa confrontation solitaire avec cet étrange nouveau monde virtuel permettant de communiquer sans frontières ? J’ai eu mes instants de doutes, surtout dans ces périodes d’handicap visuel qui gênait ma production. Je suis toujours là. J’aime écrire et parler de peinture. J’ai besoin de palper les mots, de les sentir rouler sous ma plume, d’entendre leur sonorité, et de me dire enfin, satisfait : « Cette phrase là sonne bien ! ».  Durant ces années, le blog n’était jamais devenu pour moi une addiction, mais un plaisir qui m’enrichissait.

          Si je dois faire un bilan quinquennal, celui-ci m’apparaît largement positif. J’ai rencontré des amis sur la toile. On s’apprécie. Nos échanges sont courts mais de qualité, parfois plus chaleureux et riches que dans le monde réel. Derrière la façade virtuelle de l’internet, je me suis aperçu qu’il y avait des êtres… bien vivants. Sans les voir, dans leurs mots, j’ai décelé leurs sentiments.

          Au loin, le clocher de l’église sonne déjà les douze coups de midi. J’ai le souvenir qu’à la fin de la première année suivant la création du blog je m’étais offert une bouteille de champagne. Pas une virtuelle… J’en ouvre une à nouveau, m’en verse une coupe, contemple longuement les bulles effervescentes.

          Il m’arrive de regarder les statistiques du blog. D’où viennent tous ces visiteurs anonymes qui parcourent mes articles ? Cela m’intrigue. Narcissique, je me demande s’ils lisent réellement ma prose ? Certains doivent, comme je le fais moi-même sur des blogs, débouler par hasard chez moi au détour d’une recherche, prendre une image, ou s’attarder. Les plus curieux parcourent mes textes nonchalamment, peut-être se disent-ils : « C’est pas si mal ce que fait ce type ! ». Je retrouve parfois mes récits introduits dans les pages de certains blogs. « Ils pourraient me demander, je ne refuserais pas, me dis-je courroucé ! », puis je souris… ils aiment… Après leur passage, tous ces gens repartent silencieusement dans leur monde, sur la pointe des pieds.

          A l’occasion de mon anniversaire, quel plaisir ce serait… on peut toujours rêver… si ces personnes anonymes qui liront cet article me laissaient une petite ligne de commentaire, un simple mot, un signe de vie indiquant que la blogosphère n’est pas qu’un lieu de passage…

          Je savoure la coupe de champagne à petites gorgées. J’en verse une autre coupe que je pose sur mon bureau, juste à côté de l’écran d’ordinateur. Je l’offre au petit monde de la blogosphère : « 5 ans, c’est le bel âge… ».

     

                                                                                                   Alain

     

      

  • Elisabeth Vigée Le Brun : Conseils

     

         Dans ses « Souvenirs », Elisabeth Vigée Le Brun a écrit quelques conseils pouvant être utiles aux femmes se destinant à la peinture du portrait.

         Il m’a paru intéressant d’en relater quelques extraits.

     

     

    CONSEILS SUR LA PEINTURE DU PORTRAIT

     

    Il faut toujours être prête une demi-heure avant que le modèle arrive, afin de se recueillir : c’est une chose nécessaire pour plusieurs raisons.

    1° Il ne faut pas faire attendre ; 2° Il faut que la palette soit préparée et faire en sorte de ne pas être tracassée par le monde et des détails d’affaire.

    Règle nécessaire – Il faut placer le modèle assis, plus haut que soi ; il faut que les femmes le soient commodément ; qu’elles aient de quoi s’appuyer, et un tabouret sous les pieds.

    Il faut le plus possible s’éloigner de son modèle, c’est le vrai moyen de bien saisir le juste ensemble des traits et l’aplomb des lignes, tant pour la tournure du corps que pour ses habitudes qu’il est nécessaire d’observer, même pour la ressemblance totale ; ne reconnaît-on pas les personnes par derrière, même sans apercevoir leur visage ?

     

    Pour faire le portrait d’un homme (surtout s’il est jeune) il faut le faire un instant debout, avant de commencer, pour tracer plus juste les signes généraux et extérieurs. Si on traçait le personnage assis, le corps n’aurait pas d’élégance, et la tête paraîtrait trop rapprochée des épaules. Pour les hommes surtout cette observation est nécessaire, les voyant plus souvent debout qu’assis.

    Il ne faut pas placer la tête trop haut dans la toile, cela grandit trop le modèle, et trop bas cela le rapetisse : on doit placer la figure de manière qu’il y ait plus d’espace du côté où est tourné le corps.

    Il faut avoir derrière soi une glace, placée de manière à apercevoir son modèle et son portrait, pour pouvoir le consulter très souvent, c’est le meilleur guide, il explique nettement les défauts.

    Avant de commencer, causez avec votre modèle ; essayez plusieurs attitudes, et choisissez non seulement la plus agréable, mais celle qui convient à son âge et à son caractère (ce qui peut ajouter à la ressemblance), faites de même pour sa tête : placez-la de face ou de trois quarts, cela ajoute plus ou moins à la vérité des traits, surtout pour le public ; le miroir peut aussi décider à ce sujet.

     Il faut tâcher de faire la tête (le masque surtout) dans trois ou quatre séances d’une heure et demie chaque, deux heures au plus ; car le modèle s’ennuie, s’impatiente (ce qu’il faut éviter) son visage change visiblement ; c'est pourquoi il faut le faire reposer, et le distraire le plus possible.

     

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    Elisabeth Vigée Le Brun – Giovanni Paisiello, 1791, chateau de Versailles

     

    Tout cela est d’expérience avec les femmes ; il faut les flatter, leur dire qu’elles sont belles, qu’elles ont le teint frais, etc., etc. Cela les met en belle humeur, et les fait tenir avec plus de plaisir. Le contraire les changerait visiblement. Il faut aussi leur dire qu’elles posent à merveille ; elles se trouvent engagées par là à se bien tenir. Il faut leur recommander de ne point amener de sociétés. Toutes veulent donner leur avis, et font tout gâter. Quand aux artistes et aux gens de goût, on peut les consulter ? Ne vous rebutez pas si quelques personnes ne trouvent aucune ressemblance à vos portraits ; il y a tant de gens qui ne savent point voir.

     

    Tant que vous travaillez à la tête d’une femme, si elle est vêtue de blanc, mettez sur elle une draperie de couleur absente (gris ou verdâtre) afin de ne pas distraire les rayons visuels et qu’ils puissent se reposer seulement sur la tête du modèle ; si cependant vous la peignez en blanc, laissez-en un peu pour la tête, qui doit en être reflétée.

    La première [zone de lumière] est en haut du front, peu de distance après les cheveux. Elle s’interrompt un peu et vient s’asseoir près du sourcil, ce qui fait céder le ton de la tempe, où se décrit souvent la veine bleue, surtout aux peaux délicates. Après cette lumière est d’un ton chair entier, qui se dégrade vers le milieu ; la lumière se rappelle faiblement sur cette même forme de l'os frontal. Après cette ombre, il existe un reflet plus ou moins doré, selon la couleur des cheveux : dessous le sourcil, le ton se prépare un peu plus chaud : les poils du sourcil multipliés font le même effet que les boucles de cheveux qui retomberaient sur un front éclairé. L’ombre en est chaude. Il faut bien observer les passages de cheveux qui se verront en chair, afin de les rendre aussi vrais que possible ; qu’il n’y ait jamais de dureté, et que les cheveux se mêlent bien avec la chair, tant par le contour que par la couleur ; afin que cela n’ait point l’air d’une perruque, ce qui arriverait immanquablement si l’on ne faisait pas ce que je viens d’expliquer.

     

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    Elisabeth Vigée Le Brun – La comtesse Skavronskaïa, 1796, musée du Louvre, Paris

     

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    Elisabeth Vigée Le Brun – La comtesse Skavronskaïa, 1790, musée Jacquemart-André, Paris

     

         Les deux toiles ci-dessus représentent la comtesse Skavronskaïa, peinte en 1790 à Naples, puis, plus tard, en 1796 à Saint-Pétersbourg.

         Souvenir d’Elisabeth Vigée Le Brun sur la comtesse Skavronskaïa :

         « Je me souviens qu’elle m’a conté que, pour s’endormir, elle avait une esclave sous son lit, qui lui racontait tous les soirs la même histoire. Le jour, elle restait constamment oisive ; elle n’avait aucune instruction, et sa conversation était des plus nulle ; en dépit de tout cela, grâce à sa ravissante figure et à une douceur angélique, elle avait un charme invincible. »

     

     

    Les ombres doivent être vigoureuses et transparentes à la fois, c’est-à-dire point empâtées, mais d’un ton mûr, accompagné de touches fermes et sanguines dans les cavités, telles que l’orbite de l’œil, l’enfoncement des narines, et dans les parties ombrées et internes de l’oreille, etc. Les couleurs des joues, si elles sont naturelles, doivent tenir de la pêche dans la partie fuyante, et de la rose dorée dans la saillante, et se perdre insensiblement, avec les lumières occasionnées par la saillie des os (elles sont d’un ton doré), où les lumières doivent toujours être.

     

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    Elisabeth Vigée Le Brun – Portrait dit “aux rubans cerise” (détail), 1782, Kimbell Art Museum, Fort Worth

     

     

     

  • VERMEER AU LOUVRE

         

    Introduction

         

     

         Une exposition exceptionnelle « Vermeer et les maîtres de la peinture de genre » vient d’ouvrir ses portes au musée du Louvre à Paris.

         80 peintures des maitres hollandais de la peinture de genre du 17ème siècle, siècle d’or hollandais qui va voir s’épanouir quelques-uns des peintres les plus importants de l’histoire de la peinture, sont réunies. Pour la première fois à Paris depuis 1966, douze chefs-d’œuvre de Johannes Vermeer, soit le tiers de ses tableaux connus, ont pu être rassemblés dans le musée. Un exploit…

         L’exposition est conçue afin de permettre une confrontation directe entre la peinture de Johannes Vermeer et celle de ses contemporains. A cette époque, la plupart des grands peintres de genre se connaissaient, s’appréciaient, et s’inspiraient les uns des autres : leur rivalité leur permettait de se surpasser pour aboutir à une remarquable richesse dans la qualité.

         Passionné d’art hollandais de cette période, je place Vermeer en premier dans ma hiérarchie personnelle de l’histoire de l’art. J’ai eu la chance, en 1996, d’assister à la spectaculaire exposition, qui se tint à La Haye, dans laquelle 23 œuvres du maître sur 35 connues étaient présentées.

         Je ne pense pas pouvoir, à mon grand regret, pour cause de troubles oculaires, me rendre à l’exposition. Toutefois, je viens de recevoir la lettre mensuelle des "Amis du Louvre", dont je fais partie, m'informant, d'une part de l'affluence record de l'exposition, ce qui ne m'étonne guère : compte tenu de la petite taille des toiles il va être difficile de les voir confortablement, d'autre part que quelques dates spéciales sont dédiées aux adhérents, surtout celles du matin, les moins encombrées. Alors... je vais voir, car Vermeer est unique.   

         Pour en avoir vues la plupart en Hollande ou à Paris, pour certaines plusieurs fois, je connais chacune des peintures de l'artiste exposées au Louvre. J’ai donc l’intention, dans les semaines à venir, de proposer des visites, ou pérégrinations virtuelles, dans l’exposition. Ainsi, je vous montrerai les toiles du « Sphinx de Delft », celles que j'aime, qui sont exposées et les rapprocherai de toiles d’autres artistes hollandais présentes également. Les mêmes thèmes reviennent régulièrement dans la peinture de genre : correspondances amoureuses, la musique, la broderie, la toilette, les métiers...

         Puissent ces visites virtuelles permettre à ceux qui ne pourront voir l’exposition de découvrir la beauté intemporelles des œuvres de Johannes Vermeer « le maître de la lumière ». Peut-être serez-vous incités, malgré le nombre des visiteurs qui vont venir nombreux, à venir les contempler au Louvre…

     

     

         Avant de commencer la semaine prochaine la visite de mes toiles préférées du maître présentes dans l’exposition, je souhaite vous montrer un des plus beaux tableaux de l’artiste, appartenant à la collection de la Reine d’Angleterre, qui sera malheureusement absent : La leçon de musique.

     

     

     

    VERMEER Johannes – La leçon de musique, 1663, Collection Royale, Palais de Buckingham, Londres

     

     

    La signature est dans le miroir

     

     

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        De biais, j’observe La leçon de musique. Les visiteurs se dispersent et ce magnifique tableau devient accessible. Cette toile est la seule qui soit entrée dans une collection royale. D’ailleurs, son attribution à Johannes Vermeer ne fut seulement reconnue définitive que lors de son exposition à la Royal Academy à Londres en 1876.

         La séduction opère de suite. Quiétude… Harmonie... Silence...

         Quelques notes de musique me parviennent…

        Dans un intérieur élégant, une femme joue du virginal. Je la vois de dos : une robe de velours peinture,vermeer,louvre,peinture hollandaisenoir sur une jupe rouge, concentrée sur le clavier. Les deux personnages se tiennent un peu raides debout de chaque côté du dossier de la chaise bleutée à tête de lion qui les sépare. Le gentilhomme regarde affectueusement la jeune femme… Un professeur ou un amant ? A moins que ce ne soit l’amour de la musique qui les rapproche comme le suggère l’inscription en latin inscrite sur le couvercle du virginal aux éléments décoratifs d’une extrême finesse : MUSICA LAETITIAE COMES, MEDICINA DELORUM (La musique, compagne de la joie, médecine de la douleur).

     

     

     

     

         Des diagonales invisibles partent dans toutes les directions. Elles agrandissent la pièce et lui donnent sa profondeur. Je remarque que toutes les lignes, y compris le joli dallage noir et blanc, convergent toutes vers le point central de la toile : le miroir...

         Malin, Vermeer ! Il a laissé une discrète signature dans le haut du miroir, juste au-dessus du peinture,vermeer,louvre,peinture hollandaisevisage de la jeune femme : les pieds de son chevalet sur lequel il est en train de peindre la scène, planqué au fond de la pièce. Il ne se montre pas, mais il est bien présent…

     

     

     

     

     

     

     

     

         La lumière du jour, éclair bleuté qui transperce les larges vitraux, paraît intentionnellement stoppée sur le mur du fond ocre et bleu pâle afin de mieux renvoyer l’image de la femme dans le miroir.

         La basse de viole posée à terre semble avoir été rajoutée par l’artiste sur le dallage entre la chaise bleue et la jupe rouge de la femme. Aurait-elle été peinte au dernier moment pour rompre la perspective et protéger l’intimité du couple ?

     

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         Un petit bijou de délicatesse ! La cruche en céramique blanche, lisse, contraste fortement avec le tapis d’orient bariolé sur lequel elle est posée, en s’éclairant par endroit sous le reflet peinture,vermeer,louvre,peinture hollandaisedes vitraux.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

        Quelle chance inouïe a la Reine d’Angleterre de pouvoir contempler à satiété cette merveilleuse peinture, phare de sa collection !

        Je contemple longuement le tableau en silence. Inutile de chercher une intention quelconque, morale ou philosophique, dans ce tableau placé dans un intérieur bourgeois, pensai-je : seule l'art de la peinture a de l’importance pour l’artiste… 

           Les notes de musique se sont envolées.

        Dans un dernier regard pour la jeune femme reflétée dans le miroir, celle-ci semble me remercier de ma présence en m’adressant un discret clignement d'oeil…

     

     

  • Une idée pour Noël

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    Avez-vous terminé de remplir votre hotte de Noël ? Pour les hésitants, j’ai ma petite idée à ce sujet.

    Dans cette période où la culture passe au second plan, je suis persuadé que quelques livres d’art feraient plaisir à vos proches. J’ai ce qu’il vous faut :

    - Un roman : QUE LES BLÉS SONT BEAUX

    Vincent m’a aidé à l’écriture du livre en me racontant sa vérité à Auvers-sur-Oise, ses journées, sa technique et sa passion pour la peinture qui lui faisait dire : « Il y a du bon de travailler pour les gens qui ne savent pas ce que c’est qu’un tableau ».

    - Un recueil de nouvelles : CONTER LA PEINTURE

    Courtes fictions en images mettant en scène quelques grands peintres de l’histoire de l’art et leurs oeuvres.

     

    Je pense que ces publications seront d’autant mieux accueillies que tous les bénéfices résultant de leur vente sont intégralement reversés à l’association RÊVES venant en aide aux enfants gravement malades.

     

    Cliquez sur la couverture du livre souhaité dans la colonne de droite du blog.

     

    Encore merci pour les enfants. Plus que nous, ils ont besoin de rêver.

     

    Heureuses fêtes de fin d'année à tous.

     

    Alain